Chapitre 2

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Tandis que du côté des archères, les carquois étaient vides et qu'Erma et Eldrid récupéraient les flèches fichées dans leur cible, la brise quasi mourante, qui s'emballait par moments tels des sursauts d'énergie, faisant onduler la végétation, murmura à Eirik sa sombre pensée « on dirait le calme avant la tempête. »

Cette idée exacerba sa vision périphérique, éveillant l'étrange sentiment d'être observé par une silhouette encapuchonnée, vêtue d'un long et épais manteau noir, qui était dissimulée à l'ombre des arbres. Quand Eirik tourna la tête pour regarder pour de bon, il ne vit que les corbeaux qui s'envolèrent dans un concert de croassements disgracieux. Seul le plus gros volatile resta sur son perchoir.

— À quoi bon apprendre, je ne suis pas autorisée à vous suivre, objecta Aliénor qui n'avait ni envie d'y mettre du sien.

— Tu ne viendras pas avec nous en mer, ricana Eirik en reprenant le fil, mais en cas d'attaque du village, tu dois savoir te protéger, ajouta-t-il, en comprenant qu'il aurait dû préparer sa femme bien plus tôt.

— Qui oserait attaquer un village Danois ? s'étonna Aliénor.

— Des Varègues, nos voisins de l'Est, par exemple, répondit Eldrid.

— Quand les guerriers sont en mer, enchérit Erma, nous sommes peu et certains clans ne reculeraient devant rien pour réunir suffisamment de vivres en prévision de l'hiver.

— Ils pourraient nous attaquer, tuer tout le monde, et tout prendre sans aucun remords, ajouta Eldrid en caressant son ventre.

— Frode a envoyé Ketil en mer pour l'éloigner, enchérit Eirik en réprimant sa haine. Mais tôt ou tard, il reviendra ! clama-t-il.

— Il te faut au moins apprendre à manier une lame, affirma Erma pour soutenir l'idée d'Eirik.

— Vos épées sont trop lourdes, déclara Aliénor en repensant à sa rencontre avec Eirik et à la mort d'Arnold.

Eirik se leva, retira sa chemise et tendit la main à sa femme pour l'aider à se lever.

— Si un guerrier venait à se jeter sur toi, voici les endroits où tu devras frapper ! déclara-t-il en lui désignant les endroits sur son propre corps.

Aliénor repensa à la manière dont Ketil s'était jeté sur elle, alors qu'elle était en train de mourir empoisonnée. Sans l'intervention de Frode, elle n'aurait jamais eu la force de repousser son agresseur. Mais une autre vision supplanta tout le reste : celle du jour où elle avait été affalée contre une souche, derrière elle le guerrier Ditmar lui maintenait les bras dans le dos d'une main et lui tirait la tête en arrière de l'autre, il frottait son sexe contre ses fesses... La jeune femme détourna le regard, gênée par la honte et l'impuissance qu'avait réveillée en elle cet horrible souvenir.

Soucieux de son trouble, Eirik s'approcha d'elle pour répéter lentement ses gestes sur elle, en lui enfonçant deux doigts dans les chairs, pour qu'elle localise précisément là où elle devait frapper :

— Ces endroits sont mous, expliqua-t-il. Le couteau pénétrera sans grandes difficultés, et la lame ne risquera pas de se coincer dans un os.

Puis, il tira le petit sax de son étui (petit couteau) qu'il avait à la ceinture, tourna le manche pour se servir du pommeau et il recommença ses mouvements sur lui-même, pour qu'Aliénor mémorise les points stratégiques.

Après quoi, Eirik prit l'étui de son couteau, y rangea sa lame et lui tendit l'arme :

— Frappe-moi ! l'intima-t-il en lui donnant l'arme.

— Non, objecta-t-elle, rejetant l'idée d'être un jour contrainte de s'en servir.

Très sûre d'elle, Erma s'approcha, saisit l'arme et désigna -sur Eirik- les endroits à frapper avec le pommeau, puis elle lui prit la main pour y déposer le couteau :

— À toi ! ordonna la guerrière.

Aliénor soutint le regard d'Eirik, qui affichait un air dur presque menaçant, pour l'inciter à agir. Aliénor frémit, mais posa doucement le pommeau sur la peau de son mari, au niveau de son foie, de son estomac et de sa gorge.

Eirik hocha la tête pour approuver :

— Ditmar et Ketil étaient très forts, marmonna Aliénor en détournant le regard.

Le guerrier serra les mâchoires et les poings, chassant les images qu'il avait à l'esprit.

— Tu devras te servir de la force de ton ennemi contre lui, déclara-t-il d'un ton sévère, tout en coinçant l'étui du couteau dans la ceinture de sa femme.

— Peu importe qui se jette sur toi, intervint Eldrid, frappe, et frappe de toutes tes forces !

— Et tant mieux si ton agresseur se jette sur ta lame, ajouta Erma.

Mieux vaut lui que toi,conclut Eirik qui avait du mal à se défaire de cette impression d'être observé,il tourna les talons pour passer ses nerfs sur l'un de ses frères d'armes. 

Viking de feu et de sang - T2 🔞 (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant