Chapitre 43

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Izak s'était assis au pied du puits, Justinien et Ruben autour de lui. Léopoldine s'était mise à pleurer et tenait les mains du rivois désemparé :

— Je suis désolée. Je ne sais pas ce que j'ai fait à cette époque, mais je regrette.

La magicienne avait lu dans le regard de son ami qu'elle l'avait, dans une vie révolue, trahi. C'était un sentiment amer entre la honte et la colère.

— J'ai été pendu sur cette place, avoua enfin le jeune homme. J'ai été pendu pour avoir été complice du vol de la mandoline. J'ai rêvé de ça quand on a dormi chez Chosef hier soir.

Justinien commençait à mettre les pièces du puzzle dans le bon ordre, il n'était pas loin de tout comprendre toutefois il se garda de partager sa théorie. Il attendit d'en savoir un peu plus avant et surtout il préféra aider ses deux compagnons à ouvrir leur cœur.

— Mes amis, amorça-t-il. C'était il y a longtemps. Rappelez-vous plutôt les liens que vous tissez aujourd'hui. Nous sommes un groupe soudé, et il est important de le rester pour affronter demain.

— C'est vrai ! appuya Merle. Regardez Ruben.

— Moi ?

— Oui, il y a une semaine de ça, ce n'était qu'un sale voleur et un meurtrier sanguinaire. On sait qu'il a eu de mauvaises fréquentations, mais maintenant il est devenu bon grâce à notre compagnie et à nos sages conseils. C'est notre ami, et tant pis pour son passé, il est déjà pardonné à nos yeux.

Justinien ne l'aurait pas dit de cette façon. Peu importait finalement. Les mots de Merle avaient touché le groupe entier. Il conclut :

— Peut-être que les cerfs ont décidé de vous rassembler une nouvelle fois dans ces refrains pour que vous puissiez vous excuser. Voyez-y une opportunité pour vous rabibocher et corriger ces bêtises d'une autre vie.

— Mais Justinien... Merle... commença Izak. Je n'en ai jamais voulu à Léopoldine ! Je sais qu'elle était et qu'elle est toujours mon amie.

La magicienne, sans même s'en rendre compte, sauta au cou du rivois et le remercia. Au plus profond d'elle, quelque chose manquait sans qu'elle ait pu mettre le doigt dessus. Et c'était bien normal. Après tout, les regrets qu'elle avait étaient ceux de la capitaine Léopauline, des regrets datant d'un siècle... à deux mois et trois jours près. Le pardon ou plutôt, l'absence de rancune de son ami de jadis apparaissait désormais comme la chose qu'elle cherchait depuis si longtemps sans même le savoir.

Ruben craqua une nouvelle fois, et les rejoignit également. Merle sauta à son tour, et Any se glissa où elle put. Justinien soupira... Ils en faisaient trop. La lumière du jour commençait à faiblir et ils n'avaient toujours pas rencontré le roi Meloric. Cette conversation avec sa majesté, bien que nécessaire, pesait sur Justinien qui avait envie de démêler cette histoire. Pourtant, comment leur dire qu'ils devraient avancer au lieu de se choyer ? Soupir... Puis il fut tiré par le costaud Izak pour un câlin d'amitié général.

Les unités de l'Ordre d'Eurythmie regardèrent de loin la scène avec beaucoup de curiosité. L'un d'eux ouvrit les bras à un autre chevalier. Hélas pour lui, il reçut une tape sur le heaume à la place de l'embrassade espérée.

Justinien se redressa et réajusta son jabot et sa moustache avant d'annoncer :

— Bien maintenant que c'est fait, nous pourrions aller voir le- Hé attendez bon sang !

Comme d'habitude, le médecin n'avait pas eu le temps de donner les directives que le groupe se leva pour les exécuter. Justinien détestait ça, enfin au moins maintenant ils repartaient pour conclure le mystère autour de Bartholomaüs et son étrange mandoline. La prochaine étape était on ne peut plus évidente, bien que particulièrement ardue : aller rencontrer sa majesté. Ils allaient sûrement s'écraser contre des protocoles, des miliciens et d'autres obstacles censés protéger la famille royale. Il suffisait d'un banal contrôle pour qu'ils soient découverts avec l'instrument et leur fin à tous s'ensuivre dans la foulée. Il s'en était fallu de peu déjà avec les chevaliers de l'Ordre un peu plus tôt. Justinien réfléchissait pendant qu'ils s'approchaient inexorablement du danger.

Le Cycle des Ramures - Tome 1 : Les Musicéens de Castelbouchon [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant