CHAPITRE 22

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Nathan

Après la visite de la mère d'Alinta, je me suis mis à cuisiner, un peu par automatisme.

Danny m'a appelé au moment où je finissais la cuisson pour me demander si Alinta avait aimé son cadeau.

– Comment ça tu ne lui as pas donné ? Tu as le traque ou quoi ?

Oui et non.

– C'est compliqué, y a eu un imprévu.

Danny ne cherche pas à ce que je développe et me tiens au courant de ce qui se passe à l'hôtel avec les autres. Je ne regrette pas réellement de ne pas être avec eux. En dehors de Danny et Max, je ne m'entends pas plus que ça avec les autres. Ce sont les seuls qui ne me poussent pas à parler. Notre amitié fonctionne comme ça. Ils parlent et moi, j'écoute.

Danny est en train de me raconter une anecdote sur la production qui s'arrache les cheveux à cause des retards de costumes, quand j'entends un bruit de fracas accompagné d'un cri de douleur. Maya arrive en courant dans le salon et se cache derrière le canapé, tandis que Danny arrête de parler et j'abandonne ce que je suis en train de faire.

– C'était qu...

– Danny, je te rappelle.

Je ne le laisse pas répondre, je me précipite devant la porte d'Alinta, mais j'hésite quelques secondes devant celle-ci.

Est-ce que je ne vais pas empirer les choses en rentrant ?

Je pense à la réaction de sa mère, le manque de soutien évident dont elle souffre, puis je revois son regard quand sa mère à décrédibiliser ce qui lui est arrivée, le même regard qu'elle avait sur son balcon au début du mois... Elle souffre seule depuis des années. Je n'avais pas besoin de l'intervention de sa mère pour m'en rendre compte, mais sa douleur est si silencieuse que je n'ai jamais osé la faire parler. Sauf qu'à cet instant, je ne peux pas la laisser seule.

Si elle se faisait du mal ?

J'ouvre doucement sa porte et la cherche du regard.

Alinta pleure silencieusement sur le sol. Ses mains sont posées à plat sur le sol.

– Alinta ?

Je ne sais pas si elle m'ignore ou si elle ne m'entend pas, mais je ne veux pas l'effrayer et l'appelle à nouveau avant de m'approcher.

– Alin ?

Elle comme à bouger. Lorsque ses mains quittent le sol et je vois qu'elles étaient posées sur des débris de verres.

Non.

Je m'approche et m'accroupis devant elle. J'essaye de garder une distance raisonnable.

– Tu vas te blesser, tu as une balayette ?

– Ce n'est pas grave, dit-elle en commençant à balayer les bouts de verre avec sa main.

Je la regarde quelques secondes un peu à court d'idées. Elle balaye avec sa main, mais ne ramasse jamais les bouts de verre pour les jeter. Elle répète le geste indéfiniment. C'est quand je vois les petites plaies pointer le bout de leur nez sur la main de Alin, que je comprends que les blessures précédentes ne sont pas suffisantes.

Je m'approche un peu plus près et pose mes mains sur les siennes.

– Alin arrête, tu vas te blesser.

Elle arrive à retirer ses mains, mais je les saisis avant qu'elle recommence.

– Laisse-moi, lâche-moi !

Je fais du mieux que je peux pour immobiliser ses mains sans trop forcer pour ne pas l'effrayer ou qu'elle se sente coincée.

– Tu vas te faire mal, tu saignes déjà. Arrête Alin... S'il te plaît.

– C'est le but ! , elle crie. C'est le but...

Elle se dégage à nouveau et cette fois-ci, je la saisis plus fermement.

– Je veux que ça me blesse, c'est le but !

Elle continue de crier cette phrase jusqu'à ce que ça ne soit qu'un murmure.

Elle ravale un sanglot et arrête de se débattre.

– C'est le but...

La voir détruite me brise le cœur. J'aimerais vraiment la prendre dans mes bras et la réconforter, mais je ne sais pas ce qu'elle tolère ou non, alors je me retiens.

Du sang commence à couler de ses mains.

– Viens, on va nettoyer tes mains...

Elle ne se lève pas.

– Bon, je reviens, ne touche à rien, s'il te plait.

Je rentre dans la salle de bain et cherche frénétiquement une trousse de secours ou quelque chose qui y ressemble, mais je ne trouve rien.

Pressé par le temps, je prends juste une serviette et l'humidifie avant de revenir dans la chambre.

Alin n'a pas bougé et contemple les bouts de verre.

– Je vais prendre tes mains, uniquement pour arrêter les saignements, ok ?

Elle hoche doucement la tête et me laisse prendre ses mains. J'enroule la serviette et émets une pression sur sa main pour que les saignements stoppent. Alin reste silencieuse et évite mon regard. Quant à moi, je suis ramené des années en arrière, quand mon père était encore en vie, dépressif, mais en vie. Il avait pour habitude de s'asseoir par terre quand il commençait une tâche basique, mais qu'il n'avait pas la motivation pour la finir. Parfois, il restait au sol des heures, en attendant que je revienne des cours et que je l'aide à s'allonger à nouveau dans son lit.

Alinta me ramène à la réalité en reniflant bruyamment. Une grimace apparaît sur son visage en attendant le son qu'elle vient de faire. Je refoule un sourire parce que je trouve ça mignon.

Elle garde la tête baissée et moi, je la regarde.

– Je n'aime pas comment tu me regardes.

Je hausse les sourcils et essaye de regarder ailleurs.

– Comme si tu avais pitié de moi. Je ne veux pas de ta pitié, d'ailleurs, je ne veux pas de toi ici tout court !

Cette remarque me pique plus que je ne le voudrais, mais mon père disait aussi ça quand je le forçais à manger. Les mécanismes de défenses sont souvent les mêmes, on dirait.

Je maintiens une pression sur sa main et baisse le regard sur celle-ci pour ne pas regarder directement Alin.

– Je ne te regarde pas avec pitié, je m'arrête en plein milieu de ma phrase pour retirer la serviette et voir si les saignements se sont arrêtés. Mais si tu ne veux pas de moi ici, je peux partir ce soir.

En réalité, je serais plus rassuré de passer la nuit ici, mais elle est chez elle et dans son droit de me renvoyer.

Mais, d'un autre côté, je sais que c'est un mécanisme de défense. Ses yeux rencontrent enfin les miens. Ils sont complétement perdus. Alin est perdue.

– C'est ce que tu veux ? Que je m'en aille ?

Elle se remet à sangloter et secoue la tête.

– Non... Pardon, ses paroles sont saccadées à cause de ses larmes. Ne pars pas... S'il te plaît. 

LOVE AND POETRY {réécriture}Where stories live. Discover now