LOVE AND POETRY {réécriture}

CHAPITRE 50

Nathan

Je ne peux pas faire ça. Je ne vais pas réussir à supporter d'être face à la tombe de mon père le jour de son anniversaire de mort. Quand Alin a accepté de m'accompagner, j'étais persuadé que ça m'aiderait. Maintenant que je suis sur le siège passager de la voiture qu'Alin conduit, j'ai envie de me défiler.

On a passé la matinée entière à choisir des fleurs. À chaque proposition de composition de bouquet, je trouvais un détail qui me dérangeait et il fallait repartir de zéro. Alin est restée dans la boutique pendant des heures, sans broncher ou me presser. Elle était là et c'est tout ce dont j'avais besoin. Je voulais que les bouquets soient parfaits, parce qu'il le mérite, mais aussi pour me rattraper de venir aussi peu.

Je jette un coup d'œil au GPS et constate qu'on arrive dans cinq minutes. Je m'enfonce un peu plus dans mon siège en espérant disparaître. Connaissant Alin, elle ne me forcera pas à rentrer dans le cimetière, si je ne le sens vraiment pas. En revanche, si elle constate que j'ai juste besoin d'un coup de pouce, elle me traînera elle-même à l'intérieur. La voiture s'arrête et Alin me regarde. Elle n'a pas besoin de parler pour que je sache ce qu'elle va me demander.

Elle va me demander comment je me sens. Mal.

– J'ai honte. En douze ans, c'est la première fois que je viens le jour de son anniversaire de mort.

– Tu avais besoin de temps.

Douze ans, c'est quand même long pour venir sur cette fameuse date. Je soupire et me passe les mains sur le visage avant d'ouvrir la porte et sortir. Alin contourne la voiture pendant que je prends les bouquets sur la banquette arrière. Elle en prend un et m'embrasse sur le bout du nez.

– Si c'est trop pour toi, on pose les fleurs et on repart, ok ? C'est déjà beaucoup que tu sois là, aujourd'hui.

Je hoche la tête et prends sa main. Comme beaucoup de personne à mon avis, je déteste les cimetières. Le chemin à prendre jusqu'à la tombe de mon père me fiche toujours la trouille et aujourd'hui n'est pas une exception. Quelques minutes plus tard, on arrive devant la tombe de mon père. Ma gorge se noue quand je tombe sur les inscriptions de la plaque.

Edouard Arthur Smith Beloved Father, 1965 – 2011.

Je voulais mettre une photo gravée de lui, mais à l'époque, c'est ma tante qui a pris en charge les dépenses liées à l'enterrement et je n'avais pas l'argent pour le faire moi-même. Aujourd'hui, je pourrais le faire, mais je ne sais pas si c'est une bonne idée.

Je m'avance lentement et m'agenouille pour enlever les fleurs que j'ai fait livrer le mois dernier, et je les remplace par le premier bouquet. Alin s'avance et me tend le deuxième bouquet avant de reculer presque immédiatement. J'ai envie qu'elle reste près de moi, mais je sais qu'elle me laisse du temps seul exprès.

– Salut papa...

À chaque fois que je viens, je sais que j'ai tellement de chose à lui dire, mais ma gorge reste nouée et je finis par fuir comme un voleur. Hier, Alin, m'a suggéré d'écrire une lettre et de la déposer avec les fleurs.

– Vous êtes liés par l'écriture et la poésie, ça allégera ton cœur, tu verras, elle m'a dit pendant que je cuisinais hier.

D'une certaine manière, elle avait raison. Dès que j'ai fini d'écrire ma lettre, je me suis senti un peu plus léger. J'ai parlé de ma culpabilité de ne pas avoir réussi à le garder sur Terre, de mon regret qu'il ne puisse pas voir tout ce que j'ai accompli, notamment la librairie que je veux transformer. Bien évidemment, je lui parle d'Alin, de comment je suis tombé amoureux d'elle en l'entendant parler de ses livres le premier soir que j'ai passé chez elle, et du fait qu'elle représente tout ce que mon père souhaitait pour moi. Le fait que je ne puisse pas les présenter de manière conventionnelle, m'attriste, mais je sais que peu importe où il est, il approuve notre relation.