Chapitre 45

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Je n'ai pas dormi de la nuit. Je me suis levée avant l'aube pour observer le lever de Titan depuis la haute fenêtre de notre chambre. Les couleurs chaudes ont coloré le ciel d'orange, de rouge et de rose, mais mon esprit était rempli d'obscurité. Je suis restée planté devant cette immense ouverture pour réfléchir. Depuis, les doutes m'assaillent, m'empêchent de me concentrer, rendent pénible chaque pensée. Ce matin, nous allons parcourir plusieurs kilomètres pour nous habituer à la navigation céleste. J'ai redouté ce moment depuis que nous avons appris les détails de l'épreuve. Maintenant, je dois le vivre. Mais je n'ai pas peur. Je n'ai juste pas confiance en moi. Comment mon corps va-t-il réagir à la hauteur que je prendrais au-dessus du sol ?

Je respire longuement. Je dois avant tout faire confiance à mon anka. Elle saura me guider.

Je sors du Conseil et regrette l'absence de café sur Ouranix. J'en aurais besoin de mille, ce matin. Les yeux cernés et bouffis par la fatigue, je me dirige vers la plaine des ankas en compagnie de Lindorie, toujours en forme et toujours aussi bavarde.

Il y a du vent aujourd'hui et ma détermination commence à senvoler petit à petit. Hélios nous accueille avec un grand sourire.

— Vous allez vous régaler ce matin. La météo est au rendez-vous ! Montez sur vos ankas !

Je m'assois calmement sur le dos de mon oiseau et attends les instructions du voltigeur.

— Quand vous souhaitez tourner à droite, resserrez votre prise à droite. De même pour la gauche. Si vous voulez aller plus vite, penchez-vous en avant et si vous souhaitez ralentir, redressez-vous. Pour aller plus haut, il vous suffit de donner un léger coup de talon. C'est aussi simple que ça, s'exclame-t-il, tout excité.

Simple ? C'est plus facile à dire qu'à faire ! Mon anka gigote dans tous les sens, pressée de se laisser porter par le vent d'Ouranix. Je lui demande d'avancer d'une poigne plus ferme et nous nous dirigeons vers le bord du plateau de la vallée.

— On va y arriver, ma belle. Tu vas m'aider, hein ? Je te fais confiance. Guide-moi.

Mon cœur creuse un fossé dans ma poitrine à force de battre frénétiquement. J'avale ma salive et alors que tous les autres s'élancent dans les airs, je me penche en avant en donnant un coup de talon et mon oiseau décolle.

Contrairement à mes attentes, un sentiment léger m'envahit tout entière. Je ne regarde pas en bas. Je n'ai pas envie de vomir. Je crois que je comprends pourquoi la confiance mutuelle avec mon oiseau est importante.

A présent, plus rien ne compte que la brise sur mon visage, les plumes de ma belle anka entre mes doigts et le ciel à perte de vue. Le vent joue avec mes cheveux et s'engouffre au creux de ma nuque. Je me sens libre. Libre d'aller où je veux, libre d'être moi-même. Personne ne peut me juger, me dire quoi faire, là-haut. Mon cœur bat calmement, je l'entends, sereine.

Mon destrier céleste vole si haut que j'ai l'impression de toucher les nuages. Elle étend ses immenses ailes et se laisse guider par les courants d'air qui s'offrent à elle. Elle n'a pas besoin d'une boussole, elle sait où aller. Je lui fais entièrement confiance et me baisse de plus en plus pour la mettre au défi d'aller plus vite. J'ai l'impression que depuis le ciel, rien n'a d'importance. Tout me semble parfaitement futile. Tous mes soucis disparaissent avec le tourbillon d'air qui m'appelle d'un cri de liberté. Je le suivrai. Le ciel tout entier m'appartient. Je souris de bonheur et je me rends compte que cela fait une éternité que je ne l'ai pas fait. Des larmes me montent aux yeux.

Je sais que certains candidats m'observent, mais je m'en fiche. Tout ce que je veux, c'est me retrouver. J'ai dû abandonner ma vraie nature pour revêtir une personnalité de battante. Mais dans les airs, je peux redevenir fragile, sensible et rêveuse. Je n'ai pas à camoufler ces aspects de ma personne par d'autres plus dominants, comme la colère ou le ressentiment.

Hélios se rapproche et crie vers moi.

— Je te l'avais dit, Elwing. Tu peux voler !

Je rigole à sa réplique. Cela me semblait impossible et maintenant, c'est un vrai miracle.

— Tu as réfléchi à un prénom ? me demande-t-il.

— Je ne sais pas encore.

— Si toutefois, tu changes d'avis, sache que la cérémonie du nom se fait seulement avec ton anka dans un moment solennel.

Puis il se dirige vers d'autres candidats pour les aider. Arrivés à mes côtés, Arwen me sourit irrésistiblement, Lindorie rit à en perdre sa voix, Nathaniel chante. Les sensations que nous partageons sont uniques.

Loin, derrière moi, Bélèm tangue dangereusement et commence à s'impatienter. Saeros se téléporte loin devant avec son anka. Rassna n'arrête pas d'insulter son oiseau et Sindar serre la mâchoire pour garder son calme.

Daerôn, quant à lui, est en pleine conversation avec Hélios. Il a l'air tellement à l'aise, qu'on a l'impression qu'il discute autour d'une tasse de thé.

Nous avons tous réussi. Mais, pendant la course, les autres auront un avantage sur moi. Ils pourront facilement me disqualifier ou pire me faire tomber.

Ce qui entraînerait une chute mortelle.

Pour faire face à ces futures difficultés, je dois maîtriser parfaitement mon envol. Je vais devoir me montrer plus habile qu'eux. Ils vont certainement se reposer sur leurs capacités plutôt que sur leur vol. Je ferais de leur point faible, mon point fort.

Pour cela, il ny a qu'une seule solution.

Les jeux de la couronne. T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant