5. Try Me

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Le miroir de Yalina lui renvoie son image dans la pénombre de sa chambre, à moins d'une heure de son rendez-vous professionnel. Elle s'observe sous toutes les coutures depuis un bon moment, essayant ses potentielles tenues pour l'occasion. Ballard ne lui avait donné aucun détail supplémentaire hormis le terme « impeccable » pour l'aider. La jeune femme n'ayant pas une bonne estime de sa personne, la tache se révèle compliquée. Elle critique son front qu'elle trouve disproportionné, ses seins discrets, ses hanches étroites et sa taille fine, les énormes cernes qui s'étendent sous ses yeux noirs... Yalina a beaucoup de mal à se trouver belle, à se trouver « femme », comparant la plupart du temps son corps à celui d'une adolescente pré-pubère.  Avec ses 1m60 et son visage de poupée, elle ne fait pas ses 24 ans.

Voyant le temps filer, elle jette amèrement son dévolu sur un pantalon droit noir taille haute et une chemise blanche cintrée. Après avoir enfilé ses hauts escarpins Yalina attache ses cheveux noirs en queue de cheval haute, puis prend le soin de coiffer ses petits cheveux en vagues sur ses tempes et de plaquer le reste à la perfection. Elle efface ses cernes à coup de correcteur, coiffe ses sourcils épais, accentue son arc de cupidon, son regard et ajoute de la couleur à ses pommettes hautes. Là, si Ballard ose se plaindre, elle viendra sans son horrible tailleur  au bureau pendant un mois, minimum. Sur la route elle révise mentalement le dossier concerné cet après-midi, au feu rouge on peut la voir en plein monologue et vérifier dans son rétroviseur qu'elle n'a pas de rouge à lèvres sur les dents.

Ballard a donné une adresse à Yalina et lui a dit de monter au 24ème étage de l'immeuble, la jeune femme est une employée performante et par conséquent son chef n'a pas besoin d'être présent pour l'occasion. Une fois en bas du bâtiment, elle ne s'attarde pas et suit les instructions de son supérieur. Elle entre dans un hall gigantesque, composé d'un sol en marbre et autres matériaux couteux qu'elle est habituée à voir dans ce genre d'endroits. Le portier lui indique la direction des ascenseurs et Yalina appuie sur le bouton pour l'appeler.

Dans ce hall immense, chaque bruit de pas résonne facilement et depuis son entrée tout est plutôt silencieux. Jusqu'à ce qu'un homme se fasse entendre en provenance de l'entrée. La voix, particulièrement grave, se rapproche dans le dos de la jeune femme. Bien qu'elle ne comprenne pas un seul mot, il semble parler au portier dans une langue similaire au russe, un frisson lui parcours la nuque. Une immense silhouette se tient maintenant près d'elle. Yalina ne veut pas paraitre impolie, mais ses yeux bougent d'eux-mêmes pour savoir qui se trouve à ses côtés. Un homme d'environ 1 mètre 90, d'environ trente ans, habillé en costume noir, la fixe en retour. Lorsque leurs regards se croisent elle se sent sombrer dans le vide comme dans un rêve, son ventre joue aux montagnes russes et le monde devient vague autour d'elle. Cette sensation Yalina la reconnait instantanément.

-          Bonjour, Miss Rey Morenos.

Cette voix imposante prononçant son nom, son ventre fait encore un looping ou deux avant qu'elle n'ose reporter les yeux sur l'inconnu. Son accent russe n'est que faiblement présent en anglais, il ne sourit pas, mais Yalina sent qu'il est amusé de la voir hésiter aussi longtemps. L'homme tend la main vers elle. Son intuition, qui ne l'a jamais trahie, lui hurle de prendre ses jambes à son cou.

-          Je suis votre client, Neven Zintchenko, enchanté de faire votre connaissance.

-          Moi de même Mr. Zintchenko, merci pour cette opportunité. Dit-elle faussement sereine en serrant sa gigantesque main.

Les portes de l'ascenseur s'ouvrent et ils entrent dans la cabine trop étroite pour deux inconnus. Mr. Zintchenko appuie sur le bouton comportant le numéro 24, comme prévu. Yalina n'ose pas bouger d'un millimètre, ni respirer trop fort, s'agrippant à son sac à main comme à sa propre vie. Lui, sort un peigne de sa poche pour plaquer ses cheveux blonds platine en arrière, puis réajuster sa cravate devant le miroir. Il sent divinement bon. Même si l'espace entre eux est suffisant, elle a l'impression d'être collée à lui, percevant presque sa chaleur corporelle émaner jusqu'à sa peau. Le temps pour passer du rez-de-chaussée à un étage aussi haut est très long, il l'est encore plus lorsque vous êtes complètement déstabilisée.

Mortal BondsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant