Chapitre 30 : Réapprendre à vivre avec toi

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Gen n'entend presque rien autour de lui. Assis sur une chaise, ses yeux ébènes se perdent dans le vide. Parfois, il voit des gens passer à toute vitesse devant ses yeux. Et quand on lui parle, il n'arrive pas à répondre. Son regard reste rivé sur ce point inexistant, se raccrochant de toutes ses forces à ce vide rassurant. Il ne veut pas que ses yeux se détachent de cet endroit. Sans ça, sa vue redeviendra nette, et il devra regarder l'horreur en face. 

Il ne sait pas vraiment ce qui s'est passé ensuite. Tout était flou autour de lui. Il a vu des personnes se ruer vers lui, essayant de le ramener à la réalité. Mais c'était plus fort que lui, il n'a pas réussi à regarder ailleurs qu'en face. Il se souvient avoir été ébloui par une petite lumière qu'on passait devant ses yeux. Là, il a plissé les paupières tandis qu'une gêne étrange l'a ramené à la réalité pendant quelques instants. 

— Ses paupières réagissent, pas de traumatisme. Mais il est en état de choc. 

"En état de choc." Qu'est-ce que ces mots pouvaient bien vouloir dire ? À quoi est-ce qu'on ressemble quand on est "en état de choc" ? Est-ce qu'on est comme lui ? Incapable de tourner la tête, souhaitant à tout prix disparaître de la réalité ? Est-ce que, lorsqu'on est en état de choc, on meurt d'envie de mourir aussi ? Il n'en sait rien, son esprit est trop embrouillé pour réfléchir. 

On lui a couvert les épaules d'une étrange couverture. Puis, on l'a emmené jusqu'à un camion. Là, à côté de lui, il y avait Senku. Il sait qu'il était là, mais il ne l'a pas regardé. Il était incapable de voir dans quel état il était. Non, plutôt qu'il ne voulait pas le voir. 

Il y avait les sirènes qui résonnaient autour d'eux. Quand ils sont arrivés, il a vu tout un tas de personnes en blouses blanches et d'autres habillées de vêtements bleus clairs. On lui a parlé, on lui a posé des questions, mais il était incapable de répondre. À ce moment-là, il ne sentait même plus la douleur dans son bras. 

Et puis, le temps est passé. De longues heures durant lesquelles ses yeux sont restés rivés dans le vide. Et enfin, il a cligné des yeux lorsqu'il a senti qu'on lui manipulait le bras. 

Il a crié quand une vive douleur s'est répandue dans tout son corps. La seconde d'après, des larmes ont coulé sans qu'il ne puisse les contrôler. On lui a fait une radio, puis il a fallu lui plâtrer le bras. Il apprendra plus tard que le médecin avait fait exprès de lui faire mal. En provoquant de la douleur, cela a permis à son corps de sortir de son état de léthargie et de le ramener à la réalité. Paradoxalement, cette douleur est ce qui lui a permis de revenir à la réalité. Enfin il a pu voir le monde s'éclaircir autour de lui.

De longs couloirs interminables, des bruits de machines assourdissant, des personnes pressées qui ne font que passer et repasser. Et puis, quand il a compris où il se trouvait, il s'est demandé où était Senku. 

Sans perdre un instant, il intercepte la première infirmière qui passe devant lui. 

— S'il vous plaît, est-ce que vous savez où se trouve Senku ? 

La demoiselle, surprise de le voir se poster devant elle, a sursauté. Puis elle s'est penchée rapidement en avant, s'excusant de ne pas pouvoir l'aider. Et ce fut le cas pour chaque infirmier et infirmière qui passaient devant lui. Enfin, il a réussi à trouver le chemin de l'accueil. 

— S'il vous plaît, je cherche quelqu'un, a-t-il dit à la secrétaire. 

La dame lève les yeux vers lui. Aussitôt, elle reconnaît de suite qui se trouve devant elle. 

— Oh, vous êtes le jeune homme qui a été amené tout à l'heure, ajoute-elle. 

— Je cherche le garçon qui était avec moi. Où est-il ? 

Après toi... (Sengen)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant