Chapitre 61

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J'ai raconté à Matt les grandes lignes de ma rupture sans lui en préciser les véritables raisons. Je lui ai seulement expliqué que Colin m'accuse de quelque chose dont je ne suis pas coupable. Il m'a proposé de lui parler pour plaider ma cause mais je lui ai répondu que c'était inutile. Colin ne veut rien entendre.

Depuis plusieurs jours je travaille plus tard parce qu'une fois seule, dans mon appartement, les souvenirs de Colin me submergent et me terrassent. Je joue du piano, mais chacune de mes notes exprime ce qu'il m'inspire. Ma table basse est envahie par des phrases éparses destinées à de nouvelles mélodies. Aucune n'est joyeuse.

Je m'apprête à éteindre mon ordinateur lorsque je reçois un mail de... Colin ! Surprise, je l'ouvre avec hésitation. Ma main tremble sur la souris, même si je suis persuadée qu'il ne m'envoie un mail que pour le boulot ou pour un concert. Ce sont bien ses seules façons de communiquer. J'avale péniblement ma salive puis je lis le message, le cœur battant la chamade.

De COLIN SPENCER à LUAN HAYLEY : "Retrouve-moi au sous-sol de la boîte avant de partir."

Stupéfaite, je relis une deuxième fois le contenu laconique de son message. Colin est toujours très bref, mais là, tout de même !... Il n'est pas un adepte des phrases trop longues. Il préfère les silences explicites. Il préfère qu'on cherche à le comprendre plutôt que d'extérioriser ses émotions comme le commun des mortels.

De LUAN HAYLEY à COLIN SPENCER : "Pourquoi devrais-je me déplacer pour toi ?"

J'envoie ma réponse mais mon cœur continue sa folle cavalcade.

De COLIN SPENCER à LUAN HAYLEY : "Besoin de te parler. Urgent."

Je regarde autour de moi la rangée de box déserts. Il est tard. Le crépuscule a envahi la ville.

De LUAN HAYLEY à COLIN SPENCER : "Mais encore..."

De COLIN SPENCER à LUAN HAYLEY : "Putain, Luan, viens, c'est tout."

Je finis par accepter, idiote que je suis ! Je ramasse mon sac et ferme mon ordinateur.

J'emprunte l'ascenseur, fébrile. Au moment où les portes de la cabine s'ouvrent je suis surprise de découvrir Lisa.

Lisa : "Salut, Luan. Tu es encore au travail ?"

Je suis contente de tomber sur Lisa. Ça fait longtemps que nous ne nous sommes pas vues.

Luan : "Hey, ouais, beaucoup de boulot... Toi aussi, on dirait !"

Lisa : "Ouais. Cette boîte m'en demande toujours plus. J'ai l'impression d'être la secrétaire de tous les étages !"

J'admire Lisa. Elle croule sous les papiers mais garde toujours le sourire.

Lisa : "Tu n'as pas l'air dans ton assiette."

Luan : "J'aurais bien besoin d'une séance psy..."

Un sourire bienveillant ourle ses lèvres. Son œil perçant sonde le mien. Je sens qu'elle est à l'écoute et que je peux me confier à elle.

Luan : "Colin a rompu avec moi. Tu ne le savais pas ?"

Lisa : "Non, je ne savais pas. Je l'ai croisé, il était de très mauvaise humeur. Voilà qui explique tout. Tu es sûre que c'est vraiment fini ?"

Luan : "Colin est toujours de mauvaise humeur."

Lisa : "Même avec toi ?"

Luan : "Merci de retourner le couteau dans la plaie."

C'est agréable d'entendre que lorsque Colin sortait avec moi, c'était un autre homme. Triste d'imaginer qu'il a foutu en l'air toute chance que nous poursuivions notre histoire, sans avoir la moindre preuve accablante contre moi.

Lisa : "Je suis désolée. Je ne souhaitais pas te blesser. C'est peut-être juste un quiproquo."

Luan : "Ouais, c'en est un, mais ça ne change rien maintenant, il ne me croit pas et il a pris sa décision. Quoi qu'il se passe dorénavant je ne suis pas sûre de pouvoir lui pardonner, même s'il regrettait de m'avoir soupçonnée à tort."

Lisa : "Tout le monde fait des erreurs. Ne te fais pas trop de souci Luan.je suis sûre que ça va s'arranger."

Luan : "Oui, c'est vrai, mais à la première difficulté que nous rencontrons, il rompt avec moi. Qu'est-ce que je dois en conclure ?"

Lisa : "Je dirais que vous avez encore beaucoup de chemin à parcourir ensemble, avant d'acquérir la confiance suffisante pour dépasser ces problèmes."

Luan : "Quelle clairvoyance Lisa ! Tu me cloues sur place..."

Elle rigole et repousse une mèche derrière son oreille.

Lisa : "Je te souhaite que ce soit le cas. Vous aviez l'air plus heureux quand vous étiez ensemble."

Je baisse la tête sans répondre. Les portes de l'ascenseur bipent enfin.

Lisa : "Tu fais quoi ce soir ? Je sors, si ça te dit de te changer les idées..."

Luan : "Je ne sais pas... Je t'appelle si jamais je veux te rejoindre."

Lisa : "N'hésite pas, ça me ferait plaisir une soirée entre filles."

J'apprécie ses efforts pour me réconforter. Si elle connaissait le fond du problème elle ne serait pas si sûre que la situation pourrait s'arranger. Mais elle m'a remis du baume au cœur.

Luan : "Je te tiens au courant."

Lisa : "Bon courage, à plus."

__________

Le parking de Carter Corp est sombre. Les néons clignotent. Un moteur de voiture résonne dans les profondeurs du béton. J'avance le long d'une allée, sans avoir où se trouve Colin. Seul le bruit de mes talons qui claquent contre le sol rompt le silence.

J'entrevois enfin une silhouette appuyée contre une berline noire. Sa voiture. Je m'approche aussitôt, en essayant de ne pas courir, tant mon pouls bat de manière désordonnée. Mais je ne suis plus certaine qu'il batte aussi fort seulement à cause de la peur.

Colin porte un costume noir. Sa cravate pendouille négligemment sur son torse. J'entrevois la croix argentée de son collier briller dans la lumière poussiéreuse du sous-sol. Je m'arrête à un peu plus d'un mètre de lui. Une distance de sécurité me semble en effet de mise. Son regard traîne sur mes courbes. Il ne m'a pas observée de cette manière depuis trois semaines. Il a plutôt passé son temps à m'ignorer.

Luan : "Me voilà. Qu'est-ce que tu veux ? C'est plutôt moyen comme lieu de rendez-vous ! On n'est pas des mafieux... Tu aurais pu me demander de monter dans ton bureau."

Colin : "Ici c'est plus tranquille que dans mon bureau."

Luan : "Je t'écoute. Je n'ai pas de temps à perdre."

Il semble soucieux, agacé, et même un brin déstabilisé, mais je n'en suis pas certaine. Lire en Colin est toujours un exercice difficile. Il prend une inspiration, puis lâche tout de go, comme si la force pouvait venir à lui manquer.

Colin : "J'suis désolé..."

Lui ? Désolé ? Ai-je bien entendu ?

IS IT LOVE ? - COLIN : Mélodie du CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant