Chapitre 8 : Rudes soldats

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Sisip, finalement emporté au fond du tunnel, atterrit brutalement dans un nouveau monde, sur le ventre, sur une surface froide. Étirant ses ailes par terre pour mieux se relever, il parvient vite à se remettre sur terre, mais est très surpris de ce qu'il voit devant lui. Ce pays est peuplé de soldats aux allures rudes, comme décrit par le roi Alcibiade, durement entraînés et formant une armée infranchissable.

Ce sont sans doute ces gardiens dont mon père avait parlé à l'oiseau rose avant qu'il ne parte pour l'anneau de Saturne, ceux dont le rôle est de protéger le chemin qui mène vers celui-ci, de telle sorte à ce que personne ne vienne le dérober. Comme Sisip l'avait dit lorsqu'il était encore au château dans le ciel, ces soldats sont tous habillés de la même manière, respectant leur code vestimentaire, leur uniforme.

Mon amie perruche, ayant retrouvé la douceur originelle de ses plumes, fronce les sourcils et décide de les affronter, se rendant compte qu'il n'existe pas d'autres solutions pour marcher vers l'anneau de Saturne. Levant sa patte droite, qui s'illumine alors étrangement d'une couleur bleue, je vois ses quelques serres se rallonger sans cesse jusqu'à dessiner de vraies épées aiguisées, menaçantes pour les soldats du royaume, obéissant à mon père à la vie et à la mort.

Faisant de même avec sa patte gauche, il s'élève un peu et tranche la tête de ceux qui lui font obstacle. Puis, les soldats de second rang viennent en renfort à leurs congénères défunts, et subissent le même sort que ceux-ci, leurs corps s'étalant faiblement sur le sol dur et frais de ce monde. Ainsi, par ses pouvoirs magiques, Sisip prouve à tout l'univers, y compris à mon propre père, le roi Alcibiade, que même ces gardiens, réputés pour posséder des allures rudes et pour avoir été longuement entraînés, ne sont pas plus puissants qu'une petite et innocente perruche ondulée.

Très vite, le nombre de guerriers diminue drastiquement, si bien que l'on pense que l'affrontement sanguinaire a déjà bientôt pris fin. Au bout de quelques instants, alors qu'il ne reste plus que très peu d'adversaires qui font obstacles au chemin de l'anneau de Saturne, de nouveaux gardiens apparaissent de nulle part, portant à leurs cous, à la différence de leurs camarades d'armes, des colliers étranges, dont les médaillons blanc pâle sont sculptés en forme de têtes de morts.

Ces derniers lèvent leurs bras au ciel, de mystérieuses nuées mauves s'échappant de leurs mains et fusant vers les horizons lointains. Aussitôt, une multitude de créatures d'outre-tombe viennent en renfort à leurs nécromanciens, ceux qui les ont invoqués et ressuscités, bien que cela ne suffise pas à ce que Sisip soit mis en déroute. Toujours avec la même aisance que depuis longtemps déjà, avec ses serres à présent devenues épées, il parvient à éventrer en un geste plusieurs zombies à la fois.

Ensuite arrivent quelques squelettes qui, malgré leurs grands âges, semblent encore posséder une imposante et robuste ossature, comme si l'arthrose et l'ostéoporose ne les avaient pas encore consumés. Cette fois-ci, l'oiseau rose comprend rapidement que les sabres de ses ongles ne suffiront pas, le psittacidé n'ayant pas suffisamment de force dans ses pattes pour briser les os.

La perruche ondulée rétracte donc ses griffes, pour, à la place, ouvrir son bec et tirer sa langue qui, instantanément, se métamorphose en une énorme scie ronde, tournant sur elle-même avec une vitesse étonnante et effroyable. En un instant, Sisip suscite encore une fois en moi de l'admiration. Maintenant, je comprends mieux ses paroles, lorsque nous étions encore réunis tous les deux, ici, dans mes appartements royaux : « Vous ignorez bien la puissance mystérieuse des pouvoirs qui coulent dans mes veines ! ».

Me reconcentrant sur les aventures de mon ami sauveur, je l'aperçois justement déjà en train de tronçonner les cervicales de ses ennemis squelettes qui s'effondrent tour à tour par terre, à nouveau sans vies. Encore une fois, les nécromanciens, reconnaissant que leur défaite est très proche, relèvent leurs bras et éjectent de leurs peaux des substances vaporeuses violettes, qui, désormais, contrairement à il y a quelques minutes, se dirigent directement vers les corps inanimés du champ de bataille afin de leur redonner vie.

Le château dans le cielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant