28. UNE RAGE EXCITANTE

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Il m'a retenu que pour quelques minutes à peine. Malgré l'alcool qui est imbibé dans chaque pores de ma peau, je ne suis pas parvenue à lâcher prise et faire comme s'il n'était pas attendu chez lui ce soir, comme s'il n'était pas fiancé. Comme si Joyce n'existait pas. Je suis restée évasive et fermée à ses taquineries.
Sa voix s'est durcit et son ton est devenu moins léger.
J'entends son verre se poser sur la table.
- Je paie et je te raccompagne, se contente-t-il de lâcher.
Je hoche la tête et rassemble mes affaires.
Le métro est moins bondé qu'aux heures de pointes mais de ce que j'entends nous partageons l'heure des mauvaises fréquentations.
Tandis que je devine Julien sur son téléphone, aux bips incessants qui ne cessent de se faire entendre, j'entends un groupe de mecs qui se demandent ouvertement si je suis aveugle. Au son de la voix du plus mal élevé d'entre eux, je devine qu'il se rapproche.
- On se demandait, avec les potes si tu ne voyais vraiment quedal ?
Je laisse échapper un petit rictus insolent et comme à mon habitude prends soin de répondre en m'adaptant à mon interlocuteur.
- Non je fais semblant pour pouvoir garder mes lunettes de soleil qui ont certainement coûtées plus chères que le budget d'étude que tes parents avaient épargné pour toi.
Les bips du téléphone de Julien s'arrêtent net. J'en déduis qu'il ne textote plus.
- Ah, parce qu'elle fait la maline, la non-voyante. C'est dommage bébé que tu ne vois plus rien. Tu ne pourras pas voir mon engin quand je l'enfoncerai dans ton cul.
Charmant, n'est-ce pas ? Je suis dubitative. Est-ce que mon cœur n'est-il pas en train de chavirer face à cette douce poésie ?
Voilà pourquoi je n'aime pas prendre les transports en commun lorsque tombe la nuit.
- On va arrêter les proses et rester chacun de son côté, hein ? se mêle Julien, la voix rauque mais le ton courtois.
- C'est ton mec ça ? Faut faire de la muscul garçon, continue de se moquer notre voyou bien-aimé.
- Écoute tu vas retourner avec tes copains et tu vas nous laisser, mon amie et moi, continuer notre chemin tranquillement.
Mon cœur bat plus vite en entendant la voix de mon Pierre Niney, tout mince, hausser le ton et s'agacer. Je suis prise entre la peur que ce voyou nous fasse payer notre insolence et l'excitation de voir Julien sous un autre angle. Un angle plus sombre.
- Ton amie ? se moque le fauteur de trouble. Ton amie je vais m'en occuper, ne t'inquiètes pas. Continue ton chemin. Mes potes et moi, on va bien s'amuser avec elle. Tu ne sauras plus qui est derrière toi tellement on ira vite.
Mais l'excitation se dissipe lorsque je sens sa main qui agrippe mon poignet. Il a l'air bien décider à ne pas me laisser partir et pour avoir couché avec Julien et avoir palper la moindre parcelle de son corps, je ne suis pas rassurée de savoir que je me trouve dans cette situation avec lui. Il ne va rien pouvoir faire pour moi et sans yeux je ne vais rien pouvoir faire pour lui.
Fichu karma de mes deux.
- Lâche-la.
Le ton n'est plus du tout à la courtoisie.
- Laisse, Julien, allons devant, reprends-je en parvenant à me retirer.
- Tu viens d'essayer de me donner un ordre, là ? reprend le bougre.
Je sens que Julien bouge par son parfum qui flotte sous mon nez. Il est devant moi. Je le sais. Je le sens. Il est tel un barrage contre le danger. Il a bien l'intention de ne plus laisser le voyou se rapprocher.
- Dégage.
Puis j'entends comme un bruit résonnant. Puis un autre. Et des gémissements. Mes jambes tremblent et ma respiration est haletante. Je ne vois rien. Les bruits sont confus. Les coups ne cessent de résonner juste à côté de moi. Julien est en train de se faire massacrer. Je suis prise de vertige. Des larmes coulent sur mes joues. Je crie. Je demande de l'aide. J'entends les potes de cet enfoiré hurler. Ils se rapprochent. « Lâche-le, batard ! » entends-je. « Je vais te tuer ! » continuent les salopards. Je continue d'appeler à l'aide mais comprends que personne ne viendra se mêler à l'affrontement. Nous sommes dans le métro, c'est bien connu, tout le monde est invisible. Personne n'entend jamais rien. Mais je comprends très vite que la victime n'est pas mon Pierre Niney. Non, les amis en question tentent de retirer Julien qui est à califourchon sur ce « pauvre voyou ». Les coups ne cessent de résonner et les gémissements du fauteur de troubles ne se font plus sentir. Il a perdu connaissance. Je reste sans voix un instant. Perturbée par tout ce qui est en train de se passer. J'entends les cris des garçons comme s'ils venaient de loin.
- Il va le tuer, meuf, rattrape ton mec !
Je me ressaisis. Le problème c'est que je suis toujours dans ce putain de noir. Je ne sais pas où est Julien. Je ne vois rien.
- Julien, arrête ! hurlé-je. Julien !
Je m'égosille. Je hurle.
Mais les coups se font toujours entendre. Il n'entend plus rien ni personne. Il frappe et frappe encore jusqu'à ce que je crie bien plus fort et qu'il entende les sanglots dans ma voix.
- Je t'en supplie Julien, arrête, l'imploré-je.
Le métro s'arrête, et je sens sa main m'agripper violemment par le bras pour me tirer hors du wagon à toute hâte.
Je ne sais pas où nous sommes. Je ne sais même pas si je suis vraiment avec lui. Aucun mot ne sort de ma bouche et je tente de reprendre ma respiration pour éviter le tournis qui m'assaille.
Il marche vite. Trop vite. Ses pas sont lourds et ses doigts toujours enfoncés dans mon bras.
- Tu me fais mal, osé-je lâcher.
Mais nous continuons de marcher.
- Il y a des escaliers, dit-il sèchement, sur un ton que je ne lui connais pas.
Au moins, je sais que c'est lui qui est avec moi.
En dehors des tunnels, je sens l'air frais de la tombée de la nuit fouetter mes joues trempées par mes larmes. Je prends une grande bouffée d'air et essaie de reprendre mes esprits. J'ai vraiment cru que je n'allais pas finir la soirée.
Nous marchons une bonne dizaine de minutes dans le silence le plus total, mon bras endolori par la pression de ses doigts. Au bout d'un moment, il finit par s'arrêter.
Il s'assied sans rien dire et il attrape ma main pour m'inviter à l'imiter. Je m'exécute et tâte tout autour de moi pour m'assurer de ne pas tomber.
Je sens le béton et comme de la poussière de sable.
- Où sommes-nous ?
- A la butte Chapeau rouge. Il me semble, me répond-il la voix plus basse.
- Tout va bien ? reprends-je.
Je l'entends lâcher un petit rire quelque peu diabolique.
- Ouais, ça va.
Sa voix est dure. Je sens à sa respiration que ses nerfs sont toujours en pelote. Il n'arrive pas à faire redescendre la rage qui le consumait quelques minutes plus tôt.
- Il t'a frappé ?
- J'en ai reçu quelques-unes...
-J'ai bien l'impression qu'il en a reçu bien plus... dis-je, l'air grave. Pourquoi, Julien ? Pourquoi avoir continué alors qu'il avait perdu connaissance ?
Il ne répond pas et me laisse sa respiration de plus en plus haletante pour seule réponse.
- Julien ! insisté-je, pourquoi ne t'es-tu pas arrêté ?
Je sursaute soudain, lorsque je sens sa main agripper l'arrière de mon crâne et son autre plaquer ma bouche trop bavarde.
Mon cœur s'accélère. Son visage est tout près du mien. Il finit par poser son front contre le mien et son souffle chaud vient se glisser dans mon cou. Il retire lentement sa main de ma bouche et la fais glisser délicatement sur mon cou puis au-dessus de mes seins.
- Tu es beaucoup trop bavarde, Justine, murmure-t-il.
- Je...
- Chut, ne dis plus rien, s'il te plait.
Je l'écoute docilement une fois de plus.
Ses lèvres viennent se poser doucement sur les miennes. Je sens le goût du sang et embrasse plus délicatement la plaie sur sa bouche. Sa main est désormais sur mon ventre et continuent de descendre pour palper ma cuisse avec envie. Il me mord et respire de plus en plus fort.
- Je ne suis pas un mec bien, Justine.
Je garde le silence comme il me l'a demandé. Et aussi parce sa main remonte de mes cuisses jusqu'à mon entrejambe. Mon cœur s'échauffe et mon ventre fourmille.
Il continue par enfoncer sa main dans ma culotte. Je la lui retire instinctivement sachant que nous sommes dehors mais ignorant si nous sommes à la vue de tous ou non.
Il me la pousse avec ferveur et réitère de plus belle. Je me laisse faire parce que c'est ce qu'il veut. Et moi aussi. Ma bouche s'entre ouvre et laisse échapper de petits gémissements qui l'encouragent à faire davantage.
Je ne sais toujours pas si nous pouvons être vus mais l'excitation prend le pas sur l'éthique. Ses gestes sont féroces et ses prises agressives. Il est encore sous l'effet de la colère et me le fait ressentir. Mais mes joues picotent, mes tétons sont durs et ma culotte, trempée.
Je comprends que la colère incommensurable de Julien Blanqui m'attire et m'excite au plus haut point. Nos échanges sexuels ne sont que pure relation de dominé/dominant. Il est un Pierre Niney accueillant, jovial et attentionné dissimulant une bête affamée et féroce qui ne se laisse apercevoir que lorsqu'il ne peut plus la contrôler.
Ses doigts vont bien plus vites et bien plus forts. Je l'agrippe par les épaules et plante mes ongles dans son tee-shirt parvenant jusqu'à sa chaire. Sa bouche me dévore et étouffe mes cris que je ne cherche plus à contenir. Il accélère la cadence et je me fige, raide, plongeant ma tête dans son cou, les jambes tremblantes et le cœur battant.
Il retire sa main de mon entre jambe et je me décolle de lui.
- Je te raccompagne. 

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