Le voyage en ferry offrit à Marcus un repos imposé bienvenu, finalement. Le bateau n'était pas le seul moyen pour se rendre dans les bulles dimensionnelles qui longeaient le fleuve Amazone. D'ailleurs, Marcus ne l'avait jamais utilisé jusqu'à ce jour, préférant l'avion... Même si cela signifiait être entouré d'humains. Comme beaucoup de créatures, la majorité à vrai dire, il trouvait que le bateau était un moyen inutilement dangereux à utiliser. À cause de l'eau salée, évidemment.

Les gargouilles ne faisaient pas partie des rares espèces naturellement immunisées, malheureusement. En effet, si de l'eau salée entrait dans leur sang, arrivait jusque dans leur cœur, la plupart des races risquaient d'en mourir. Elles étaient, au mieux, fortement affaiblies au point de s'évanouir pendant plusieurs heures, voire des jours. Malgré des recherches poussées, personne n'avait encore trouvé d'explication à cette réaction extrême. D'ailleurs, on ne s'expliquait pas davantage que quelques races, au contraire, s'épanouissaient dans cet élément. D'ailleurs, cela avait conduit ces créatures à être ostracisées malgré la grande tolérance qui résidait dans Ariman. Cette intolérance poussait les espèces marines à s'isoler davantage et à peu fréquenter les terrestres. Un cercle vicieux se créait alors puisque cette attitude ne permettait à personne de mieux comprendre ces êtres remarquables dont on se méfiait davantage chaque siècle.

Marcus ne se démarquait pas. Il ne méfiait pas seulement l'eau à cause de son caractère mortel pour les surnaturels mais aussi en raison des créatures qui l'habitaient. Certains avaient déjà fait connaître leur présence en sortant la tête de l'eau. De plus en plus fréquemment maintenant que le bateau s'était éloigné des côtes. C'était ici, en plein océan, des kilomètres sous la surface, que se trouvaient leurs bulles dimensionnelles. Nul être en dehors d'eux n'avait posé les yeux sur ces cités sous-marines mais on les disait grandioses et sans égales. La rumeur leur prêtait des couleurs vives et splendides. Marcus y croyait volontiers. C'était dans l'océan qu'on trouvait les plus belles et les plus vives couleurs, après tout. Bien que son pays natal les défiait équitablement.

Marcus se détourna de la mer à perte de vue avec malaise. On ne verrait pas encore la terre avant une journée. Cette perte de temps était malheureuse mais c'était un mal nécessaire. Le prince avait choisi de privilégier la sécurité et la discrétion plutôt que la rapidité. Ce qui avait joué plus en sa faveur qu'il ne l'avait pensé.

Son regard se déplaça vers la protectrice qui s'était imposée dans sa mission. Contrairement à lui qui s'était réfugié à l'ombre, la femelle se prélassait au soleil dans un maillot qu'elle avait acheté sur le navire avec quelques autres vêtements de rechange. La gargouille sourit malgré lui au rappel du tempérament de la femelle. Elle s'était lancée à ses trousses presque aussitôt s'être réveillée. Même pour une femelle de Ariman, cela démontrait une hargne et une détermination impressionnante.

Le sourire de Marcus faiblit alors que son esprit revenait rapidement sur sa mission. Il n'était pas assez arrogant pour rejeter n'importe quelle aide qui se présentait à lui. C'était trop important ! D'ailleurs, la fée noire l'avait bien compris puisqu'elle restait à ses côtés plutôt que de le ramener au siège des protecteurs. Elle avait contacté ses collègues pour une mise à jour et Marcus avait, ainsi, pu parler avec son frère. Valérius, après une réprimande peu enthousiaste, l'avait félicité pour son initiative. Il avait informé qu'il se chargerait, avec le soutien des protecteurs, de l'interrogatoire des gargouilles. Cependant, aucun d'eux n'espérait beaucoup de ses entretiens. Valérius et Léonard Dumaine estimaient que les responsables ne devaient plus se trouver dans la bulle des protecteurs. Marcus avait prouvé qu'ils avaient facilement pu sortir de la propriété. Les protecteurs n'avaient pas cherché à empêcher des gargouilles de sortir. Ils n'avaient eu aucune idée du complot, après tout. Ces entretiens ne leur donneraient pas les coupables tout de suite, malheureusement... Mais ils obtiendraient certainement des noms. Les protecteurs avaient un recensement à jour de la bulle royale des gargouilles... Les absents au siège seraient les premiers suspects et grimperaient en haut de la liste des êtres les plus recherchés par les protecteurs. Ce qui signifiait pratiquement leur perte dans Ariman. Les protecteurs récompensaient toujours généreusement ceux qui leur ramenaient une de leurs cibles. Les récompenses étaient variées... Argents, sorts variés ou même dette reconnue. Certaines créatures en avaient fait leur métier... Les chasseurs de primes de Ariman n'étaient pas à prendre à la légère. Marcus n'en avait jamais connu et en était heureux. On les décrivait comme redoutables et sanguinaires. Ce qui était une excellente chose pour eux dans ce contexte.

Les protecteurs de Ariman, tome 5 : Damnés dans l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant