Chapitre 20

581 71 8
                                    

En apercevant de loin le vieux jarl, elle lui sourit et éprouva la certitude qu'elle allait bientôt rentrer chez elle, d'autant plus que cette fois, Eskil était parmi l'équipage, malgré sa jambe de bois. Sa première idée eut été de demander des nouvelles d'Eirik, mais puisqu'il n'était pas avec eux, cela signifiait qu'il n'était pas rentré, en tout cas c'est l'idée à laquelle elle s'accrocha.

Comme la veille, pour ne pas prendre de risque, elle resta à bonne distance de Frode et du bateau :

— Comment se porte Eldrid ? s'inquiéta Aliénor en repensant à la mère éplorée, et mettant une main en visière, éblouie qu'elle était par la clarté du soleil au zénith.

— Elle va bien et fulmine contre toi et ta consigne de rester à l'écart de ce village, répondit Eskil, serein mais le regard aguerri.

— Comment vas-tu ? intervint Frode.

— Je travaille dur pour limiter les morts, répliqua-t-elle le cœur lourd. Comment se porte notre village ? demanda-t-elle à Eskil.

— Tout le monde va bien, insista Eskil.

— Et chez vous, toujours aucun symptôme ? demanda-t-elle à Frode.

— Nous allons bien également, merci de ta sollicitude, affirma-t-il un peu surpris qu'elle s'en soucie, comme la veille.

— Où sont Germund et ses hommes ? lança Eskil.

— Ils sont malades, soupira-t-elle. Dis à leurs femmes, que je fais de mon mieux, insista-t-elle.

— Nous le savons, réplique Eskil. Mais je transmettrai ton message, la rassura-t-il.

— De toute façon ces hommes refusent de laisser un ennemi invisible les terrasser, s'esclaffa-t-elle en repensant aux paroles de Germund.

Frode et Eskil opinèrent en lui adressant un sourire contrit.

— Tu sembles souffrante, s'inquiéta le vieux jarl.

— Seulement fatiguée, il y a beaucoup à faire, répondit la guérisseuse.

— Vous avez ce qu'elle vous a demandé ? intervint Lennart.

— Tout est là, répondit Frode en désignant les sacoches que son équipage s'apprêtait à mettre à terre.

— Te faut-il plus d'aide ? insista Frode.

— J'ai mis des femmes à sa disposition, répliqua Lennart. Nous gérons la situation !

— Je préfère que mes élèves récoltent ce qui nous sera nécessaire pour affronter l'hiver, objecta-t-elle.

— Il est temps ! conclut Lennart en prenant le bras d'Aliénor alors que ses hommes récupéraient les sacoches.

— Encore combien de temps ? s'écria Frode. Cette épidémie combien de temps durera-t-elle ?

Aliénor se dégagea de la poigne de Lennart tout en se retournant vers le vieux jarl :

— Je ne sais pas, des gens tombent malades tous les jours, se désola-t-elle. Et pas seulement de ce clan, des gens arrivent tous les jours.

— Il faut y retourner, insista Lennart.

— À bientôt, les salua-t-elle de la main avant de suivre Lennart.

Quand ils arrivèrent devant le Skali, Lennart l'attrapa par le bras pour la retenir, puisqu'elle semblait systématiquement vouloir le fuir :

— Frode semble beaucoup t'apprécier ! lui dit-il.

— C'est un homme bon, affirma-t-elle.

— Quelles faveurs lui as-tu promises qu'il t'apprécie autant ? demanda-t-il, amusé en la lâchant.

— Aucune, grogna-t-elle irritée par l'allusion. Désolée, mais j'ai encore beaucoup de travail ! lança-t-elle pour couper court.

Le jarl lui sourit et tendit la main pour lui écarter une mèche de cheveux qui était accrochée à ses cils. Il termina son geste en lui caressant la joue et s'éloigna non sans avoir soutenu son regard froncé par l'étonnement.

Écœurée plus qu'elle ne le devrait, Aliénor s'essuya la joue en entrant dans le Skali et alla voir Germund. Le vieux guerrier qui s'était allongé, ouvrit les yeux :

— Quelles sont les nouvelles ? toussa-t-il.

— Tout le monde va bien, le rassura-t-elle.

— Bien, cracha-t-il en toussant. Ne tombe pas malade, guérisseuse ! lui ordonna-t-il. Eirik... toussa-t-il.

— Je vais bien, affirma-t-elle.

Il fronça les sourcils.

— Juste un peu de fatigue, se justifia Aliénor. Je vais bien et nous rentrerons bientôt chez nous, ajouta-t-elle pour l'encourager.

— Tu ne sais pas mentir, guérisseuse ! toussa Germund.

— Vous allez guérir et nous rentrerons chez nous, affirma Aliénor, avant de se lever pour aller voir Olrik.

Le soir venu, alors que la nuit était douce et calme à l'extérieur du Skali, Aliénor marcha jusqu'à la roulotte de l'Enchanteresse, qui était assise sur le marchepied à contempler les étoiles, seule et sans sa coiffe. Elle lui tendit deux petits sacs :

— Le sac avec le cordon blanc sert contre la fièvre, le bleu contre la toux, expliqua-t-elle alors que Freya refusait de s'en saisir.

— Mon pouvoir me protège, contrairement à toi, lança Freya, le regard sévère.

— Alors ça ne servira qu'à agrémenter votre boisson, soupira-t-elle en insistant pour qu'elle les prenne, ce qu'elle fit en se levant d'un bond pour monter dans sa roulotte.

Viking de feu et de sang - T2 🔞 (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant