11. Where Is My Mind ?

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Sur un petit nuage euphorique, Yalina reprend le cours de sa journée. Bien que toujours fatiguée, sa motivation et son moral sont plus présents que le matin-même. Ce simple moment passé en la compagnie de Mr. Zintchenko, qu'elle n'arrive toujours pas à appeler par son prénom, suffi à l'apaiser. Elle sait qu'il est dangereux pour elle de s'attacher aux gens, de faire confiance aux hommes aussi facilement. Son comportement envers elle n'est pas inquiétant pour autant, il s'est montré sous son plus beau jour, il serait difficile de ne pas tomber sous son charme. Yalina n'a aucune envie de se prendre d'affection pour lui, son instinct le lui interdit toujours. Sans savoir que ses sentiments sont déjà à un point trop avancé pour les ignorer.

La jeune femme s'installe de nouveau à son poste pour continuer ses tâches de la journée et à chaque fois qu'elle voit Mr. Ballard, elle ne peut s'empêcher de sourire en pensant à leur conversation au restaurant. Et si le russe avait raison sur lui ? S'il voulait vraiment qu'il se passe quelque chose entre eux ? Mr. Ballard est marié depuis plusieurs années, bien que le mariage n'ait jamais empêché personne d'être infidèle, elle doute qu'il passe à l'acte avec l'une de ses employées. Cet homme est beaucoup trop rigide et méticuleux pour faire une erreur pareille. De plus, ils avaient toujours eu des rapports irréprochables, aucune de leurs conversations n'était jamais portée sur leurs vies privées. En fin d'après-midi, Yalina assiste à une réunion qu'il préside et elle a beaucoup de mal à rester impassible, entendant les commentaires de Mr. Zintchenko résonner dans ses pensées.

A la fin de la réunion, la jeune femme retourne à son bureau pour éteindre son ordinateur et récupérer ses affaires. Elle se dit qu'elle devrait en profiter pour mettre de l'ordre dans les dossiers qui s'empilent autour de son clavier. Une autre conséquence de son manque d'efficacité et si elle veut éviter un sermon de son supérieur, elle doit se reprendre rapidement. Soulevant un classeur en haut d'un tas, une feuille glisse et tombe à terre. Yalina le ramasse et se rend vite compte que ce qu'elle tient en main n'est pas un bout de papier, mais une enveloppe. Ses poils se dressent de part et d'autre de son corps, ses yeux cherchent frénétiquement dans l'open space où se trouve la personne qui l'a posée là. Seuls ses collègues sont présents, tous également occupés à ranger leurs affaires. Yalina s'assoit pour ne pas tourner de l'œil, fixant inlassablement l'enveloppe. Comment le stalker a-t-il pu arriver jusqu'ici sans que personne ne le remarque ? Son cerveau tente de comprendre ce qui est en train de se passer, la peur l'empêche d'avoir une suite de pensées logiques. Elle ouvre l'enveloppe, tremblante d'appréhension.

« Je t'ai vue aller au commissariat et je n'ai rien dit. Mais tu es retournée le voir, lui. J'espère que tu ne lui as pas parlé de moi. »

Les yeux de Yalina se remplissent de larmes, car lorsqu'elle retourne le mot, la jeune femme découvre une photo d'elle et Mr. Zintchenko prise ce midi. Cette personne la suit partout, tout le temps. Sa sécurité au travail et auprès de son nouveau protecteur n'était qu'une illusion. Yalina n'est en sécurité nulle part, cette personne ne la laissera pas tant qu'elle n'aura pas eu ce qu'elle veut. Elle ouvre le tiroir de son bureau et jette le mot l'intérieur avant de l'enfermer. Plus jamais elle ne veut trouver et ouvrir une de ces enveloppes blanches. Yalina prend son taser en main et descend les escaliers de l'immeuble le plus vite possible, manquant de se tordre une cheville ou deux, les larmes ruisselant le long de ses joues et altérant sa vue. Une fois au niveau du parking sous-terrain, elle court jusqu'à sa voiture pour s'enfermer à l'intérieur. Après avoir vérifié si son stalker n'est pas sur la banquette arrière à attendre le bon moment pour lui trancher la gorge, comme toujours. Des sanglots bruyants secouent sa cage thoracique, lui coupant la respiration par intermittence. Ce cauchemar ne fait qu'empirer, Yalina est maintenant sure qu'elle doit fuir.

Elle parvient à conduire jusqu'à son appartement, ne respectant ni le code de la route, ni les limitations de vitesses. Abandonner ses chaussures à talons dans sa voiture lui permet de courir plus rapidement jusqu'à sa porte. Une fois à l'intérieur elle doit à nouveau fouiller chaque recoin, couteau en main, pour s'assurer qu'elle est seule. Et après de multiples vérifications obsessives, Yalina se laisse tomber à terre, ses yeux déversant toujours un torrent de larmes qui glissent jusqu'à son cou. Le couteau dans sa main la brule d'une envie que la jeune femme avait presque oublié, taillader ses avant-bras la soulagerait quelques instants de sa douleur émotionnelle. Plus rien n'a d'importance, elle ferait mieux de mourir maintenant de ses propres mains plutôt que d'attendre son exécution. Elle qui a tellement souhaité mourir dans sa vie, Yalina se trouve pourtant dans l'incapacité de passer à l'acte. La jeune femme se fait violence pour écarter ces pensées sombres, elle ne peut pas céder. Penser à Mr. Zintchenko, à Oejin, à Darkwaters l'aide à se calmer et à revenir dans le moment présent. Après tout ce qu'elle a vécu, elle doit survivre une fois de plus. Le meilleur moyen de le faire étant de fuir le plus loin possible de cette ville. La jeune femme allume son ordinateur pour essayer de trouver de l'aide auprès de la seule personne qui est au courant de la situation, son dernier espoir.

Coldnightx : Aide moi je t'en prie.

Un immense désespoir à pris le contrôle de Yalina, l'obligeant à essayer de se réfugier à l'autre bout du pays, chez un homme qu'elle ne connait que d'internet. C'est un risque qu'elle est prête à prendre, son besoin de refuge se faisant plus puissant que sa raison. Elle a beau sécher ses larmes, ses joues sont toujours aussi mouillées et sa respiration ne se stabilise pas. La jeune femme ne veut pas mourir aux mains d'un psychopathe, elle a lu beaucoup trop d'histoires lugubres pour en devenir une. Yalina sait que si elle a de la chance, il la tuera avec compassion et une douleur moindre. Si elle n'en a pas... les possibilités sont infinies et plus sordides les unes que les autres. Parmi toutes les filles de Los Angeles, pourquoi il fallait que ce soit elle ?

Darkwaters : Qu'est-ce que je peux faire pour toi ?

Coldnightx : Le stalker m'a laissé un mot au travail, il faut que je parte, maintenant.

Darkwaters : Fuir ne te serviras à rien, je pensais vraiment que tu le comprendrais par toi-même.

La respiration de Yalina se bloque quelques secondes, ses larmes cessent de couler et elle sent le poids de l'apesanteur l'enfoncer dans le sol. Son cerveau ne percute pas, malgré plusieurs relectures de ses mots. Elle ne peut pas accepter cette réalité qui la paralyse.

Darkwaters : Je te trouve magnifique sur les photos que j'ai prises.

Yalina pousse un long cri d'horreur, déchirant le silence qui l'entourait jusqu'à présent. Darkwaters est son stalker. Il n'habite pas à l'autre bout du pays, il est tout près. Elle aurait dû se fier à son instinct depuis le début, il ne l'avait jamais trompée et une fois de plus, elle ne l'avait pas écouté. La jeune femme avait baissé sa garde trop vite, rassurée par la distance qui les séparait. Ignorant que durant tout ce temps, il l'espionnait et jouait avec elle. Yalina plonge son visage trempé par les larmes entre ses mains. Il a réussi à s'immiscer insidieusement dans sa vie, à devenir proche d'elle au point qu'elle lui fasse confiance. Tous ces moments passés à discuter de leurs vies, il lui avait menti depuis le début, elle s'était jetée dans la gueule du loup sans hésitation. Il a su voir à quel point Yalina est une proie facile. Une jeune femme isolée, sans famille ni amis, dont personne ne viendrait réclamer le corps.

Darkwaters : C'est beaucoup moins amusant que ce que j'avais prévu. J'ai très envie de te rendre visite.

La jeune femme ferme violemment son ordinateur portable, l'envoyant voler à l'autre bout de la pièce, comme si elle éloignait le démon par la même occasion. La terreur la paralyse, assise au milieu de son salon, elle n'arrive plus à se lever. Yalina frappe ses jambes pour qu'elles lui obéissent, elle pleure, elle jure. Comment a-t-elle pu être aussi stupide ? Ces murs que la jeune femme érige autour d'elle pour éloigner les autres n'ont servi à rien. Elle a repoussé tellement de personnes honnêtes dans sa vie, pour finalement tomber dans un piège qu'elle aurait dû voir venir. Le bonheur factice qu'elle a ressenti ces dernières années l'a endormie, lui promettant que le cauchemar était terminé. Tous ses sacrifices auront été en vain. Elle ne connaitra jamais une existence heureuse et paisible, cette vie ne la laissera en paix que lorsqu'elle rendra son dernier souffle.

Mortal BondsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant