Chapitre 59

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Le vent était redoutable et Merle glissa. Ruben l'aida à tenir et à progresser. La magicienne se plaça devant la balustrade au plus proche de la mer, face à l'orient impétueux. La tempête avait des airs de fin du monde. Plusieurs tourbillons s'étaient formés et terrassaient le littoral de part et d'autre du royaume. Petit à petit, les colonnes serpentines et dévastatrices convergeaient vers les lieux habités. Au large, une masse énorme s'avançait lentement mais sûrement vers Castelbouchon. C'était une tornade bien plus imposante que les autres, qui avait largement la force pour souffler le château-phare et ses environs. Même si c'était trop tard, l'évacuation n'aurait pas pu sauver les castelbouchois. Dans ce déluge aux ampleurs titanesques, nul n'aurait été à l'abri des puissances cauchemardesques qui se déchaînaient.

La tempête au plus fort de son intensité s'incarnait dans cette entité cyclopéenne. Et l'on aurait juré pendant un instant que celle-ci avait des membres et qu'elle enjambait les flots alors que sa chevelure se mêlait aux sombres nuages. Le colosse traversait l'océan et dans son sillage, provoquait des lames de plusieurs dizaines de toises de haut. Au niveau de sa tête, des éclairs bourdonnaient comme pour illustrer les pensées délétères de l'hécatonchires furieux. Quelques éclats fugaces transperçaient l'épaisse membrane de vent et d'eau salée laissant deviner des forces terrifiantes.

Léopoldine se mit à trembler, c'était le froid saisissant et surtout la peur qui la glaçait. Elle avait perdu son assurance en voyant l'adversité se matérialiser si proche. L'engouement avait laissé place à l'engourdissement. Face aux éléments qui s'étaient associés pour exprimer leur fureur, la jeune femme prit sur elle pour donner son concert. Elle fit une fausse note au premier accord et la punition fut prompte : la foudre s'abattit sur le sommet de la Conservatour détruisant au passage son toit. Les débris de bois et de turquoise s'écroulèrent avec vacarme. L'effroi s'empara de la bramane. La grêle tomba. De mémoire de castelbouchois, on n'avait jamais vu ça. Pour Izak, c'était nouveau aussi. Au début, il pensait que c'étaient des pierres qui chutaient du ciel. Après tout, les grêlons faisaient la taille de noyaux d'abricot et coupaient comme des pointes de flèches. Les projectiles tambourinaient tous ceux qui n'avaient pu s'abriter. Le balcon où se trouvaient les arpenteurs n'était pas protégé et les premières commotions et entailles arrachèrent des cris de douleurs ! Léopoldine se jeta au sol pour préserver l'instrument de son corps. Son dos fut épargné de justesse.

Izak posa sa main sur l'épaule de la bramane qui sentit immédiatement sa chaleur. La grêle avait diminué, seuls quelques grains de raisin gelés tombaient à présent. Tremblotante de la cuisante punition, elle se releva. En observant derrière elle, elle remarqua que Justinien, Merle et Any avaient eu le temps de se mettre à l'abri. Ruben, non. Il se tenait la tête, le front ouvert, une petite cascade vermillon qui en dégoulinait. Rien de grave, mais l'apprenti voleur était sous le choc. Quant à Izak, il avait lui aussi échappé aux grêlons.

Ce que Léopoldine ne voyait pas, c'était le dos du rivois qui s'était arc-bouté au-dessus de son amie pour la protéger sans qu'elle ne s'en aperçoive. Le sang ruisselait des déchirures de sa chemise et avant que les premières gouttes ne se mêlent à la mosaïque du sol, il tourna Léopoldine vers la mer. Les deux mains du grand costaud posées sur ses épaules, elle sentit le soutien d'Izak derrière elle.

— On est tous avec toi !

Les mots du rivois l'apaisèrent et lui permirent de faire le vide. Elle s'y essaya, exactement comme lorsqu'elle battait la mesure... Il n'y avait qu'elle qui pouvait se concentrer dans un tel chamboulement climatique. Elle s'imagina dans le Chœur du Bouchon, au milieu des carpes géantes et des fleurs de paradis, avec ses amis. La musique berçait les pulsations de son cœur et spontanément elle commença à jouer de la mandoline en fredonnant. Elle avait les yeux fermés pourtant, elle avait parfaitement conscience de ce qui se passait autour : ils s'étaient tous rapprochés pour se tenir à ses côtés et affronter l'entité terrifiante.

Quand elle regarda aux alentours, la scène était exactement comme elle l'avait imaginée. Toutefois, face à elle demeurait un visage titanesque, celui de la tornade en colère. Son nez presque plat se démarquait tout juste de la colonne. Ses orbites formaient des creux dans le flux déchaîné. Sa bouche était une ouverture instable, un trou béant dans la paroi épaisse du tourbillon. De l'autre côté, des éclairs tonnaient et embrasaient les ténèbres pendant une fraction de seconde. Assez pour accentuer la grimace de rage.

Le vacarme était si fort, qu'on ne s'entendait plus claquer des dents. Le vent si puissant, qu'on avait du mal à rester sur ses jambes. Le froid si mordant, qu'on sentait des brûlures dans ses jointures. Et ensuite, le visage se rapprocha encore et tout le groupe ne vit rien d'autre que celui-ci, car un mur de bruit et de dévastation engloba les arpenteurs comme le sommeil happe parfois l'esprit. Léopoldine ferma de nouveau les yeux en fronçant les sourcils et joua l'air depuis le début en y mettant plus d'entrain !

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Le Cycle des Ramures - Tome 1 : Les Musicéens de Castelbouchon [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant