La nuit fut courte. Entre mon cerveau qui ne cessait de me faire culpabiliser pour la faiblesse dont j'ai fait preuve avec Julien et mon lit qui ne voulait plus s'arrêter de tourner, je pense avoir dormi pas plus de trois heures en tout et pour tout.
Je prends ma douche et m'habille avant même de regagner la cuisine. Mes dents sont propres, mon haleine est fraiche, je vais pouvoir retrouver mon coloc et boire mon café du matin.
Mais pour être honnête je ne suis pas très fière. Je m'apprête à ouvrir la porte de ma chambre pour regagner la grande pièce à vivre et j'angoisse de savoir comment il va réagir à la suite de notre rapprochement d'hier.
Je prends une grande inspiration et tourne la poignée.
Mon cœur se met à battre plus fort tandis que son parfum se jette immédiatement dans mes narines.
Ces sensations commencent à m'excéder.
- Bien dormi Montagnié ? me salue-t-il d'un ton normal.
Je me contente d'un signe de tête et me dirige vers le bar en sentant l'odeur du café.
Je sais qu'il est sur le balcon, une cigarette allumée. Cette odeur me soulève le cœur mais je ne suis pas prête à lui faire la moindre réflexion. Je me persuade que moins je lui adresse la parole moins il y aura de chance qu'il me reparle d'hier.
Son téléphone sonne et j'entends qu'il pousse la porte fenêtre du balcon.
Je ne prête pas attention tout de suite jusqu'à ce que j'entende « C'est pour le travail, ne t'inquiètes pas ».
Vous savez ce qui se passe dans ma tête, pas besoin de vous faire un dessin.
Entre hier matin où ses doigts étaient littéralement fixés à son portable et ce matin, je pense que Pierrot m'a menti concernant le sujet d'une petite copine potentielle.
Mon ventre se met à gargouiller, il se tord et m'assaille d'une sensation désagréable.
Qu'est-ce qui lui arrive ? Pierrot a une petite copine, où est le mal ? Puis mes mains tremblent et ma motivation matinale s'échappe et part en fumée. Pourquoi ? Pourquoi je me relève et débarrasse les tasses en les jetant avec fracas dans l'évier ?
« Je t'appelle tout à l'heure, promis ».
C'est évident que ce n'est ni Claquos ni Artémis. Ni même Marvin ou un des tocards. Je sens l'air frais pénétrer le salon et entends la porte du balcon se refermer.
- Je n'ai même pas bu mon café ! dit-il surpris de voir que tout est débarrassé.
- On n'a plus le temps, il faut y aller, reprends-je d'un ton sec.
Nous traversons la ville pour récupérer le bus et je choisi de rester silencieuse.
- Tout va bien ? s'inquiète-t-il.
- Oui, pourquoi ça n'irait pas ?
J'insiste sur le fait que je m'adresse à lui de la pire manière qui soit tant je suis énervée.
- On dirait que tu es fâchée ?
- Je ne suis pas fâchée.
- On dirait bien, pourtant.
- Pourquoi je serai fâché, Julien, Hein ?
- Ok, tu es fâchée.
Il choisit à son tour de ne pas relancer le sujet et reprend son téléphone pour se murer dans le silence.
Mais qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez lui ?
Hier il me reprochait le fait de lui dire que j'étais fâchée prétextant ne pas pouvoir faire preuve de bon sens et aujourd'hui que je rentre dans son jeu, il ne prend pas la peine d'en savoir plus.
Je suis en rage. Je ne le supporte vraiment pas, il n'y a plus de doute.
Au travail, c'est exactement la même chose. Habituellement il est le premier à me taquiner et chercher les moqueries les plus piquantes afin que je réagisse et lui partage toute la méchanceté qui est tapi en moi. Alors qu'aujourd'hui, rien. Il se contente de pitoyables vannes et se concentre exclusivement sur Artémis avec qui il rigole sans arrêt.
A 15H00, on quitte les locaux et il m'annonce qu'il ne rentre pas avec moi.
- Pourquoi ? lui lancé-je beaucoup trop vite.
L'agacement monte en flèche et je ne parviens à me contenir.
- J'ai deux, trois trucs à faire, je ne serai pas long.
Le criquet démoniaque qui me parle dans la tête en mode « Jiminy » m'incite à me jeter sur lui pour finir par le tabasser avec ma canne.
- Ok, me contenté-je de répondre ayant enfermé « Jiminy » dans un coin.
Je fais le retour toute seule. Cette chose incroyable se produit alors. La colère ne désemplie pas.
Ce qui est incroyable, ce n'est pas la colère que je ressens, mais bien sa cause ! Je tape par petits coups, ma tête contre la vitre du RER et n'arrive pas à penser à autre chose. Il n'y a que lui, son souffle, sa voix et son parfum qui obsèdent mes pensées. C'est un Pierre Niney, bordel !
Il n'y a qu'une solution qui s'offre à moi pour que je parvienne à me détendre. Lila.
En sortant de la gare je marche en direction de notre résidence et continue jusqu'à son petit immeuble.
Je sonne.« Oui ? »
Fais chier j'ai encore sonné au mauvais interphone. J'ai compté mes cliques pourtant !« -Excusez-moi, je me suis encore trompée.
- C'est la petite copine aveugle de l'Algérienne du dessous, chuchote la vieille dame à son mari sénile avant de reprendre, ce n'est pas grave mon lapin, je t'ouvre la porte. »Je souffle, excédée et monte les deux étages avant de sonner à la porte 202.
-Roo, entends-je tandis que la porte s'ouvre.
- Carla ! Je ne suis pas ravie de te voir non plus, qu'est-ce que tu fous là ? dis-je en la poussant et en entrant dans l'appartement de « ma » Lila.
- Chouquette ? Mais qu'est-ce que tu fais ici, en pleine semaine ? me salue la meilleure.
- Qu'est-ce que « elle » fout là en pleine semaine ?
Un ange passe.
Je sens qui se trame quelque chose et que Lila m'en cache une autre.
Je pose ma canne contre le mur et me dépêche de tâter tous les murs et les meubles de son appartement.
- Que fais-tu mon ange ?
- Elle a emménagé ? continué-je toujours en tripotant absolument tout. Ça ! Qu'est-ce que c'est ?
Je crois soulever une peluche posée sur une étagère du salon de Lila quand tout à coup, la peluche bouge et me griffe.
- C'est quoi ce bordel ?
Mon cœur palpite.
- C'est Comète, fais attention ! hurle Lucifer.
- Comète ?
- C'est la chatte de Carla, avoue Lila, d'un ton bas.
Je reste bouche-bée un instant comprenant que mon intuition était plus que bonne.
- ça fait beaucoup de chattes dans le même appart, décidé-je de reprendre.
La colère en moi parvient à se dissiper lorsque j'entends Lucifer qui s'esclaffe, outrée par ma vulgarité.
Lila m'invite à m'assoir et m'avoue que Carla est venue emménagée chez elle il y a à peine une semaine.
- Nous avons décidé de sauter le pas, reprend Lu-Lu.
J'ai envie de relever autre chose mais préfère m'abstenir au risque d'offusquée la princesse de Galles.
- Mais non ! Je suis déçue, me contenté-je de chouiner.
- Tu es une véritable amie, il n'y a pas de doute, continue Belzébuth.
- La semaine tu es avec moi, Lila, elle ce n'est que le dimanche, continué-je comme une gamine capricieuse.
Je sens qu'elle vient s'assoir à mes côtés et me prend dans ses bras.
- Je n'aime pas quand tu fais ça, continué-je.
Décidément je suis vraiment insupportable.
- Tu as un nouveau travail maintenant, puis tu n'es plus toute seule, souligne mon amie.
Je tourne ma tête vers elle et enlève mes lunettes pour essayer de lui faire un regard dubitatif.Apparemment ça n'a pas eu l'effet escompté. J'ignore toujours si mes yeux font l'école du cirque à rouler sur eux-mêmes ou s'ils se contentent de fixer dans le vide.
- Qu'est-ce que tu fais Justine ?
- Je te regarde perplexe.
- Oh, je vois.
- Il va falloir que tu la laisse faire sa vie, intervient Miss poufiasse.
Je deviens vulgaire, ce n'est pas bon signe.
- Carla, gronde ma Lila.
Mais je me rends compte qu'elle a raison. Il est hors de question que je l'admette devant ce démon suceur d'âme alors je décide de remettre mes lunettes et de faire un bisou sur le front de mon âme-sœur.
- Je suis contente pour toi.
Je prends la direction de la porte et cherche ma canne comme une débile.
Je devrais vraiment prêter plus attention à ce que je fais quand je décide de la laisser quelque part.
Carla s'empresse de m'ouvrir la porte.
- Le vendredi soir, elle est à moi, pesté-je comme si je repoussais un mauvais sort.
- C'est ça, rentre bien et regarde bien des deux côtés de la route ! Puis elle claque la porte sans avoir pris le temps de voir mon joli doigt d'honneur.
Je souris malgré tout, amusée que Carla prenne du poil de la bête.
Une fois chez moi, je m'applique sur ma routine habituelle. Douche, rangement, comme je peux évidemment et podcast.
Puis le temps passe et toujours pas de Julien à l'horizon.
Que deux, trois trucs à faire ? Il se fout de moi.
Je demande l'heure à Alexa toutes les quinze minutes et me rends compte qu'il est 22H56 et qu'il n'y a toujours pas de Julien.
Mais l'interphone se met à sonner, enfin.
La colère qui m'a animé toute la journée s'est multipliée par cent et je l'attends de pieds ferme devant la porte.
Je sais qu'il n'est plus très loin par son parfum que je sens d'ici.
Je veux garder la face, je me refuse à ce qu'il voie que je suis en colère mais je n'y arrive pas.
Il est en face de moi, silencieux lui aussi.
On reste debout l'un en face de l'autre, le palpitant qui s'accélère par la haine et le désir.
Il claque la porte de l'entrée et agrippe mon visage pour se jeter sur moi et dévorer mes lèvres comme s'il s'était retenu depuis toujours.
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DANS LE NOIR
RomanceJustine est prétentieuse, insupportable et aveugle. Et ce n'est pas incompatible. Qui a dit que le fait de ne rien voir sous entendait forcément de se laisser marcher dessus ? Elle mène à bien tout son petit monde et n'a de respect que pour deux per...