Chapitre 71

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Tandis que je mets du cœur à l'ouvrage, je me tourne vers le public, vibrant à son contact. Mais quelle n'est pas surprise !... C'est une blague ! Je secoue la tête comme pour gommer une image forcément fausse dans mon champ de vision. Mon père... mon père est dans la salle ! J'ai pris des drogues hallucinogènes ? En effet, c'est hautement improbable que mon père vienne assister à un concert de métal ! Etant donné notre dernière conversation, il n'y mettrait jamais les pieds, sans prendre au moins une bonne dose de tranquillisant ! Je suis tellement surprise, surtout lorsque j'aperçois un sourire sur ses lèvres, que je termine le concert sans trop savoir comment.

Dès que j'atteins les coulisses je demande à un roadie de permettre à mon père d'y venir. Le temps qu'il arrive, je me tourne les pouces en arpentant la pièce entre les caisses du studio.

Doris a foncé aux toilettes sitôt le concert fini. Adam est en train de vider une bouteille d'eau, et Colin, comme d'habitude, s'attarde sur la scène. Qu'est-ce qu'il aime séduire, celui-là ! Le Colin du boulot et le Colin du groupe sont deux personnes différentes. Quelquefois je me demande si Colin n'est pas atteint de schizophrénie !

Lorsque mon père pénètre dans les coulisses, j'ai le sentiment de redevenir une petite fille. Deux confrontations dans la même journée me semblent dures à gérer. Adam a raison : j'ai pris des décisions, je vis mon rêve, ma passion et j'ai rencontré un homme bien. Je ne m'en sors pas si mal. Il faut juste que je m'en souvienne quand mon père va commencer à vider ses munitions contre moi.

Il s'arrête devant moi, m'observe longuement sans piper mot. Je n'ose pas bouger. J'ai vraiment l'impression d'être une gamine dans ses yeux. Je ne sais plus sur quel pied danser.

Luan : "Quelle surprise !"

Papa : "Tu es magnifique sur scène."

Luan : "Ah... euh... je te remercie. Je ne pensais pas que tu viendrais."

Papa : "J'ai changé d'avis."

Luan : "Merci, papa !"

Il m'attire dans ses bras. Je frise la syncope ou la crise cardiaque, tant mon cœur bat vite. Quand il se recule, il ajoute.

Papa : "Je suis vraiment fier de toi. Tu joues merveilleusement bien. Bon, ce que vous faites je ne l'écouterais pas tous les jours... ça me casse un peu les oreilles, mais je dois reconnaître que tu envoies du lourd."

Dans sa bouche, ces mots sonnent bizarrement et m'arrachent un éclat de rire.

Papa : "Je me suis trompé... Tu t'es accrochée à ton rêve et tu l'as réalisé. Peu de gens ont la force de lutter pour l'atteindre. Tu parviens à en vivre ?"

Luan : "Ce n'est pas encore ça, mais ça commence."

Papa : "Tu as un métier à coté pour subvenir à tes besoins, c'est l'essentiel. Tu es prudente. J'aurais dû ne pas oublier ce détail d'importance. Tu n'agis pas sur un coup de tête."

Colin arrive sur ces entrefaites, se plante à mes côtés et dévisage mon père, peu certain de savoir à qui il a affaire. Hum... ça aussi, j'aurais pu m'en passer !

Mal à l'aise, je saisis la main de Colin dans la mienne et dévisage mon père.

Luan : "Papa, laisse-moi te présenter Colin, le chanteur de notre groupe et... mon petit ami."

Colin ouvre de grands yeux surpris. Il est vrai qu'il n'a pas l'habitude qu'on lui présente une belle-famille !

Mon père le passe au crible. Il me prouve qu'il est ouvert d'esprit. Espérons que mon petit-ami aussi...

Papa : "Enchanté de vous rencontrer, jeune homme."

Il tend la main vers lui. Colin répond aussitôt. Il a l'air aussi à son aise que dans une crèche remplie de gosses braillards.

Colin : "Moi de même, monsieur."

J'ai envie de rire du comique de la situation. Colin me décoche un coup d'œil faussement irrité, avant de me sourire.

Colin : "On dirait que votre fille se paie ma tête. Je suis désolé de son comportement."

Ouille ! Sale con ! Mon père ricane et hoche la tête, dans une espèce de connivence toute masculine.

Papa : "Ça lui ressemble bien. Ma fille doit vous en faire baver ! Elle n'a jamais eu la langue dans sa poche."

Attendez... quoi ? Comment a-t-on pu dériver de cette façon ?

Mon père et Colin m'ont vannée pendant une bonne heure, après ça ! Adam et Doris sont gentiment venus en rajouter une couche. Ma mère n'a pas pris la peine d'accompagner mon père au concert, mais je n'en suis pas surprise. Je sais qu'elle me reproche mon départ. Je suis contente que mon père ait fait le déplacement pour me voir. Ça fait un bien fou d'avoir quelqu'un d'aussi proche de son côté.

Pendant que je discute avec mon père, Colin est appelé par notre producteur accompagné d'un homme que je ne connais pas. Ils discutent à l'écart des autres. Au fil de la conversation, le regard de Colin s'assombrit brusquement. Il tourne la tête vers moi, me scrute de son regard bleu pâle déstabilisant. Je sens au fond de mes tripes que quelque chose ne va pas. Il m'adresse un signe de la main pour que je le rejoigne. J'explique à mon père que je dois m'absenter quelques minutes et fonce sans réfléchir. Colin prend congé des deux hommes et me rejoint. Il passe la main dans ses cheveux. Il semble inquiet ou troublé.

Luan : "Qu'est-ce qu'il y a ?"

Colin : "Viens, faut que j'te parle."

Il n'est pas agressif, il a plutôt l'air angoissé, presque sur le qui-vive. Je le suis sans broncher. Je l'accompagne vers les loges dans lesquelles il nous enferme. Il s'adosse à la porte et plonge son regard opalescent dans le mien.

Luan : "Tu commences à m'inquiéter, Colin. Que se passe-t-il ?"

Il déglutit, glisse une nouvelle fois les doigts dans ses cheveux, puis lâche un soupir.

Colin : "On vient d'me faire une proposition hallucinante !"

Luan : "OK, et ça a l'air de t'emballer..."

Il se pince la lèvre, décolle son dos de la porte et s'approche lentement de moi, comme s'il craignait ma réaction.

Colin : "On vient d'me proposer d'enregistrer un album solo."

IS IT LOVE ? - COLIN : Mélodie du CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant