Mortal Bonds

9. Holy Death

La pénombre est revenue dans le petit appartement, tous les volets sont à nouveau fermés et les lumières sont éteintes. Seul l'écran allumé de la télé permet de se repérer dans la pièce. Yalina est recroquevillée sous trois épaisseurs de couvertures dans son canapé. Elle s'est réfugiée chez elle depuis la veille et n'a pas remis un pied dehors. Sur la route pour rentrer, la jeune femme avait manqué de foncer dans plusieurs murs, parce que sa vision était brouillée par ses larmes, mais aussi parce qu'elle en avait terriblement envie. Une fois arrivée chez elle, prise de violents frissons, sueurs froides et autres nausées, Yalina s'était retrouvée clouée à la cuvette des toilettes.

Ce n'est pas la première fois que quelqu'un est obsédé par elle. Toutes les émotions et sensations qui se présentent à la jeune femme ont dominées son enfance. Peu après ses 6 ans, son voisin lui a porté un intérêt très spécial. Mr. L a commencé par faire en sorte que Yalina devienne ami avec sa fille, l'invitant presque chaque week-end à dormir chez eux. Il jouait avec elle, la félicitait lorsqu'elle avait une bonne note, la couvrait constamment de compliments et d'attention. Une attitude que le propre père de Yalina n'avait jamais eu avec elle, beaucoup trop occupé à s'abrutir devant la télé, une bière à la main. Mr. L, lui, la ramenait de l'école lorsqu'il allait chercher sa fille et leur payait des glaces ou des bonbons sur la route. Yalina qui était enfant unique dans un foyer froid, avait l'impression d'avoir gagné un nouveau papa et une grande sœur. Ses parents étaient d'ailleurs ravis de ne plus avoir à s'occuper de la petite autant qu'avant. Sa mère travaillait beaucoup pour compenser l'incapacité à garder un emploi, ou à faire quoi que ce soit, de son père.

Jusqu'au jour où Mr. L décida que Yalina et sa fille ne devaient plus dormir dans la même chambre. Le bisou sur le front, pour souhaiter une bonne nuit, se changea en baisers insistants sur la joue, puis dans le cou. Les histoires pour s'endormir ont laissé place aux gestes d'un adulte déviant, déchirant le corps et l'enfance de la petite Yalina. Durant des années elle avait réussi à subir en silence, rendue muette par la terreur, les menaces et la manipulation. Elle n'était qu'une enveloppe de chair, utilisée et réutilisée à outrance. Malgré ses faux sourires n'importe qui aurait pu voir la tristesse derrière ses yeux cernés, vides de sens et d'envie de vivre. Les adultes autour d'elle ne remarquaient pas ou ne voulait pas voir sa détresse. A l'entrée au collège, il planta le dernier clou dans la tombe de la jeune fille, en lui prenant sa virginité. Peu après, Yalina avait accumulé assez d'assurance pour demander de l'aide à ses parents. Son père a fait comme s'il ne comprenait ou n'entendait pas, sa mère a refusé de la croire, la faisant passer pour une menteuse compulsive en mal d'attention.

La jeune femme ouvre son ordinateur, il faut qu'elle en parle à quelqu'un, il faut qu'on la croit et qu'on l'aide. Elle ne peut pas rester silencieuse, elle ne veut pas revivre un cauchemar pareil, impuissante et utilisée au bon vouloir de son bourreau. Pendant son semi-coma de douze heures, Yalina a reçu quelques notifications sur le chat de « SKFC ».

Darkwaters : Bonsoir, j'espère que tout va bien pour toi,  tu es moins présente ces derniers temps.

Coldnightx : J'ai des problèmes IRL et plus aucune motivation pour venir ici.

Darkwaters : Dis-moi si je peux t'aider.

Yalina déballe son sac à son ami, en essayant de n'omettre aucun détail. Elle craint sa réaction, il pourrait tout à fait lui dire qu'elle est folle et que personne n'a de stalker dans la vraie vie. Que ce ne sont des choses qui n'arrivent que dans les films ou les livres. Oejin ne l'avait pas prise au sérieux la première fois qu'elle s'était confiée à elle, c'est pour cette raison que Yalina s'adresse à Darkwaters ce soir.

Darkwaters : Tu as une preuve matérielle maintenant, tu peux essayer de faire quelque chose pour te protéger.

Coldnightx : Je n'ai aucune confiance en la police.