𝖢𝗁𝖺𝗉𝗂𝗍𝗋𝖾 𝗍𝗋𝖾𝗇𝗍𝖾-𝖼𝗂𝗇𝗊 : 𝖤𝖼𝗅𝗂𝗉𝗌𝖾.

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Le voyage fut une épreuve difficile. Sabri, en proie à son premier vol, a détesté cette expérience. Pendant sept heures, il a pleuré sans discontinuer, remplissant la cabine de ses sanglots. L'épuisement nous guettait, mais nous avons finalement réussi à sortir de cette épreuve. J'ai du mal à imaginer le vol du retour...

Ma venue au Canada, plus précisément à Tofino, m'a rapprochée de mon époux. La vue qui s'offrait à mes yeux m'a émerveillé, alors que la plupart des gens vivaient dans la forêt. L'adresse inscrite sur la feuille indiquait que Kenan était lui aussi de ceux-là. J'ai tenté d'appeler Ayoub pour lui confirmer mon arrivée, mais le réseau était défaillant.

En réalité, j'observais attentivement chaque passant, soupçonnant que c'était lui. La voiture du taxi roulait en direction de sa maison et de mon destin. J'étais à la fois impatiente et anxieuse à l'idée de le revoir. Mais je préférais me remémorer les souvenirs de notre enfance. Comme la fois où il m'a promis qu'il ne m'oublierait jamais. J'ai constaté qu'il n'avait pas menti quand nous nous sommes revus. Il me disait qu'il m'aimait, qu'il trouvait les étoiles belles, qu'on les comptait et qu'on se posait des questions sur leur création. Pourquoi brillent-elles seulement la nuit ? Pourquoi la lune se rajoute-t-elle au ciel en plus des étoiles alors que le soleil suffit pour éclairer le monde ? Pourquoi demain n'existe-t-il pas encore ? Pourquoi est-ce qu'on s'aime autant ? Tout remontait à Allah en guise de réponse. Il avait noué nos âmes pour toujours. En fait, je me suis réfugiée derrière une étoile et je n'ai cessé de dormir avec la nuit.

Zakarya habitait un coin de mes pensées. Mon départ pour voir Kenan a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. J'ai essayé de regarder la situation avec objectivité, mais j'ai réalisé que les yeux sont aveugles, il faut regarder avec l'âme. Tout ce dont j'avais besoin, c'était de lui. Nous étions si heureux avant sa prétendue mort. Cette fois-ci, Zakarya n'a pas voulu comprendre, mais il ignorait que je ne voulais ni haïr ni aimer. En ces temps, je cherche la paix.

Et Kenan n'était pas seulement une personne, il faisait partie de moi, un bout de mon âme, un bout de ma paix. Rien ni personne ne pouvait changer cela.

On était arrivé. C'était une maisonnette en bois au milieu d'un grand espace vert, la température du temps était tiède. Le vent soufflait de temps à autre, les arbres et l'herbe suivait son mouvement. J'avançais en observant les détails du paysage, poussette devant moi et Sabri à l'intérieur qui secouait bruyamment son jouet. Le chauffeur a été gentil de me déposer mes affaires devant la résidence, je l'ai remercier poliment en anglais malgré mon accent désastreux. Il avait compris, c'était l'essentiel. Le moment de vérité était arrivé, j'ai toqué à la porte et j'ai attendu anxieusement environ une trentaine de secondes avant qu'on m'ouvre.

C'était lui, il avait la barbe et les cheveux longs, également une moustache. Son allure n'était pas comme d'habitude, incrédule. Je n'ai pas pu m'empêché de le prendre dans mes bras et de laissé mes larmes s'échapper de mes yeux.

- C'est bien toi, Kenan ? Tout va bien ? Demandais-je d'une voix tremblante.

Il restait silencieux. Le regard perplexe et désorienté. Je me rendais compte que j'allais trop vite et que malheureusement il n'avait aucun souvenir de moi. J'ai pris du recul avant de reprendre la parole.
- Je suis ta femme, et la mère de ton enfant. Dis-je en indiquant Sabri.

- Je n'ai pas de famille. Qui es-tu ?, a-t-il froidement répondu.

Il n'avait plus les cheveux court, maintenant ils étaient longs et désordonnés, il portait désormais des vêtements de chasseur et de grosses bottes. Mais c'était lui, je le reconnaissait.

- Si je t'assures. Tu as survécu à un accident et à un traumatisme crânien mais tu en es ressorti amnésique. Je l'ai appris il y a quelques jours alors que je t'avais cru mort. Tout ça ne te revient pas ? Demandais-je, les yeux remplis d'espoir.

Il me regardait avec hésitation et surprise, puis il a tourné le regard vers Sabir. Il avait vraiment tout oublié, c'était flagrant. Il n'avait plus la même odeur. Oui, il avait complètement changé. Je ne reconnaissai rien en lui. Triste de constater que tous nos souvenirs était en vain.

- Effectivement, j'ai été hospitalisé et je vis ici depuis deux ans. Entrez je vous en prie.

Une sensation de soulagement m'a envahi. Mon âme, enfin apaisée, a permis à mon visage de se détendre. L'intérieur de la pièce était sobre, les murs et le parquet en bois témoignant d'un goût pour la simplicité. Bien que l'espace fût restreint, il était évident qu'il y vivait seul. Cependant, en examinant chaque recoin du salon, j'ai été prise de peur en voyant un trophée d'ours de chasse. Cela ne lui ressemblait pas de posséder de telles choses. Voyant ma réaction, il s'est approché de moi pour s'assurer que j'allais bien. Bouleversée, je me suis assise sur le canapé et il s'est assis à ma droite, inquiet pour moi.
- Eh... qu'est ce qui ne va pas ?

- Rien c'est... c'est ce truc, bafouillais-je en lui indiquant le trophée de chasse, il m'a fait flippée.

- Je suis vraiment désolé madame, je...

Je l'ai fixé dans les yeux, mais son regard n'était plus le même, cette lueur qui autrefois illuminait son regard avait disparu. Il était comme si une autre personne avait pris sa place, un étranger ayant le visage de Kenan que je ne connaissais pas.

- C'est Layal. Je m'appelle Layal.

- Enchanté, Layal.

- Alors, comme ça... tu ne te souviens de rien ?Ni de moi, ni de notre histoire ?

- C'est ça. Je ne me souviens pas vous avoir connu.

Dès ce moment, j'ai compris ce qu'il me restait à faire. Je lui ai tout raconté, émerveillée quand je parlais de lui, enjôleuse en parlant de notre histoire, heureuse en parlant de nos hauts et émue en parlant de nos bas. Mais avant tout, j'étais passionnée par ce que je disais. Notre histoire était belle à en pleurer, belle à en crever. Comme une éclipse totale, notre amour était une union parfaite de deux âmes qui se complétaient et s'embrasaient mutuellement. Nous étions la lune et le soleil, nos âmes et nos destins entrelacés.

Il m'écoutait attentivement, mais son air étonné et légèrement embarrassé me faisait douter. Je ne pouvais pas percevoir une réaction ni positive ni négative de sa part, malgré les mots passionnés que j'avais prononcés. J'ai compris qu'il me fallait être patiente, pour que les souvenirs lui reviennent peut-être. Les choses ne se faisaient pas en une parole ou en un claquement de doigt. J'avais attendu pendant onze ans pour lui avant, et j'étais prête à l'attendre encore toute ma vie s'il le fallait. Mon cœur battait la chamade, tout en sachant que je devais laisser le temps à notre histoire de se réécrire. J'ai regardé ses yeux, espérant y trouver un signe de compréhension ou de reconnaissance. Mais il gardait le silence, comme s'il était perdu dans ses pensées. Finalement, j'ai compris que j'avais mis tout mon cœur dans mes propos, et que je devais être patiente pour voir les fruits de mes efforts.
Je lui présentais Sabri, son fils. Il l'aimait beaucoup. J'avais tant rêvé de ce moment, qu'ils puissent se voir un jour.

- Hey, pourquoi t'as décidé de m'ouvrir la porte ? J'ai réalisé après coup que mes paroles de tout à l'heure auraient pu te faire flipper et te faire croire que j'suis un peu perchée, l'ai-je interrogé.

- Je t'avoue que j'ai écouté mon instinct. J'ai tout de suite senti que tu n'étais pas dangereuse et que tu ne me ferais pas de mal. Et j'avais raison, tu n'es pas folle du tout. J'ai plutôt l'impression que tu me dis la vérité.

- Je tiens à te rassurer, tout ce que je t'ai raconté était la pure vérité, notre histoire à tous les deux n'est pas un mensonge. Et tu dois savoir que mes sentiments pour toi sont toujours aussi sincères et intenses.

- C'est juste que... j'ai besoin de temps, tu comprends ?

- Totalement, je t'attendrais Kenan.

Ce moment fut l'un des plus intenses de ma vie... Mais je n'aurais jamais pu imaginer ce qui allait se passer ensuite.

Al Djihad Of LayalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant