Chapitre 48

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Luan : "Pourquoi cette date ?"

Ses doigts s'enfoncent légèrement dans mon flanc. Tout son corps a l'air de contracter le moindre de ses muscles contre les miens.

Colin : "C'est le jour où mon petit frère est mort."

Je ressens sa douleur très forte et j'éprouve seulement le désir de le serrer dans mes bras. Je ne peux pas bouger sous son corps pour l'entourer d'amour, en supposant qu'il en ait envie.

Colin : "J'en parle jamais."

Luan : "Tu n'es pas obligé..."

Colin : "C'est bon... C'est toi..."

Sa confession me touche.

Colin : "J'avais 7 ans. Ma mère nous avait emm'nés au parc. C'est une des rares fois où elle s'est comportée comme une mère en nous emmenant jouer."

Il ricane contre mon cou, un rire sombre et sans joie qui me transperce le cœur. Je sens venir l'horreur à des kilomètres et je ne sais pas comment je vais y faire face.

Colin : "Et puis un mec l'a draguée. Elle nous a complètement ignorés les trois quarts de l'après-midi. Comme toujours."

Il reste silencieux et me frôle de ses lèvres, avant de reprendre, quelques longues minutes plus tard.

Colin : "Mon frère était à la balançoire. Je descendais le toboggan. Encore et encore. Un vrai drogué du toboggan. Je l'surveillais pas... J'y ai pas pensé..."

Sa voix s'étrangle. Je glisse mes doigts le long de ses hanches et l'entoure de mes bras. J'ai peur de la suite. Je pressens que celle-ci est douloureuse et difficile pour lui. Je suis en train d'entrer un peu plus loin dans son univers et, pour une fois, j'ai la trouille.

Colin : "Quand j'ai arrêté de descendre ce putain de toboggan, je suis allé le chercher à la balançoire, mais il y était plus..."

Il redresse brusquement la nuque et plonge son regard dans le mien. Ses grands yeux pâles, d'ordinaire si froid, sont ravagés par le chagrin. Je resserre le plus possible la pression de mes bras sur ses reins, pour lui faire comprendre que je suis là, avec lui. Peu importe ce qu'il me révèlera.

Colin : "J'l'ai appelé... J'l'ai cherché pendant des heures. J'avais tellement mal dans la poitrine que j'arrivais pas à respirer. Josh... c'était tout ce qu'il y avait de normal dans ma putain de vie, et d'un claquement de doigts, parce que j'ai pas fait attention... il s'est volatilisé."

Ses yeux se noient dans les miens, à moins que ça ne soit le contraire. J'ai envie de pleurer pour ce petit garçon cherchant son petit frère désespérément.

Colin : "On l'a cherché pendant des jours. On a placardé des affiches avec sa photo. On a interrogé tout l'monde pour savoir si quelqu'un aurait pas vu un p'tit gars avec un pull rouge et une casquette... un pull rouge et une casquette, putain..."

Il se pince les lèvres si fort qu'elles en deviennent blanches. Je ne sens que je pleure que lorsqu'il essuie du pouce une larme sur ma joue. Il m'adresse un regard indéfinissable.

Colin : "Pendant tout c'temps j'ai vécu un enfer. J'dormais plus. J'passais mon temps à le chercher et j'voyais mes parents mourir de l'intérieur, même ma mère. Ouais, même elle. Ils ont retrouvé son corps quelques semaines plus tard, dans un putain d'fossé. Il est mort dans c'fossé, tout seul. Abandonné."

Je me contente de le fixer en silence, buvant ses paroles, pour partager avec lui tout ce qu'il voudra.

Colin : "Les flics ont dit qu'il s'était noyé dans le ruisseau, près du parc, et que ce ruisseau l'avait recraché un peu plus bas... Après ça, ma mère s'est droguée pour oublier, et mon père... mon père a pété les plombs. Il m'tenait pour responsable de sa mort. Il avait pas tort, j'lai toujours pensé moi-même."

IS IT LOVE ? - COLIN : Mélodie du CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant