12. The Fall

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Yalina s'accroche à l'accoudoir de son canapé pour se lever, malgré ses jambes presque inutiles. L'instinct de survie de la jeune femme prend le dessus et elle arrive à se déplacer difficilement jusqu'à sa chambre. Son cerveau donne les ordres, son corps agis. Yalina ouvre un sac de sport et y jettes des vêtements au hasard, ses maigres économies, ses papiers et ses armes d'auto-défense. Elle enfile rapidement une paire de baskets et lance un dernier regard à son appartement. Peut-être qu'elle ne reviendra pas avant longtemps, ou jamais.

Yalina conduit sur l'autoroute en direction du Sud, regardant souvent dans son rétroviseur intérieur pour surveiller les voitures aux alentours. Elle n'a pas l'impression d'avoir été suivie, mais la jeune femme n'est plus sure de rien. Elle ressasse les évènements pour y trouver du sens, rien de ce qui est en train de lui arriver ne lui semble logique. Plus calme qu'auparavant, elle essaye de remettre de l'ordre dans ses pensées. Darkwaters avait commencé par la suivre un peu partout, jusqu'au moment où il a pu discuter avec elle sur « SKFC », ce qui avait eu l'air de lui suffire pendant un certain temps. Dans ses deux enveloppes se trouvaient des photos d'elle et Mr. Zintchenko. Yalina en concluait que ce psychopathe désire une relation avec elle et qu'il est devenu jaloux en voyant le russe se rapprocher de la jeune femme. Des hauts le cœur la prennent quand elle imagine ce qu'il peut faire en regardant ses photos volées, car il en a surement pris beaucoup d'autres. Ce pervers la veut pour son usage personnel et semble prêt à tout pour l'avoir.

Yalina conduit depuis déjà plusieurs heures et ses yeux commencent à papillonner, elle doit trouver un endroit où faire une pause. Elle prend une sortie d'autoroute menant à une
petite ville où elle trouvera surement de quoi manger et dormir. Après quelques temps à suivre des panneaux « Motel » le long du chemin, la jeune femme se gare sur le parking de l'établissement. Elle se présente à la réception, son gros sac sur l'épaule et le visage sens dessus-dessous. Le réceptionniste, un homme maigre d'une soixantaine d'années, la regarde avec méprit.

- Bonsoir, je voudrais une chambre pour cette nuit, s'il vous plait. Demande la jeune femme derrière ses lunettes noires et sa capuche.

- Carte d'identité et remplissez ça. Il fait glisser un formulaire et un stylo vers elle.

Yalina s'exécute sans discuter, habituée à devoir prouver sa majorité bien trop souvent. Pendant qu'il observe la carte sous tous les angles, elle remplit le papier administratif. Il continue de la regarder de haut en bas, jugeant son apparence.

- Pas de prostitution, pas de fête, sinon j'appelle les flics. L'avertit le vieil homme, plus que sérieux.

- Bien sûr monsieur.

La jeune femme décide de ne pas prendre ses remarques personnellement, ses problèmes sont beaucoup plus importants qu'un gérant de motel malpoli. Yalina donne la somme exacte à l'homme, en liquide. Il la regarde encore quelques secondes avant de soupirer longuement et de lui tendre une clé. Elle sait qu'il la suit encore du regard lorsqu'elle se dirige vers la chambre dont le numéro est écrit sur un porteclé, 105. Une fois à l'intérieur, elle s'enferme et obstrue les fenêtres à l'aide des rideaux. La chambre est assez vieillotte, le lit double est paré d'un couvre-lit à fleurs qui semble avoir une cinquantaine d'années. Des taches sont présentes sur les murs, la moquette est brulée par des cigarettes tombées au sol et elle préfère ne pas imaginer l'état de la salle de bain. Ce n'est que pour une nuit. Yalina grimace un peu en se couchant dans les draps, après s'être changée.

Malgré la distance qui la sépare de Los Angeles et le verrou qui la protège de l'extérieur, même penser à son déjeuner avec Mr. Zintchenko ne la libère pas de son désarroi. Son corps est chargé d'adrénaline, son cerveau ne peut s'empêcher d'imaginer le stalker à la fenêtre, la regardant dormir avant d'entrer pour se jeter sur elle. Quand la jeune femme aura récupéré quelques heures de sommeil elle devra reprendre la route. Son but étant d'atteindre la frontière mexicaine le plus rapidement possible. Une fois hors du pays, elle espère que le psychopathe abandonnera définitivement l'idée de la suivre. Une partie de la famille de sa mère réside toujours au Mexique, des oncles et tantes avec une flopée de cousins que Yalina ne connait pas. Elle qui n'a jamais eu l'occasion de se rendre sur la terre natale de sa mère, la jeune femme s'y retrouve maintenant contrainte. Elle n'a aucune idée de s'ils voudront bien l'accueillir, juste le temps qu'elle s'installe et trouve du travail. Sa mère a très bien pu leur transmettre qu'elle et son mari avaient renié leur unique fille depuis des années.

Doucement, au fil de ses pensées confuses, Yalina sombre dans un sommeil profond. Elle s'endort et commence à rêver. Une belle journée ensoleillée en bord de plage, sur la terrasse d'un restaurant. Les rayons du soleil réchauffent sa peau et elle peut sentir l'air salé de la mer caresser son visage. La jeune femme tourne la tête pour voir avec qui elle partage une table. Ce n'est pas quelqu'un qui se trouve à ses côtés, mais une silhouette complètement noire. Sans visage, sans vêtements, juste une forme sombre ressemblant à un homme. La peur monte en Yalina alors que la silhouette se lève et que le décor change autour d'eux. La jeune femme est couchée sur un lit, celui de la chambre de motel, sauf que ses poignets sont attachés. La silhouette se tient devant elle, s'approchant centimètre par centimètre alors que Yalina est incapable de crier. Elle sent le poids du corps étranger qui lui écrase la poitrine, son souffle chaud qui lui colle à la peau, puis elle entend sa voix. Celle qui a hanté ses nuits et sa vie pendant de longues années, celle de son agresseur. La silhouette prend soudainement la forme de Mr. L alors qu'il commence à caresser son corps, de la même manière qu'il l'aurait fait lorsqu'elle était enfant. Yalina arrive enfin à hurler dans son sommeil. Ce n'est pourtant pas son cri qui la sort de son cauchemar, mais le bruit de quelqu'un qui frappe à la porte de sa chambre. Elle essuie ses larmes, fixant la source du bruit avec insistance, alors que son cœur palpite à en exploser. Il l'a retrouvée, Darkwaters est là, c'est la fin. Prise au piège dans cette chambre de motel miteuse, c'est là qu'elle trouvera la mort, comme dans un film d'horreur des années 80.

- Oui ? Dit Yalina alors qu'elle sort le taser de son sac.

Aucune réponse. Elle n'arrive même pas à tenir son arme correctement tellement ses mains sont tremblantes. Le vendeur lui a montré comment il fonctionne, mais elle n'a aucune idée de si elle arrivera à l'utiliser en temps voulu. Yalina s'approche silencieusement de la porte, n'entendant plus aucun bruit à l'extérieur, elle colle son oreille contre le battant. Il n'y a pas judas, elle ne peut donc pas voir qui se trouve de l'autre côté. Des coups plus violents secouent la porte, faisant sursauter vivement Yalina qui lâche un couinement incontrôlé. La jeune femme plaque sa main contre sa bouche, empêchant tout autre son d'en sortir. Elle entend alors la clé tourner dans la serrure. La jeune femme recule vivement, les yeux écarquillés par la terreur, brandissant son taser en direction de l'ennemi toujours inconnu. Son stalker ne peut pas posséder la clé de la chambre, c'est le vieil homme du motel qui essayerai de rentrer ? La porte s'ouvre, mais reste bloquée par l'entrebâilleur. Yalina court s'enfermer dans la salle de bain, restant plongée dans le noir, elle a éteint son portable depuis qu'elle a quitté Los Angeles. Elle n'a aucun moyen d'appeler à l'aide, même sa voix est paralysée comme dans son rêve.

- Mademoiselle ? Vous êtes là ?

La voix étouffée par les deux portes qui les sépares, Yalina la reconnaît, celle du gérant de l'hôtel. Malgré ça, son corps ne répond plus, bien décidée à rester en sécurité à l'autre bout de la chambre. Ne l'a-t-il pas entendue lorsqu'elle se trouvait derrière la porte ? La respiration de la jeune femme reste saccadée,    gardant toujours sa main plaquée contre sa bouche pour en dissimuler le son.

- Vous avez oublié votre carte d'identité à l'accueil, je vous la glisse sous la porte. Crie-t-il pour s'assurer d'être entendu.

Yalina attend encore quelques secondes avant d'entendre la porte se refermer et le silence revenir dans la petite chambre. Les néons bourdonnent autant que ses oreilles à l'affût de chaque bruit suspect. Après de longues minutes, elle se laisse lentement glisser sur le carrelage frais de la salle de bain. Elle ne peut pas vivre dans la peur constante, elle refuse de vivre de cette façon. Mais  tant qu'elle sera seule, la situation ne changera pas.

Mortal BondsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant