Le château dans le ciel

Chapitre 7 : Froid mordant

Soudainement, en ouvrant mes yeux encore secs et fatigués, je réalise que je me suis assoupi quelques temps. Mon repos a pu durer une minute comme il a pu durer une heure, voire une éternité, car au moment du sommeil, le temps change de forme.

Aussitôt, reprenant mes esprits, je me redresse sur mon lit, et regarde en direction de mon oreiller, sur lequel j'ai posé la boule de cristal il y a un instant... Seulement, je ne la trouve pas en place, mon coussin portant malgré tout encore la trace de la sphère. Inquiet, je me lève et cherche cette dernière. Et si mon père et ses gardiens l'avaient trouvée ? Ils suivront de près et de loin les aventures de Sisip, et ils pourront ainsi aisément comploter contre lui !

Haletant d'angoisse, je fouille dans les tiroirs de mon bureau, dans mon armoire, entre les vêtements mal pliés de ce meuble, sur le dessus de celui-ci, puis me tourne vers mon lit, le défait complètement et avec maladresse, regarde en dessous de mon oreiller, de ma couverture et même de mes draps. Désespéré, et pensant que, finalement, la boule de cristal est bel et bien chez mon père, le seigneur Alcibiade, et que Sisip est mal en point, je m'effondre par terre, sur le tapis en peau d'hermine, atterrissant sur mes genoux, et accoudé à mon lit.

Mes journées et mes nuitées sont si épuisantes ! On dirait que rien ne peut vraiment mettre fin à mes tourments... Je ferme les yeux, une souffrance intérieure me déchirant l'âme. Si seulement je savais où était mon meilleur ami, l'oiseau rose, je serais grandement rassuré ! Que vais-je faire, à présent, si l'injuste roi a pris possession de ce qui m'appartenait déjà auparavant ?

Tout à coup, j'entends derrière moi une étoile filante traverser les cieux, très près du château. Aussitôt, une lumière fulgurante m'éblouit et éblouit mes appartements royaux, ce qui me pousse à rouvrir très vite mes yeux, par surprise. Je n'ai jamais connu un astéroïde aussi vif ! Puis, une fois remis de ma petite émotion, j'aperçois une étrange lumière qui brille en dessous de mon armoire. Intrigué, je m'avance et découvre, à mon grand bonheur...

La boule de cristal que Sisip m'a confiée !

Souriant, oubliant tous mes soucis quotidiens, je m'en empare sèchement et observe les périples de mon amie perruche.

En stupéfaction, je remarque que mon sauveur est déjà dans un monde qu'il m'avait décrit, au septième ciel, dans une région enneigée. Pour le moment, aucune fatigue ne se lit sur son visage, alors que j'imagine qu'il doit sans doute être à des années-lumière du palais céleste... Juste un peu essoufflé, l'oiseau rose s'approche petit à petit d'une vallée extrêmement étroite, très profonde et creuse, située entre deux hautes montagnes, couvertes de neige, des pieds à la tête.

Finalement, après un long temps de vol, Sisip commence à afficher des signes de grand épuisement, et c'est pourquoi, aux bouches de l'exiguë vallée, il se pose sur la neige, aussi glaciale qu'elle puisse être. Le phénomène est immédiat. Sans plus attendre, mon ami, qui paraissait pourtant si courageux et résistant jusque-là, se met à violemment trembler sous le froid du climat du pays.

De plus en plus, les pas de Sisip se font lents, pénibles, car demandant de trop lourds efforts. La perruche ondulée, soupirant sous la difficulté, laisse quelquefois sortir de son bec des vapeurs qui se condensent sous la basse température des lieux. Après de longues minutes, l'oiseau rose parvient finalement à entrer dans le chemin étroit de la vallée entre les deux montagnes. Avançant toujours avec complication, il baisse soudainement la tête vers le sol, apercevant quelque chose.

Juste un peu vers la droite, une profonde crevasse le menace de tomber dans un gouffre semblant sans fin. Tournant donc vers la gauche, pour éviter le piège tout en l'observant du coin de l'œil, chacun de ses pas se met de plus en plus à craquer. En dessous de ses petites pattes, le sol tout verglassé se brise petit à petit, au fur et à mesure qu'il avance. Les craquèlements s'entendent toujours plus forts, résonnant dans la vallée.