Chapitre 54

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J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps, et même plus. J'ai les yeux secs, bouffis, gonflés, les cils collés, le nez qui coule.

Mon cœur dégouline. Les morceaux sont détruits à jamais. Personne ne pourra les recoller. Mes mains tremblent, j'ai l'impression de devenir folle.

Comment ai-je fait pour ne pas m'en rendre compte ? Comment-a-t-il pu s'emparer de mes sentiments sans mon accord ? Je me sens trahie, il a pris mon cœur délicatement, me l'a volé et a fini par le chiffonner comme une vulgaire feuille de papier.

Je suis en boule sur mon lit, si je pouvais, je mangerais des tonnes de chocolat. Mais il n'y en a pas ici. Il n'y en a nulle part.

Je pleure à nouveau parce que ma planète, mon chez-moi, me manque.

Je suis en colère. J'ai été tellement naïve, envahie par un sentiment nouveau. Un sentiment agréable et chaud qui est devenu glacial et insupportable.

Je me suis laissé faire parce que je lui ai accordé ma confiance trop rapidement, parce qu'il m'a secouru sur Vilaz, j'ai cru à ses bonnes intentions, à ses paroles en l'air, à ses promesses futiles.

Je suis fatiguée. Je suis fatiguée de ses sentiments qui veulent recoudre mon cœur. Pourquoi je ne pourrais pas le laisser à mes pieds et partir ? Pourquoi ne suis-je pas une machine ? Ce serait tellement plus simple. Je ferme les yeux pour me calmer, m'apaiser.

*

Le lendemain, on vient me chercher pour me préparer au dernier Jeu : le combat dans l'arène. Je me laisse habiller par Yoko qui ne comprend pas mon état. Elle ne cesse de parler et je me surprends à écouter ce qu'elle dit pour une fois. Peut-être pour essayer de me détendre, de penser à autre chose qu'à ma rage qui enflamme les restes de mon âme.

J'ai frappé tous les murs de ma chambre sous le coup de la détresse et de la colère. J'ai frappé tellement fort que même Le Raj est venu pour essayer de me calmer. Tout le monde se demande ce que j'ai. Ils me prennent pour une folle, mais pour une fois être au coeur de l'attention ne me dérange pas. Je ne l'ai jamais été lors des précédentes épreuves, mais, maintenant, je me rends compte que j'en ai besoin. J'ai besoin que les autres voient.

Qu'ils réalisent que j'ai beau être délienne, je suis quand même finaliste.

Je veux qu'ils aient peur. Peur de moi, de ma colère, de ma rage. Ils doivent prendre conscience de leur injustice.

Toute seule, je me sens tellement vulnérable et impuissante. Pour survivre et me battre, je soulèverai des montagnes.

Pleurer m'a permis de me relever et de reprendre les armes. Je ne suis pas comme la pluie qui rafraîchit la plaine, je suis l'orage qui renverse tout sur son passage. Je les empêcherai de me faire sentir faible. J'ai peut-être été obligée de participer, mais j'ai choisi la manière dont je me battrais.

Je me suis tu pour avancer, je les ai laissés me perdre. Aujourd'hui, je retrouve mon chemin. Oh non, ils ne m'ont pas vaincu, ils ont attisé ma colère.

Je suis comme le tonnerre.

Il n'est pas question que je m'excuse pour ce que j'ai accompli. J'ai fait ce que j'avais à faire pour survivre.

Et je le ferai encore.

Hors de question de sentir la culpabilité. Le loup ne s'excuse pas quand il chasse. La montagne ne faiblit pas quand la tempête gronde.

Aujourd'hui, je vais survivre. Je ne laisserai rien ni personne m'en empêcher.

Aujourd'hui, je vais me battre.

Les jeux de la couronne. T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant