Le trajet jusqu'à la bulle qui les intéressait n'eut rien de remarquable parce que ce passage était relativement sûr. Les kilomètres qui séparaient l'embarcadère et le village n'étaient rien pour les immortels. Ils pouvaient les parcourir bien plus facilement que des humains avec beaucoup moins de risques, même si le chemin n'avait pas été aussi bien sécurisé. Ce passage principal qui conduisait à plusieurs bulles dimensionnelles était bien banalisé et rien ne justifiait qu'ils s'en éloignent. Ils étaient donc restés sagement sur le chemin, discutant calmement de leur mission choisie.

Franchement, Éléonore n'était pas certaine que ce soit une bonne décision de laisser le prince continuer cette mission. Il prenait vraiment toute cette affaire personnellement. Son jugement était nécessairement faussé. Cependant, il n'y avait aucun moyen que la protectrice parvienne à l'éloigner. Tout ce qu'elle pouvait espérer, c'était qu'il n'aille pas trop loin. Malheureusement, elle trouvait difficile de le dire, de savoir jusqu'où il irait. Son éducation princière lui donnait cette attitude enviable et dissimulait ses sentiments et ses pensées. C'était d'un ton neutre que la gargouille lui avait raconté ce qu'il savait de l'attaque sur leur bulle royale et sur Drael. Ce n'était pas grand-chose pour leur plus grand malheur. Il était toujours très dangereux de se lancer en terrain inconnu. Pourtant, elle ne parvenait pas à s'en inquiéter.

Eléonore savait que la situation aurait dû l'angoisser davantage mais ce n'était pas le cas. Surtout à cause de son partenaire. Elle n'irait pas jusqu'à dire qu'il avait confiance en Marcus. C'était bien trop tôt pour qu'une confiance se soit installée entre eux. Mais, au moins, elle savait que le prince était compétent et puissant. Elle était, au moins, confiante dans le fait que tu pouvais protéger ses arrières. De plus, les antécédents de Marcus, vérifiés par Léonard Dumaine en personne, prouvaient qu'il était loyal envers le clan des protecteurs, Ariman et, bien sûr, à sa famille. Cependant, il y avait ce potentiel. Eléonore s'imaginait bien lui faire confiance. Plus facilement et rapidement qu'avec aucun autre avant. Ce qui lui faisait peur. Or, s'il y avait une chose que Éléonore détestait, c'était bien d'avoir peur.

–Ainsi, Drael est un hybride. Vous l'avez soigneusement caché celui-ci.

–Tu n'a pas l'air surprise dans l'existence d'un hybride.

Eléonore rit librement et se retourna vers Marcus, marchant à reculons.

–Tu crois vraiment que Drael est le seul hybride de Ariman ? Bien que ce soit le seul dont un parent est humain, à ma connaissance.

–Il y a beaucoup d'autres hybrides ?

-Quelques-uns... A notre connaissance. On peut difficilement les distinguer des autres créatures de Ariman, par contre. Les hybrides avec deux créatures comme parents ont tendance à être très puissants et à savoir bien se dissimuler.

-Tu as l'air d'en savoir beaucoup sur eux.

-Nous en avons appris davantage ces dernières années. Déclara Eléonore sans s'avancer.

Le sujet des hybrides leur était resté assez obscure jusqu'à ce que le vampire Nathaniel connaisse sa fin. La découverte des surhumains avait été accompagnée par l'apprentissage approfondi des hybrides. Bien sûr, en tant que protecteurs, ils savaient que les hybrides étaient plus nombreux que les civils le pensaient mais ils n'en avaient pas su davantage. Les notes de Nathaniel, nombreuses, leur en avait appris beaucoup sur les surhumains et les hybrides. A la lecture des horribles recherches de Nathaniel, les protecteurs avaient conclu que les deux étaient presque indissociables. Les couples mixtes qui parvenaient à engendrer des enfants. Les hybrides étaient, donc, devenus des cibles prioritaires à protéger pour les protecteurs.

Les protecteurs avaient compris, contrairement aux civils, que les hybrides (comme les surhumains) étaient l'avenir de Ariman. C'était les surhumains que peu connaissaient encore et leurs enfants qui permettraient au monde de Ariman de grandir mais surtout de perdurer. C'était une plus grande découverte que Nathaniel et l'Ordre de Aramash ne le pensaient. En dehors du clan Dumaine, personne ne le savait mais le manque d'enfants, de nouveaux sangs, commençait à devenir un grave problème. Une vague de lassitude continuait à s'abattre sur leur monde, réduisant davantage chaque année leur population. Trop d'immortels avaient repris leur vieillissement cette dernière décennie et trop peu d'enfants étaient nés pour les remplacer.

Les protecteurs de Ariman, tome 5 : Damnés dans l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant