Le château dans le ciel

Chapitre 9 : Une mer si tranquille

Lorsque Sisip arrive dans le nouveau monde, il fait nuit noire. La perruche ondulée atterrit délicatement dans un champ de myrtilliers, perdu au milieu d'une plaine d'herbe verte. Épuisé après tant d'épreuves passées dans les contrées précédentes, il décide de faire halte afin de se restaurer. Avec ses serres, redevenues comme d'origine, Sisip attrape une baie et la place dans son bec avant de refermer celui-ci. Ainsi, le temps passant, l'oiseau rose avale plusieurs fruits, tantôt à l'aide de ses serres, tantôt en se baissant directement.

Une fois qu'il est totalement rassasié, le héros sauveur préfère ne pas rallonger sa pause plus longtemps, et de reprendre son chemin vers l'anneau de Saturne sans plus attendre, puisque chaque seconde lui est comptée. Sisip marche donc droit devant lui, durant de longues minutes, jusqu'à ce les végétations du sol se fassent moins nombreuses, et que le gazon azuré laisse place à un goudron de friandise bleu ciel, parsemée de grains de sucre.

Partout où il pose ses pattes, une sorte de petit suc s'échappe du parterre, faisant ressentir à l'oiseau magique une odeur particulière de framboise. Puis, après un temps, mon amie perruche parvient devant un lac, qui semble presque lui barrer la route et l'obliger à la continuer en nageant. Plongeant alors ses plumes roses, ces dernières se mettent aussitôt à s'illuminer, et à se transformer petit à petit en écailles de même couleur. Ses pattes deviennent nageoires, sa queue de perruche se métamorphose en celle d'un poisson, de ses spots naissent des branchies, et son bec n'est plus qu'une grosse bouche pendante, jusqu'à ce que Sisip ne soit plus qu'un animal véritablement marin, encore sous l'effet de sa puissante magie.

Ouvrant sa gueule, le poisson rose remarque que l'eau se fait très sucrée en ces lieux, et que plus il avance, plus elle perd de son goût friand, de telle sorte à ce que l'océan possède une senteur davantage salée qu'autre chose. Pour un oiseau qui a seulement l'habitude de connaître les cieux, visiter la mer et les tréfonds de cette dernière, sans doute pas pour la première fois, est un véritable honneur dont Sisip paraît profiter dans son entièreté.

Soudainement, une lumière verte attire son attention vers le fond du bassin océanique. Tournant son œil vers celle-ci, mon ami sauveur réalise, non sans beaucoup de grande satisfaction, que le tunnel menant vers l'autre monde se trouve déjà non loin de lui. Pour une fois, sa quête vers l'anneau de Saturne semble de tout repos. Après tout, que pourrait-il lui arriver de mal dans cette mer si tranquille ?

Sisip s'enfonce dans l'océan, en observant autour de lui les autres poissons qui le scrutent en retour, avec une curiosité qui brille dans leurs prunelles. En souriant, mon ami semble comprendre que ses congénères réalisent qu'il n'est pas un animal marin de sang pur, ses écailles blanches et roses le démentant. Puis, se retournant vers le fond océanique, au tunnel vert émeraude, le héros poisson remarque qu'il est encore trop loin de sa destination.

Tout à coup, un vent marin se met à siffler, de droite à gauche, et les nageoires de Sisip à violemment trembler, jusqu'à ce qu'il soit emporté par ce courant océanique, à une vitesse fulgurante. Aussitôt, la vue de mon héros sauveur devient brouillard, son corps se retournant sens dessus dessous. En plein dans une tornade, mon ami se fait fouetter, de temps à autre, tantôt par sa propre queue, flasque et se laissant malmener par l'aléa, ou par des branchages de la mer, détachées par la vivacité du phénomène.

Alors que Sisip espère que ses tourments prendront bientôt fin, la tempête océanique ne fait que redoubler d'ardeurs. Fermant les yeux pour que certains oursons ne les lui crèvent pas par inadvertance, dans la précipitation des éléments, l'ancien oiseau se fait heurter de toutes parts par de petits cailloux, de plus en plus gros, au point qu'il sente qu'il ne peut presque plus respirer. Enfin, un énorme rocher, détaché d'une plage de roche non loin d'ici par la force des vents marins, s'abat sans pitié sur mon ami, en l'assommant ainsi complètement.