26. JUSTE UN MESSAGE

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Me voilà dans mon lit, en étoile, en sous-vêtement, les yeux dans le vague, ou je ne sais où d'ailleurs. La fenêtre de ma chambre est grande ouverte et la nuit tombe en déduis-je par la fraicheur qui se fait ressentir.
Après ma péripétie de tout à l'heure, je crois que je ne suis jamais partie aussi tôt du « Marco Vivaldi ».
Mon visage est partagé entre une moue boudeuse, en colère d'avoir cédé si facilement à la tentation, et un rictus que je ne parviens à retenir en repensant à cette attirance dont il est aussi victime.
Il n'y a plus de doute. Julien Blanqui est l'homme le plus étrange qui m'ait été donné de rencontrer, le plus insupportable et surtout le plus imprévisible. Mais il reste de loin le seul qui me fait cet effet-là.
Bordel, mais qu'est-ce qu'il m'arrive ? Ce n'est pas moi, ça !
Je me rassieds sur mon lit en tailleur et prends mon téléphone pour demander à Siri si j'ai un message. A l'intonation de sa voix j'ai l'impression qu'il est en train de me dire « Arrête de me demander toutes les deux secondes, s'il pense à toi, je te le ferais savoir ».
Va te faire, Siri.
Mais je suis prise d'un petit rire calme et nerveux qui finit par monter crescendo. Il se transforme en un rire hystérique un peu comme les prémices d'un dédoublement de la personnalité.
Il va vraiment falloir que je me calme. Je ne peux pas être non-voyante et en asile psychiatrique, ça ferait beaucoup trop à supporter pour ma mère et Lila.
Tout va bien se passer.
Il faut juste que je respire.
Apparemment ça ne fonctionne pas.
Respire et inspire, Justine.
Voilà.
Je vais continuer ma vie normalement et je finirais par ne plus y penser. C'est ça. Il faut laisser le temps au temps.
Je vais commencer par un podcast. Un petit coup de « Jacqueline Démétrieu » et demain Julien ne sera plus qu'un mauvais souvenir.
J'opte pour cette solution. Je me relève, je vais chercher une bière à la cerise dans mon réfrigérateur et je me vautre sur mon canapé dans le courant d'air que font ma porte fenêtre et celle de la salle de bain.
Très bien. C'est parfait.
Je n'ai besoin de rien d'autre.

« Vous avez un nouveau message de Lila »

Fais chier !
Mon cœur a failli s'arrêter. Ce n'était pas l'expéditeur que j'attendais.

« Ma C-H-O-U-Q-U-E-T-T-E, je n'aime pas T voir comme ça !
dis-moi que tout va bien point d'exclamation point d'exclamation bisous cœur »

Même si ce n'est pas Lila que j'attendais elle réussit à me décrocher un petit sourire sincère.
Pendant que « Jacqueline » s'efforce de m'expliquer que l'univers est une lampe de génie et que je n'ai qu'à lui partager mes vœux pour avoir tout ce dont j'ai envie, je fais un vocal à « ma meilleure » pour la rassurer et lui dire que tout va pour le mieux.

Mais on sonne à ma porte et je sursaute imitant le gloussement d'un cochon d'inde.
« Qui c'est ? » dis-je, essoufflée sans raison. « JD ».
Je marque un temps pour refaire un débrief rapide avec mon cerveau. Je fais taire mes émotions qui ne m'ont conduite que vers le fossé depuis qu'elles ont décidé de piloter ma vie et tente de m'entretenir au mieux avec celui qui ne m'a jamais fait défaut.
« J'arrive » en conclus-je tout en allant récupérer mes lunettes de soleil sur ma table de nuit. J'enfile au passage ma robe de chambre en soie noire et entre ouvre la porte.
- Je peux rentrer ? me demande JD.
J'ouvre en grand en guise de réponse.
- Qu'est-ce que tu veux ? l'attaqué-je sans formalité.
-Qui est ce type avec qui tu es toujours fourrée ?
Je décroise les bras et assouplis ma posture comme pour lui faire comprendre que je suis ouverte à la discussion.
Vous allez me prendre pour une folle, mais la seule chose dont j'ai envie, là, maintenant, c'est de m'assoir près de JD et de lui déballer tout ce que j'ai sur le cœur, tout ce que Julien fait et ne fait pas pour qu'il me donne son avis. Un avis masculin qui m'aiderait à décortiquer toute cette merde en paquet qui se noue autour de la moindre parcelle de mon âme.
Mais je n'en ferais rien.
Ce serait déplacé et qui plus est, illégitime de la part de Justine Oppeneau. Surtout pas pour un Pierre Niney.
- Un collègue de travail, finis-je par répondre.
-Et ce collègue répond aux messages que tu reçois sur ton téléphone en pleine soirée ?
- On bossait.
Je sens qu'il gigote la tête pour acquiescer.
-Une chose m'échappe JD, pourquoi tu es là ? Pourquoi tu viens me poser toutes ces questions ?
- Tu m'as dit que tu ne voyais personne d'autre, Justine.
- Tu ne vois pas d'autres personnes, toi ? reprends-je sur la défensive.
- Si, mais moi tu ne m'as pas demandé.
Le monde marche sur la tête.
Je n'en peux plus, la gent masculine est véritablement faite pour rester incomprise. Je jette l'éponge.
- Pourquoi tu l'as frappé ?
- Il l'avait bien cherché, se défend JD.
- Sérieusement ? dis-je incrédule.
- Ce type n'est pas net, Justine.
- C'est vrai que tu as toute ta tête, toi.
- Je suis sérieux. Il se comporte comme si tu étais sa chose fragile. Comme si tu lui appartenais.
A l'écoute de ces mots, mon cœur bat si fort qu'il tente de s'échapper de ma poitrine pour rejoindre Julien et lui dire qu'il est tout à lui. Mais mon cerveau le tient en laisse et lui ordonne de calmer ses ardeurs. Il est hors de question que nous nous humilions une fois de plus. Qu'il reste avec « Joyce ». En attendant, moi, c'est Johny Depp qui sonne à ma porte.
- On ne peut pas contrôler ce que pense les gens, JD. Il fallait juste le laisser croire. Il aurait pu porter plainte.
- Qu'il le fasse !
Il marque un temps avant de reprendre :

-Je t'aime bien Justine.
« Je t'aime bien Justine ». Cette phrase est si fade...
Elle ne provoque aucun ressenti, aucune émotion. Ni colère, ni haine, ni bonheur ou bien être. Absolument rien. Je l'écoute, je me l'imagine comme je pouvais le voir à l'époque et aucun dragon ne se soulève dans le bas de mon ventre. Je me concentre sur mes mains et elles ne faiblissent pas. Je ne suis pas étourdie. Je ne suis même pas flattée.
Je me rends bien compte que lorsque je n'attendais qu'un seul petit message de sa part, quand je souhaitais qu'il vienne sonner chez moi peu importe l'heure du jour ou de la nuit, la seule et unique raison qui me forçait à éprouver cette envie n'était rien d'autre que la solitude. La solitude dans laquelle je me suis enfermée toute seule. Je ne voulais pas me compliquer la vie et rester sur une valeur sûre.
Mais aujourd'hui tout est bien différent.
J'ai découvert ce qu'étaient les sensations, les sentiments et l'envie réelle.
JD n'est pas celui que je désire, il n'est en réalité même pas celui que je veux pour quelques instants. Tandis qu'il continue de me parler avec de longs et grands discours, je ne parviens pas à l'écouter. Rien de ce qu'il peut dire n'a le moindre intérêt à mes yeux.
« A mes yeux » cette expression n'a plus vraiment de sens pour moi aujourd'hui. Un peu comme lui. Un peu comme le reste d'ailleurs.
Tout devient clair.
Il faut juste que je me l'avoue.
Je suis tombée dans les griffes de Julien Blanqui.
J'en suis follement amoureuse.
Peu importe qu'il soit pierre Niney ou le futur James Bond. Son parfum ne me quitte jamais et sa voix ne cesse de résonner dans ma tête. Avec lui je suis moi-même. Aucun faux semblant, aucunes gênes. Mes yeux vitreux ne l'écœurent pas, mon sale caractère l'amuse et mon corps l'attire comme un aimant.
Mais il a offert son cœur à une influenceuse aux talons hauts.
Pour la première fois je vais accepter mon sort et affronter la vérité. Je suis amoureuse d'un tocard qui ne m'aime pas, moi, Justine Oppeneau et rien de tout ça n'est grave.
Malgré tout, je congédie JD sans pouvoir cacher ma déception. Je referme la porte derrière lui et prends mon téléphone pour me rallonger dans mon lit. Je le serre fort contre moi, une larme glissant sur ma joue.
Je ne voulais pas grand-chose « Univers », juste un message. 

DANS LE NOIROù les histoires vivent. Découvrez maintenant