Le château dans le ciel

Chapitre 1 : Une malheureuse destinée

En sueur, je termine de balayer le parterre du couloir principal du château. Avec une petite pelle et une balayette, je récupère la poussière et la jette dans une poubelle cachée dans un coin du palais. Épuisé, et espérant grandement recevoir de mon père la permission de me reposer et de m'amuser pour une fois, je me dirige vers la salle du trône et y pénètre.

Je me place devant mon père, le grand roi de tous les cieux.

- Ça y est, Père, le château est entièrement nettoyé, je lui annonce. Puis-je me promener dans les jardins des étoiles, et y goûter les fruits exotiques qui y poussent ?

Je vois les sourcils de l'homme se froncer avec sévérité.

- Parce que tu as cru que tes corvées étaient finies !? hurle-t-il. Allez, cesse donc de faire le paresseux ! Tu es même en retard sur les tâches qu'il te reste à effectuer ! Et je te promets que tu ne souperas ni ne dormiras avant d'avoir tout terminé !

- Mais...

- Il n'y a pas de « mais » ! Tu obéis à ton roi et tu ne contestes pas son avis ! Va ! Il te reste encore les vitres à astiquer, le déjeuner du lendemain à préparer, et les oubliettes à parfumer !

Le monarque dictateur frappe dans ses mains pour me motiver à accélérer mon rythme de travail. Je sursaute, par crainte et terreur, et obéis malgré moi, à contre-cœur. J'entre dans la chambre de ménage, récupère un seau que je remplis d'eau mélangée à du produit lavant, je m'empare d'un large balais et commence à frotter les fenêtres.

Derrière chacune d'elles brillent les étoiles célestes... Elles m'envient comme le feraient de somptueux plats à une personne affamée. Mes yeux scintillent par les larmes, de la même manière que le font les astres avec leurs propres lumières... Quand pourrai-je enfin voyager parmi ceux-ci ? Quand pourrai-je flotter parmi les lunes et les planètes à ma guise ?

Une fois les verres des couloirs entièrement lavés, je m'occupe de ceux des quatre tours du château, puis de ceux du donjon, tandis que les heures tournent, et que je rencontre de nombreux hommes et femmes, le ventre plein et le visage souriant, négligeant mon malheur et ma misère, rentrer dans leurs appartements afin de dormir pour la nuit.

Lorsque j'ai terminé cette première tâche, je déverse l'eau impure dans un évier, frotte la brosse du balais pour en évacuer les saletés, puis l'accroche sur le mur de la chambre de ménage. Ensuite, je me tourne vers la salle de cuisine. Comme d'habitude, je n'économise pas. Je pâtisse de nombreux pains, dresse quelques gâteaux débordant de crème, et des biscuits craquants.

Pour donner suite à cela, je me dirige vers les oubliettes, accessibles par une trappe, juste en-dessous de la salle du trône. Dès que j'entrouvre cette petite trappe, une odeur putréfiée me remonte au nez, ce qui me pousse à refermer le cachot immédiatement. Je me procure un grand mouchoir en tissu que je plaque sur mon nez et ma bouche, une bassine d'eau parfumée et un balais, et m'aventure à nouveau dans les oubliettes où sont enfermés les cadavres, parfois entre la vie et la mort.

Malgré le masque sur mon visage, les senteurs me donnent des nausées, c'est pourquoi je tente de m'affairer au plus vite. Je frotte les moisissures du sol, du plafond, des murs et des barreaux, et bien que rien ne puisse être lavé entièrement jusqu'à atteindre la propreté parfaite, je parviens à nettoyer une grande partie des saletés qui rendaient ces lieux infâmes.

Enfin heureux d'avoir terminé les tâches que mon père m'a ordonné de faire, je retourne dans la salle du trône.

- Père, je lui annonce. J'ai astiqué toutes les fenêtres du vaste château céleste, afin que nous puissions contempler les étoiles dans toute leur splendeur, préparé un énorme festin pour demain matin, de sorte que personne ne manque de nourriture et puisse se restaurer à sa guise, et purifié les oubliettes des insanités, pour que les mauvaises odeurs ne nous contaminent pas. À présent, puis-je m'en aller retourner dans ma chambre, et dormir et me reposer quelques heures ?