Chapitre 14 : Ton enfance dont tu n'as jamais parlé

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   Gen était un petit garçon tout ce qu'il y a de plus normal. Il vivait dans une famille normale, formée d'un père et d'une mère qui l'aimaient plus que tout. Ses jours étaient rythmés par l'insouciance de son âge, et rien ne semblait pouvoir venir troubler ce bonheur dont il profitait. Enfin, c'est ce que le petit garçon qu'il était pensait. Un jour, les masques sont tombés, et cette petite bulle de bonheur a disparu. 

Quand il a eu six ans, les choses ont commencé à changer. Ses parents ne l'avaient jamais clairement dit, mais il a fini par le comprendre à ses dépends. En réalité, il n'était qu'un enfant ciment. Avant sa naissance, l'amour entre ses parents s'était étiolé, fragilisé. Mais parce qu'on leur a inculqué des valeurs d'un autre temps, ils se refusaient à divorcer. Parce qu'ils s'étaient dit oui pour la vie, ils devaient honorer ce contrat, et ce même si l'étincelle s'était déjà éteinte depuis bien trop longtemps. 

Gen était l'enfant de la dernière chance, un miracle que ses parents voyaient comme le moyen ultime pour réanimer les liens qui les unissaient. Avec lui à leurs côtés, ils pourraient enfin fonder le foyer dont ils ont toujours rêvé. Parce que c'était pour ça qu'ils s'étaient dit oui. Fonder une famille, vivre heureux, là était leur seul objectif de vie. Et pendant de longues années, ce mensonge a fonctionné. 

Mais rien ne peut tenir sur des fondations endommagées. Leur famille avait été construite sur un mensonge, sur une tentative vaine de feindre l'indifférence et la normalité. Et un jour, aucun des deux parents ne put aller plus loin dans ce mensonge. Gen avait six ans quand ce mensonge s'est définitivement effondré. Et du haut de son jeune âge, il a encaissé la rancœur de ses parents qui, petit à petit, s'est changée en une haine de l'être aimé. 

Tout a commencé durant un mois de novembre. Parce que Gen connaissait le chemin de l'école par cœur, il était rentré chez lui, tout sourire, encore heureux du temps qu'il avait passé avec ses copains d'école. Il se souvient parfaitement de cette journée. Dehors, dans le jardin, les feuilles du cerisier avaient commencé à tomber. Alors, au lieu de rentrer dans la maison, il s'était amusé à sauter dans le tas de feuilles mortes que son père avait durement ramassées. En face, leur voisine s'était arrêtée, jetant un regard attendri à ce petit garçon plein de vie. C'était une dame âgée, et Gen adorait passer du temps chez elle. Il se souvient qu'elle l'a appelé pour le saluer et, parce qu'il n'avait aucune idée de ce qui l'attendait, il a répondu avec un large sourire et un signe de main énergique. Puis, il s'était relevé, attrapant son cartable qu'il avait jeté sur le côté. 

Là, en se rapprochant de la porte d'entrée, il avait croisé le regard de Tsukasa, son voisin. Plus jeune de deux ans, il était d'un naturel timide et effacé, tout l'inverse de Gen. À lui aussi, il lui avait adressé un geste de la main. 

— Tsukasa ça te dirait de venir chez moi le week-end prochain ? On pourra continuer de jouer à la magie ! 

Déjà à cet âge, Gen vouait une profonde passion aux tours de magie. Et parce que Tsukasa était plus jeune, son visage impressionné à chaque tour qu'il faisait suffisait à le combler de bonheur. 

— Oh oui j'adorerais ! 

— Je vais demander à ma maman. Toi demande à la tienne ! On se retrouve derrière la maison dans une heure. 

— D'accord je vais faire ça ! 

Le petit garçon s'était rué dans sa maison à la recherche de sa mère. Aussitôt, Gen l'a imité. Lui aussi voulait demander l'accord de sa mère qui, il le savait, serait certainement positive.

— Maman ! 

Il était entré sans se poser la moindre question. Il n'avait pas remarqué la voiture de son père dans l'allée, une voiture qui ne devait pas être là. Quand son père rentrait du travail, Gen avait déjà eu le temps de finir tous ses devoirs. Mais aujourd'hui, elle était là. 

Après toi... (Sengen)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant