Chapitre 19

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À travers la pénombre du Skali planait une fumée blanche et odorante, provenant des nattes d'herbes séchées pour la fumigation. Les mouvements lents, presque éthérés de ces volutes qui ondulaient bien au-dessus des malades, allongés au sol sur une couverture pour seul confort, aggravaient l'impression que le temps s'était figé, faisant oublier qu'une nouvelle aube s'était levée, et qui marquait le cinquième jour de présence de la guérisseuse dans le clan de Lennart.

De toutes parts, des quintes de toux, grasse et encombrée, résonnaient dans le Skali, comme si la Mort frappait incessamment à la porte de leurs âmes, guettant une ouverture.

En milieu de matinée, Aliénor et les quelques esclaves qui n'étaient pas tombées malades, passaient de grabat en grabat, faisant boire les malades (les membres des clans et les esclaves), tantôt de l'infusion, tantôt de l'eau fraîche et usaient de linges humides pour aider à faire baisser la fièvre plus vite.

Fatiguée par sa nuit blanche, ayant le dos raide à force de se baisser et se relever en permanence, Aliénor s'agenouilla devant une mère qui berçait son jeune enfant mort dans ses bras, le huitième décès de la nuit :

— Il faut vous reposer, laissez-moi le prendre, déclara-t-elle, la voix douce et rassurante.

— Il ne faut pas le réveiller, il dort, pleura la mère en le serrant plus fort contre elle.

La détresse de cette femme lui brisait le cœur et lui ramena au plus près de l'âme le fait qu'elle avait perdu son enfant à naître.

— Je lui chanterai une berceuse, la rassura Aliénor.

— Oui, gémit la mère. Il aime les berceuses, sanglota-t-elle en accrochant ses yeux rougis aux siens.

La maman accepta de lui confier son petit garçon, alors la guérisseuse le prit dans ses bras en étudiant son visage poupin, puis elle le blottit contre elle.

— Vous avez des enfants ? lui demanda la mère éplorée.

— Celui que je portais n'a pas survécu à ma nouvelle vie, répondit Aliénor les larmes aux yeux.

Elles se dévisagèrent l'une l'autre, solidaires dans cette inconsolable perte.

— Nous en aurons d'autres, mais nous continuerons d'aimer ceux que nous avons perdus, affirma la maman en essuyant ses larmes.

Aliénor opina et se releva doucement avant de fredonner la berceuse que Yolande, la mère de Solange leur chantait quand elles étaient petites.

C'est en chantant qu'elle quitta le Skali, son petit fardeau dans les bras, avec pour nouveaux spectateurs Olrik et les quatre autres membres de son clan, terrassés par la fièvre durant la journée de la veille.


Aliénor alla déposer l'enfant auprès de femmes Danoises et des esclaves en charge de nettoyer les morts, alors que Freya psalmodiait dans un dialecte incompréhensible, tout en faisant résonner ses cymbalettes à doigts, pour conjurer le mal et permettre aux âmes de gagner le Walhalla purifiées.

À la vue de l'enfant que la guérisseuse déposait sur la table de préparation, l'Enchanteresse marqua un temps d'arrêt, avant d'aller s'appuyer contre la table, lasse. Consciente d'être en face de l'étrangère, elle se redressa et usa de toute sa magie pour faire bonne figure.


Vers midi, dans le Skali, Aliénor soupira de lassitude en voyant Lennart entrer et marcher droit vers elle, parce qu'il avait beau se montrer courtois les rares fois où ils se parlaient, elle restait mal à l'aise en sa présence.

— Frode est à l'extérieur du village, expliqua-t-il, en la dévisageant. Il veut vous voir, précisa-t-il.

Germund qui ne souffrait plus de fièvre mais d'une toux tenace, s'assit sur son grabat :

— Je t'accompagne, guérisseuse ! toussa-t-il.

— Si tu veux lui rendre service, reste allongé, railla Lennart en tendant la main à Aliénor pour l'aider à se relever.

— Je n'en ai pas pour longtemps, affirma-t-elle en ignorant la main tendue.

Aliénor et Lennart quittèrent le village à pied et dans un silence gênant pour atteindre la plage, où attendaient quelques hommes de Lennart et l'équipage du bateau du vieux jarl. Passez par la mer comme la veille, Frode devait avoir apporté ce qu'elle avait demandé.


*****

pour abréger vos souffrances et les miennes.... euh non ce n'est pas ça... ah oui, je pense que nous sommes à la moitié de l'histoire, en tout cas j'espère la faire tenir dans 40 chapitres, 

parce que je sais que vous trouvez le temps long et que vous préféreriez qu'Eirik retrouve Aliénor.... en vie de préférence, sauf qu'on ne peut pas tout avoir dans la vie... 😒

 mais j'essaie de donner un peu de cohérence à l'histoire : 

- quand ils partaient faire fortune, ils devaient partir un long moment

- et on ne règle pas une épidémie en une semaine :)

Rassurez-vous, ça va se débloquer 💕💕💕💕

Viking de feu et de sang - T2 🔞 (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant