Chapitre 4

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Plus tard, alors que le soleil chassait le brouillard et séchait la rosée de ses premières flambées, Merle, Léopoldine, Justinien et Any se retrouvèrent au puits de Rivade. C'était le lieu de rendez-vous donné par Bartholomaüs avant qu'il ne les quitte. Toutefois, ce dernier était absent. Les compagnons déjà rassemblés étaient sûrs d'eux : il n'y avait pas d'autres puits dans le village, du moins pas à leur connaissance. D'ailleurs, s'il y en avait un autre, pourquoi le vieil homme ne leur aurait-il pas précisé lequel ?

— Justinien, je t'avais dit qu'il y avait un problème, répéta Merle.

Justinien soupira de nouveau. Son assistante pouvait être pénible, cependant elle n'avait pas tort cette fois : Bartholomaüs tardait à venir. Et puis soudain, un individu apparut dans les ténèbres d'une ruelle.

— Le voilà ! s'exclama Merle perchée comme un singe sur l'une des colonnes supportant la toiture du puits en tuiles.

La petite guenon se trompait, ce n'était pas le vieux Barth, mais Izak qui se dévoila au groupe. Même s'il avait essuyé discrètement ses larmes, le chagrin se lisait sur son visage. Les mots restèrent bloqués dans un nœud de sa gorge. Il voulut dire un simple bonjour et se présenter aux étrangers. Impossible. Son souffle n'était que sable crissant dans un gosier aride et sa langue lourde comme un sac de grains.

— Je le savais que vous viendriez, dit alors Léopoldine au nouveau venu.

— Ah, ah bon ? Et m'sieur Bartholomaüs, il n'est pas encore là ? demanda le rivois en reniflant et en regardant autour de lui.

Léopoldine l'avait sorti en un rien de temps de sa morosité. Merle lâcha prise pour atterrir juste devant Justinien :

— Justiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiien !

— Oui, oui, c'est bon, Merle. On va aller voir chez Perrault. Vous venez ? Hé !

Sans attendre la fin de la phrase de Justinien, le groupe s'engagea dans la direction de la maison du chef du village.

Rivade se réveillait à peine. La lumière du soleil se reflétait sur les murs en torchis recouverts de rosée. Mine de rien la nuit avait été fraîche et les toiles d'araignées sous les toits des chaumières se paraient de perles cristallines.

Les rues s'animaient peu à peu, un chien aboya contre Any. La bastet se contenta de balayer l'air de sa queue depuis l'épaule de sa maîtresse. Comme Merle était en tête du groupe et pressait le pas, Justinien en profita pour parler avec le rivois après que les présentations furent faites :

— Dites, Izak, vous n'êtes jamais sorti de Rivade ?

— Si, j'ai déjà été dans les environs, j'ai voyagé jusqu'à Bec de l'Aiguière quand j'étais plus jeune. Je suis même né dans une autre contrée, mais je n'ai aucun souvenir de cet endroit.

— Ah oui, et la Brocaille ? demanda Justinien qui montrait une humeur assez enfantine.

— Oh non, je ne suis jamais allé de ce côté, je me suis arrêté à la Caldera.

— La caldera ? Il n'y a pas de volcan ici pourtant.

— Devolcan ? Je ne connais pas cette personne.

— Eh bien heu... Justinien étouffa un petit rire et se reprit. Une caldera c'est une dépression due à un volcan qui s'effondre sur lui-même. Un volcan n'est pas une personne, c'est comme une montagne qui crache du feu.

— Ah oui, j'ai déjà entendu parler de ça, ce sont les gobelnains qui font cracher le feu. Mais il n'y a pas ça ici. Je ne crois pas...

En fait, il en était même certain. En dehors de la Brocaille, la région était sûre, pas de créatures hostiles. Les gobelnains... Izak en avait connaissance grâce aux récits bien sûr. Parfois vicieux et sanguinaires, d'autre fois magnanimes et généreux. Difficile de s'en faire une véritable idée. Brelok n'avait pas tout à fait tort : les arpenteurs racontaient de temps à autre des bêtises pour se faire mousser.

Le Cycle des Ramures - Tome 1 : Les Musicéens de Castelbouchon [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant