Quatre jours après avoir repris conscience, Aliénor, encore faiblarde et toussotant, embarqua sur le bateau de Frode.
L'été déclinant inexorablement, la fraîcheur de la nuit, persistante à l'aube naissante, faisait onduler des volutes brumeuses qui s'élevaient au-dessus de l'eau, ce qui, mêlée à la douce clarté qui irisait l'horizon, offrait une vision féerique de la rivière, calme et paisible.
À cela s'ajoutait le fort babillage des passereaux, qui acclamaient la naissance du jour depuis les deux rives et qui cherchaient à couvrir avec le doux bruissement du cours et des rames. Tout ceci offrait un savoureux moment de paix à qui savait entendre et regarder.
Aliénor, enveloppée dans une peau de loup, assise au fond du navire, fixait le dreki de la proue. Gagnée par la magie du moment, son attention était tournée vers le rivage dissimulé dans la brume, elle s'imagina sans peine que depuis la terre ferme, à travers ce voile éthéré, le petit navire devait ressembler à un mystérieux animal marin, aussi majestueux que terrifiant.
Les voix chuchotantes de Frode, Eskil et Germund la tirèrent de sa contemplation. Elle étudia leur dos, inquiète. Puisque Frode et Eskil n'avaient pas évoqué Eirik depuis leur arrivée, la veille, Aliénor craignait qu'ils lui cachent qu'il était mort et cette idée lui donna envie de se laisser mourir, car sans lui elle se sentait incapable de faire face aux prédictions qu'on lui avait données sans qu'elle ne demande rien.
La voix et le visage hideux de l'Oracle se profilèrent dans la brume :
« Deux ennemis marchent vers toi. L'un est invisible mais redoutable, l'autre se cache dans l'ombre de sa perfidie. »
Le premier, elle l'avait vraisemblablement affronté. Tant bien que mal, Aliénor lui avait tenu tête, mais ça n'avait pas suffi et la Mort l'avait effleurée, « si la Grande Faucheuse ne m'a pas emportée c'était à cause des dieux d'Eirik » pensa-t-elle en voyant apparaître l'Enchanteresse, en filigrane au-dessus de l'eau :
« Les dieux s'amusent de ta souffrance, si tu survis à la maladie, une ombre de ton passé cherchera à te nuire. Alors, garde-le à ta ceinture » lui avait-elle dit en lui mettant le couteau de cou dans la main.
Le sentant pendre à son cou, Aliénor serra le cadeau d'Eirik en inspirant profondément, permettant à l'air frais de chatouiller ses poumons encombrés, ce qui lui donna une quinte de toux.
— Des nouvelles d'Aslak ? toussa-t-elle pour attirer leur attention.
— Nous n'en aurons pas avant leur retour, répondit Eskil.
— Espérons qu'ils n'ont pas visité le même village que Lennart, ajouta Germund.
Aliénor éprouva la même angoisse que la première fois que le vieux Danois avait évoqué cette possibilité, la laissant craindre que son mari puisse être malade, peut-être même mourant, quelque part, loin d'elle. Soucieuse, elle étudia le profil de Germund, qui comme convenu, l'avait suivie, tandis qu'Olrik et ses quatre autres protecteurs repartaient par la voie terrestre pour ramener les chevaux.
— Comment va Grim ? grogna-t-elle à Eskil, cherchant un peu de soulagement dans la joie de vivre du petit garçon.
— Il va bien, sourit-il. Il est avec Erika, la femme de Folmer.
« L'insouciance de l'enfance est une bénédiction » pensa-t-elle se souvenant que Grim et Harold, le plus jeune des fils d'Erika jouaient tout le temps ensemble. Le fait qu'elle l'ait pris avec elle, devait lui offrir beaucoup de réconfort durant l'absence de ses parents.
Ils débarquèrent peu avant midi, accueillis par Eldrid dont le ventre s'était encore arrondi.
— Heureuse de te revoir, sourit Eldrid en lui passant un bras autour des épaules.
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Viking de feu et de sang - T2 🔞 (terminé)
RomancePartis tard après la procession à l'arbre aux prières, l'horizon se teintait de rouge et d'orange, alors que le soleil couchant semblait s'enfoncer doucement dans la mer. Pour Aliénor, debout, face à la proue, le moment était magique, d'autant pl...