15 - Comfort Chain

87 7 9
                                    



Comme elle l'espérait, Yalina profita de sa première nuit reposante depuis de longs jours. La jeune femme ne s'était pas réveillée en sueur au beau milieu de la nuit, elle n'avait même pas caché son taser sous son oreiller. Son sommeil avait été si profond qu'elle n'avait pas entendu son réveil sonner tôt dans la matinée. Elle n'avait pas non plus prévenu Mr. Ballard de son absence au bureau.Dans la panique de la veille elle n'avait pris que le nécessaire surelle, délaissant ses vêtements de travail et son ordinateur.

- Merde ! Râle-t-elle à haute voix en se frappant violemment le front.

Son ordinateur était possiblement endommagé vu la force avec laquelle elle l'avait jeté à travers la pièce. Et sur le moment, en se remémorant cet événement , toute l'anxiété et le stress de ses problèmes retombent avec lourdeur sur ses épaules. Son regard se perd dans le vide et ses pensées négatives ne font que tourbillonner dans une tornade infinie. Mais, parmi tous les mots qui résonnent en allant se répercuter sur les parois de sa psyché, une seule phrase devient de plus en plus forte et claire. « J'ai très envie de te rendre visite. »Un puissant frisson parcours son échine. Yalina ne peut s'empêcher d'imaginer cet homme attendant dans l'ombre, prêt à bondir, un visage diabolique accompagné d'un sourire carnassier. Yalina sursaute en entendant trois coups puissants derrière la porte de sa nouvelle chambre.

- Mlle Rey-Morenos, vous dormez encore ? Crie Vitaly, qui la fait revenir à la réalité.

- Laissez-moi me préparer et je vous rejoins.

Elle ne porte aucune attention au soupir bruyant qu'il produit avant de s'éloigner. La jeune femme passe aux toilettes, puis se prépare avec le peu d'affaires propres qu'il lui reste. Une bonne demi-heure plus tard elle sort de la chambre et se dirige vers le salon. Vitalyest avachi sur le canapé, regardant à moitié une chaîne d'informations russe et son téléphone. Yalina reste debout près du canapé.

- Vous vous êtes enfin décidée à vous lever. Vous avez raté le chef. Annonce Vitaly en levant un regard malicieux de son écran. Il m'a dit de vous dire qu'il a parlé avec Monsieur... - il cherche le nom pendant quelques secondes - Mr. Ballourd ? Enfin bref, il dit que vous pouvez travailler d'ici pendant quelques temps.

Yalina se retient de rire en l'entendant se tromper sur le nom de Ballard,mais même ça, elle ne veut pas lui accorder. Elle est déçue de ne pas avoir pu parler à Mr. Zintchenko lors de sa visite, mais savoir qu'il est venu prendre de ses nouvelles en personne lui fait chaud au cœur. Malheureusement, cela voulait aussi dire que pour toute question, elle devait s'en remettre à Vitaly.

- J'ai besoin d'aller récupérer quelques affaires chez moi. Lance Yalina, allant droit au but.

- C'était prévu. Il se lève soudainement. Et ça serait déjà fait si vous ne m'aviez pas fait attendre.

Yalina est excédée par l'attitude de l'homme, elle veut bien croire que la surveiller n'est pas le poste le plus palpitant à occuper, mais elle n'avait en aucun cas essayé de lui rendre la tâche plus difficile.Encore une fois, elle se retrouve à suivre le garde du corps à la carrure imposante dans un ascenseur, un parking sous-terrain, puis une voiture. Vitaly lui ordonne de monter sur la banquette arrière alors qu'il passe au volant, les vitres teintées préservant la discrétion de Yalina. Elle lui donne son adresse et la voiture démarre, débutant un trajet glacial dans un silence absolu.


Vitaly se gare devant le petit appartement de Yalina, loin du luxe et de la grandeur de la « résidence des invités » où elle séjourne à présent. Cet appartement n'est pourtant pas le pire endroit où elle a vécu. En s'approchant de la porte, l'homme s'arrête face au battant. Il stoppe par la même occasion la jeune femme. Ses sourcils sont froncés, il semble écouter si quelqu'un se trouve à l'intérieur. Vitaly tend sa main vers Yalina, paume vers le ciel,pour qu'elle lui donne son trousseau de clés. Ce qu'elle fait, très bruyamment. Le garde du corps ne peut pas s'empêcher de lui lancer un regard noir, du coin de l'œil. De manière discrète et contrôlée, il ouvre enfin l'entrée de l'appartement, entrant en premier. Yalina n'ose presque pas franchir le pas de son propre foyer. Plus rien ici ne la fait se sentir en sécurité depuis longtemps, encore moins depuis hier soir.

- C'est un sacré foutoir ici. Ricane le garde du corps en s'asseyant sur une chaise de la cuisine ouverte.

- Je me passe de vos commentaires.

Les mots avaient fusés plus vite que sa raison, elle ne les regrette pas pour autant. Yalina ne sait pas si l'homme est irrité par sa réponse, puisqu'elle prépare ses affaires, mais elle l'entend marmonner quelque chose en russe. Comment peut-il faire preuve d'aussi peu d'empathie ? Lorsqu'elle avait enfin réalisé la gravité de sa situation, garder son appartement organisé n'était plus à l'ordre de ses priorités. La jeune femme décide de mettre tout ça de côté, pour l'instant elle avait mieux à faire que de se quereller avec lui.

Yalina se dirige immédiatement vers l'endroit où son ordinateur portable à atterrit, la veille. Elle l'ouvre et s'installe sur le canapé pour l'allumer. Malheureusement, l'écran reste noir et la machine ne démarre pas. La jeune femme pousse un gémissement de frustration,appuyant plusieurs fois sur le bouton principal sans aucun autre résultat. Elle ne peut pas perdre toutes ses données. Elle ne veut pas avoir réduit à néant des mois et des mois de travail,personnel et professionnel. Extrêmement déçue, elle range l'ordinateur dans sa housse et se met à chercher le reste de ses affaires, espérant pouvoir le faire réparer plus tard ou au moins récupérer ses travaux.

Parla suite, ramasser quelques affaires selon ses besoins et remplir une valise de vêtements ne lui prend pas énormément de temps ;elle se retrouve vite devant Vitaly, ses bagages en mains.

- N'espérez pas que je porte ça. Lâche-t-il en sortant de l'appartement, sans l'attendre.

Cette fois c'est Yalina qui marmonne des insultes en espagnol pour ne pas aggraver la situation. Une fois derrière la voiture, coffre ouvert,la jeune femme y dépose sa petite valise et un sac à dos. Toute sa vie, ou presque, est maintenant contenue dans un si petit espace.Elle n'a pas le temps d'y penser plus longtemps puisque le moteur du véhicule se met à vrombir. Yalina se dépêche d'entrer dans le véhicule, fermant la porte avec la même vitesse. Elle n'a pas l'occasion d'attacher sa ceinture avant qu'il n'appuie sur l'accélérateur. La jeune femme comprend facilement qu'il avait ressenti une profonde envie de la laisser sur le trottoir, devant chez elle. Vitaly allume la radio, yeux rivés sur la route, mais Yalina sent bien qu'il est de plus en plus tendu par sa présence.

- J'aimerais que nos rapports soient, au moins, cordiaux.

L'homme lui lance un regard dans son rétroviseur intérieur, puis secoue la tête de gauche à droite en se concentrant à nouveau sur la route.

- Je ne suis pas votre baby-sitter, ni votre nouvel ami. Répond l'homme avec froideur.

Yalina n'arrive pas à croire qu'il puisse faire preuve d'aussi peu d'empathie, elle ne lui demande pas de l'apprécier ou de lui faire la conversation. Tout ce qu'elle aimerait, c'est que son attitude désagréable ne vienne pas s'ajouter à la liste de ses problèmes actuels. Parfois, on aimerait croire que les gens ont les mêmes valeurs que nous, ce n'est en vérité que trop peu souvent le cas.

Mortal BondsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant