Le château dans le ciel

Chapitre 13 : L'anneau de Saturne

Dès lors qu'il entre dans le tunnel rouge lumineux, Sisip ressent dans ses narines de délicieuses odeurs de fleurs. Au loin, l'oiseau rose aperçoit en effet une large plaine de nombreux coquelicots, sur laquelle, finalement, il atterrit avec un léger bruit sourd. À présent hors du tunnel et accueilli dans un nouveau monde, mon ami fait quelques pas parmi les plantes aux bonnes senteurs.

Au début émerveillé par ce qu'il voit, le ventre de Sisip lui rappelle soudainement qu'il n'a rien mangé depuis déjà plusieurs jours... La dernière fois que la perruche ondulée avait avalé quelque chose, c'était effectivement peu avant sa plongée dans l'océan du monde bleu, en croquant myrtilles et friandises... Mais aujourd'hui, le héros se sent trop faible et ne pourra sans doute pas terminer sa quête s'il reste dans cet état...

Heureusement, une idée lui traverse l'esprit. Alors qu'il relève la tête, je sens que Sisip se souviens du flacon de lait doré qu'il m'avait montré, lorsqu'il était dans la chambre de mes appartements royaux. Il lui suffirait de boire la bouteille entière pour le retour de son périple pour recouvrer toute son énergie habituelle. Ni lui ni moi n'avons donc à nous inquiéter à ce sujet.

Finalement, la promenade dans ce monde se fait courte et sans embrouille. Ainsi, Sisip parvient rapidement au bord d'une falaise étrange, qui ne possède pas de fond et qui laisse lieu à un vide saisissant les tripes, où les étoiles des sept cieux peuvent aisément s'observer, en gardant l'oiseau rose sur une île céleste, flottant dans les airs, comme tous les autres cieux, comme tous les autres astres.

C'est de cette manière que Sisip comprend qu'il a atteint le bout de son aventure, et que bientôt sa quête va être accomplie, et son défi relevé haut la main. Le cœur battant de fierté d'avoir tenu sa si grande promesse, envers mon père Alcibiade mais aussi envers moi, son meilleur ami, la perruche ondulée place dangereusement sa patte au-dessus du vide, comme si elle voulait s'y jeter, puis la descend, toujours et toujours plus.

Alors que je commence sincèrement à m'inquiéter pour Sisip, j'aperçois, à travers la boule de cristal, que ses griffes touchent une surface invisible, sur laquelle il peut tout à fait poser sa patte dans son entièreté. Dès lors que ses serres entrent en contact avec le sol dur et froid, secret, celui-ci devient à nouveau visible et dévoile un passage en pierre noire. Ainsi, la perruche peut s'avancer sans problème, vers l'inconnu, et sans aucun doute vers l'anneau de Saturne qu'il atteindra dans quelques temps.

Le pont céleste, permettant de traverser les étoiles sans y plonger périlleusement, s'allonge dans ce qui semble être une éternité, jusqu'à ce qu'un point minuscule se dessine au loin. Si Sisip avait encore son aile intacte, il volerait sans doute à la vitesse de la lumière pour éviter de perdre du temps, mais la destinée en a décidé autrement, et mon ami oiseau rose est donc contraint de marcher avec seulement ses deux pattes.

Le petit point, à mesure que la perruche s'en rapproche, paraît de plus en plus nettement, et l'on peut même apercevoir son anneau autour...

Oui, ça y est ! C'est Saturne !

Et, à son cou, la clé de ma liberté !

En quelques instants seulement, Sisip se trouve déjà à proximité de la planète, assez pour remarquer ses deux yeux noirs, ouverts et le fixant avec sévérité. C'est tout comme si, par l'unique pouvoir communicatif des prunelles, l'astre lui demandait de partir, en sachant parfaitement ce que l'oiseau rose a derrière la tête.

Très vite, avant que la fureur du regard de Saturne ne lui transperce le corps et l'esprit, mon amie perruche fait volte-face et mime de s'en aller pour toujours. Comme si je pouvais sonder les tréfonds de son âme à travers la boule de cristal, je le ressens chercher des indices de solution dans sa mémoire, tête basse, marchant en retour vers le monde des coquelicots, jusqu'à ce que, comme à son habitude, il relève subitement son visage illuminé par une bonne idée.