8. After Dark (2/2)

137 10 0
                                    

La jeune femme perd tout contact avec la réalité pendant un instant. Elle a bien entendu ce qu'il vient de dire, mais se refuse à y croire. Il ne peut pas avoir compris ses désirs alors qu'elle a tout fait pour les masquer. Son égo de mâle alpha doit lui faire penser que toutes les femmes succombent à son charme, il a seulement visé juste pour cette fois. Savoir qu'une fille aussi pathétique est attirée par lui doit l'amuser et Mr. Zintchenko pense surement qu'elle a l'air d'une gamine qui fantasme sur une célébrité. Yalina se force à relever la tête, il n'a pourtant pas l'air de rire.

-          Qu'est-ce qui vous fait dire ça ? Elle avale difficilement sa salive.

-          Vous avez du mal à me regarder dans les yeux, ou en règle générale. Vous vous forcez à rester cordiale. Quand vous me voyez, vous avez l'air d'avoir peur que...

-          Arrêtez s'il vous plait. Murmure Yalina pour qu'il se taise, serrant les poings sous la table.

Elle ne peut pas l'entendre parler d'elle de cette façon. La description de Mr. Zintchenko est juste et elle a l'impression de s'observer de l'extérieur, ce qui n'est jamais un sentiment agréable. Elle a honte. Honte de ne pas être assez forte pour cacher ses émotions, honte d'avoir pensé une seule seconde qu'il pourrait se passer quelque chose entre eux, honte d'avoir été découverte comme une enfant. Ses joues sont roses, des larmes sont prêtes à jaillir de ses yeux et elle tente de les contrôler.

-          Veuillez excuser mon comportement. Je comprendrais si vous ne vouliez plus collaborer avec moi, j'expliquerais la situation à Monsieur Ballard.

Mr. Zintchenko ne dit toujours rien, il ne fait que la regarder alors qu'elle fixe la table entre eux. Yalina n'a aucune idée de ce qui peut se passer dans la tête de l'homme. Il peut tout aussi bien la ridiculiser, qu'aller se plaindre à son supérieur. Dans tous les cas, la jeune femme se sent salie et consternée.

-          Vous m'avez impressionné lors de la signature de contrat, je ne perdrais un élément comme vous pour aucune raison. Et surtout pour quelque chose qui ne se contrôle pas. Sa voix est toujours aussi calme.

Ses compliments lui font du bien, savoir que son travail est apprécié est toujours gratifiant. Ballard ne lui fera pas un sermon et elle ne deviendra pas la risée de son open space. Yalina imaginait déjà la réaction de ses collègues en apprenant qu'elle a eu des vues sur un client.

-          Est-ce que vous pouvez me regarder, s'il vous plait ?

Son cœur bat plus fort, accélérant son rythme et brouillant ses sens. La musique semble disparaitre, les discutions autour d'eux se taisent et tout ce que peut voir Yalina ce sont les grandes mains de l'homme posées sur la table. Elle n'a aucune envie de lever les yeux, elle a beaucoup trop peur de ce qu'il pourrait dire, de ce qu'elle pourrait ressentir à nouveau. La main de Mr. Zintchenko bouge pour l'encourager à le faire et elle s'exécute lentement. Il sourit, d'un sourire sincère qui pique le cœur de Yalina d'une douleur aiguë .

-          De quoi est-ce que vous avez peur Miss Rey Morenos ?

Des images défilent derrière les yeux de la jeune femme. Des scènes violentes et douloureuses, des visages horribles qui la terrorisent et l'empêchent de parler, comme s'ils étaient encore là. Des souvenirs qui la paralysent au quotidien et encore plus quand elle se retrouve seule avec un homme. Yalina agite la tête de droite à gauche en guise de réponse. Comme toujours, il est plus simple de ne rien dire.

-          Je ne compte pas vous blesser, je n'ai que de bonnes intentions envers vous.

Elle n'est pas sûre de comprendre ce qu'il veut dire. Quelles intentions peut-il avoir envers elle, mise à part professionnellement ? Il n'a aucune raison de ne lui vouloir que du bien, les gens comme lui n'ont pas le cœur sur la main, la bienveillance n'est qu'un outil pour masquer leurs vraies intentions. La jeune femme n'en peut plus d'être aussi déboussolée en sa présence, d'avoir le ventre retourné à chaque fois qu'elle doit le regarder ou qu'il ouvre la bouche. C'est épuisant de ressentir un tel manège émotionnel et Yalina ne sait pas si elle peut le faire plus longtemps. Mr. Zintchenko prend doucement sa main dans la sienne, la serrant légèrement comme s'il avait compris qu'elle voulait s'échapper. Ce contact la bouleverse encore plus qu'elle ne l'était déjà, elle sent que ses larmes sont prêtes à sortir et elle s'interdit de pleurer devant qui que ce soit. Yalina arrache sa main à celle de l'homme et se lève rapidement en emportant son sac. Elle croise la serveuse qui allait lui ramener sa boisson, la femme doit reculer vivement pour ne pas que Yalina ne lui rentre dedans en renversant le contenu de son plateau.

Mr. Zintchenko n'a pas essayé de l'arrêter et ne l'a pas suivie dehors. La jeune femme marche rapidement dans la rue, elle contient toujours ses émotions pour ne pas être cette fille dramatique qui pleure à la vue des passants. Elle ne comprend pas comment les choses ont évoluées en ce sens. Tout ce qu'elle voulait c'était ne plus jamais voir cet homme, maintenant il sait qu'elle est attirée par lui. En plus de ça, Yalina a fait ce qu'elle déteste le plus au monde : montrer à quel point elle est faible. Au bord de la crise de panique elle n'a même pas été capable de se défendre ou de lui répondre. La situation ne peut pas être plus catastrophique.

La jeune femme arrive enfin près de sa voiture, elle se hâte pour pouvoir s'enfermer dans l'habitacle et laisser toutes ses émotions sortir. Un papier blanc attire son attention sur le pare-brise, elle pense immédiatement à un prospectus inutile, mais plus elle s'approche moins ça y ressemble. Yalina prend l'objet dans sa main, une enveloppe fermée. La jeune femme regarde autour d'elle, mais ne vois que des voitures sur le parking. Ses pensées s'agitent, qu'est-ce que ça peut bien être ? Et qui a pu poser ça sur son pare-brise ? Elle en oublierait presque la soirée qu'elle vient de passer. Après s'être assise derrière son volant, elle ouvre l'enveloppe.

«  Tu t'es bien amusée avec ton petit ami, Yalina ? »

Son sang se glace, elle sent la terreur sortir de chacun de ses pores, lui provoquant un énorme frisson. Impossible, le stalker n'existe pas. C'est une histoire qu'elle s'est inventée parce qu'elle trouve sa vie trop monotone, parce qu'elle a des problèmes psychologiques non résolus. Elle ne peut pas être suivie par quelqu'un, elle n'avait constaté aucun signe suspect depuis longtemps. Pour elle, cette crise de paranoïa était terminée et cette histoire fait partie du passé. Yalina avait fini par se convaincre qu'elle était totalement folle et irrécupérable. Reconnaitre avoir besoin de soins psychiatriques est plus supportable que d'accepter la présence d'un stalker dans sa vie. La jeune femme voit par la transparence du papier que quelque chose se trouve au verso. Elle retourne, de ses mains tremblantes, le mot pour y découvrir une photo d'elle et Mr. Zintchenko. Celle-ci  été prise il y a seulement quelques minutes, alors que la jeune femme venait de s'installer à table. Yalina doit prendre de grandes respirations pour ne pas s'évanouir, faisant bouger ses mains frénétiquement pour ne pas hurler de terreur. A la place, elle explose en sanglots, pleurant bruyamment en appuyant sa tête contre son volant, ce monde n'est qu'une vaste blague vouée à la tuer à petit feu.

Mortal BondsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant