Chapitre 25 : Des constellations de couleurs sur ta peau

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— Non va-t-en et laisse-moi tranquille ! 

Senku a beau essayer, il ne parvient pas à le faire sortir de sa chambre. Cela doit faire presque une heure qu'il essaye de le convaincre de le rejoindre, en vain. La porte continue de se dresser devant lui comme un mur infranchissable et indestructible. 

— Gen, je veux juste... 

— Je ne veux pas, tu m'entends ? Je ne veux pas ! 

Ses poings se serrent alors qu'il l'entend sangloter. Subitement, il s'en veut d'avoir parlé de ça. Il voulait juste faire avancer les choses pour l'aider à aller de l'avant. Mais au lieu de ça il n'a fait que le terroriser un peu plus. 

— Je sais que ça te terrifie, mais tu ne seras pas seul. On sera là avec toi. 

— Je ne veux pas ! Je ne veux pas qu'on me touche, je veux qu'on me laisse tranquille !

Assis sur le sol, dos à la porte, il a ramené ses genoux contre son torse. Là, il espère que la gêne passera, qu'il pourra oublier cette horrible sensation qui paralyse son corps. Mais rien n'y fait, surtout avec Senku derrière la porte. 

Il savait qu'il aurait peur. Mais avec les bons mots, il pensait pouvoir le rassurer suffisamment pour le convaincre. Mais au lieu de ça, il s'est braqué, juste avant de s'enfermer dans sa chambre à double tours. 

— Gen... je sais que c'est dur à entendre... mais c'est maintenant que tu dois aller voir la police. Tu as encore les traces de coups sur toi. 

En prononçant cette phrase, Senku sent son estomac se tordre. Malgré lui, il ne peut s'empêcher de se repasser en tête les quelques hématomes qu'il a vus sur lui. Quelques-uns sur son visage entre autres. Mais il sait qu'il y en a bien plus sur lui, des traces qu'il garde cachées pour ne pas les lui montrer. Elles sont douloureuses et, en même temps, il a honte de les porter. Il ne veut pas les montrer aux yeux du monde, il veut juste qu'elles disparaissent. 

Mais ces traces sont des preuves. Des preuves de la cruauté dont a fait preuve Mozu lorsqu'il a arraché Gen à sa vie. 

— Je ne veux pas y aller, Senku. Je t'en prie... ne me force pas à y aller. 

Il ne peut pas le voir mais il devine les larmes qui dévalent ses joues. Son poing se serre à nouveau en se posant sur la porte. Il ne peut pas le forcer, il ne veut pas le forcer. Il ne veut pas l'obliger à montrer son corps à des inconnus, tout ça pour qu'ils puissent contempler l'étendue de sa douleur. Mais en même temps, il pense à après. Il pense à Mozu qui se balade encore dans la nature, à tout ce qu'il a fait dans la plus grande impunité. Il pense à tous ces coups qu'il a donnés et qu'il donnera encore si on ne l'arrête pas. Il pense à la sécurité de Gen et à ce corps qui a bien trop souffert. Pour mettre fin à cette atroce souffrance, il faut conserver les preuves.

— Gen... ça sera dur, je le sais. Mais il faut conserver les preuves, tu comprends ? 

Plus le temps passe, plus les preuves s'effacent. Bientôt, il ne restera plus rien et les dommages demeureront à jamais une âme meurtrie dans un corps réparé. 

Il n'y a qu'un silence qui s'étire. Il n'entend plus ses larmes, ni sa respiration erratique. Puis il entend à nouveau sa voix passer la porte de la chambre.

— Va-t-en, je ne veux plus t'entendre. 

Dans sa voix, il n'y avait pas que de la tristesse ou de la peur. Il y avait une profonde rancœur, une colère qu'il ne parvient plus à cacher. Une colère dirigée vers Senku qui, agenouillé de l'autre côté de la porte, se la prend de plein fouet. 

Il l'entend se lever pour quitter le pas de la porte. Autrement dit, il s'éloigne de lui, ne voulant plus entendre sa voix qui le supplie de sortir. Et Senku reste là, toujours face à cette porte muette et close. Et ce silence s'étirera pendant une grande partie de la journée. 

Après toi... (Sengen)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant