Une silhouette tremblante s'immobilisa au pied du temple sacré. Le mâle en question sentait naître les premières hésitations. Des mois qu'il préparait ce moment avec son groupe et c'était à l'instant de passer à l'action qu'il voulait abandonner. Le doute l'empoisonnait ce soir. La peur lui disait de reculer. La même peur qui l'avait mis dans cette position. Ses tremblements l'accroissèrent et il dut s'appuyer contre le mur du temple pour se donner le temps de se reprendre. Il ne pouvait pas reculer à cause de cette peur malvenue. De toute façon, les autres ne le permettraient pas. Et, s'il y avait une chance qu'il s'en sorte en passant à l'acte, il n'y en aurait aucune s'il se détournait du plan. Les autres se chargeraient de lui faire payer ça. Ce trait de sa personnalité les avait bien servis jusqu'à présent (c'était ainsi qu'ils avaient réussi à le recruter) mais ils n'apprécieraient pas que cela se retourne contre eux.

Le temple avait des couleurs chatoyantes, renforcées par toutes les fleurs et les plantes qui parsemaient ses environs immédiats. Sa façade était recouverte d'une mosaïque de miroirs. Le temple avait la forme d'une tour... Assez haute pour permettre une vue de toute la bulle, c'était le bâtiment le plus important de la ville. Il surpassait le palais lui-même

Avec une dernière respiration stabilisante, le mâle pénétra dans le temple. Il était encore habité par une peur presque paralysante mais, cette fois, elle ne l'arrêta pas. Sa peur de ses alliés temporaires surpassait celle de son prochain acte impliquait. Il allait commettre tellement de transgressions impardonnables en ce jour. D'ailleurs, à bien y penser, il avait déjà commis la première. Pénétrer dans ce temple était interdit. Même si ce n'était rien par rapport à tout ce qu'il s'apprêtait à réaliser durant les prochaines heures. Son acte de traîtrise, s'il était découvert, lui vaudrait la mort.

Drael passa une main dans ses cheveux mi-longs et se secoua. Pourquoi se souciait-il de ceux qu'il s'apprêtait à trahir ? Son peuple ne lui avait apporté que douleur et tristesse. Sa première forme ne répondait pas à leurs standards de beauté. La première forme d'une gargouille se devait d'être belle, divine même. Drael ne pouvait pas être qualifié de beau, pas avec ses cheveux huileux et son teint cireux. Sa petite taille n'avait fait qu'envenimer ses congénères. Drael haïssait son peuple ! Les gargouilles ne l'avaient jamais accepté, bien contente de le tourmenter. Drael haïssait davantage sa mère pour s'être uni à un humain et pour avoir choisi la mort plutôt que son fils. Aujourd'hui, Drael mettait fin à sa vie de misère ! Il exécuterait fidèlement sa part du plan puis disparaîtrait avec son argent.

Drael était à mi-chemin du sommet du temple. Assez pour surplomber la cité. Il fût un temps, une telle vue l'avait apaisé mais elle avait perdu, depuis longtemps, son caractère béni. Drael ne ressentait que du mépris pour cette cité. Et de la colère, beaucoup de colère. Il regarda la cité avec dégoût.

La cité ressemblait à l'une de ces cités perdues qui étaient dépeintes dans les films des humains. On aurait dit qu'elle avait été bâtie directement entre les arbres géants et les lianes épaisses. Il s'agissait de noyers et de muscadiers qui rendaient l'atmosphère de la bulle chaude et humide. Au ras du sol, les fleurs colorées et les labyrinthes de racines étaient infernaux. Ses sentiments sur le paysage était une autre raison de l'ostraciser. Les gargouilles étaient censés raffoler de cette flore. Les arbres géants étaient un espace de jeux idéalisé par les gargouilles. De son côté, Drael n'avait jamais saisi l'attrait. Il détestait davantage encore ces foutus fleurs ! Les vénéneuses comme les non-vénéneuses. Une chose était certaine lorsqu'il s'installerait, ce serait dans un endroit chaud et sec. Sans orchidées ou ficus. Sans parler de ces maudits troncs d'arbres mangés par les champignons.

Son regard se porta vers l'ouest, vers le palais. D'ici, on ne voyait que son dôme doré tant il était perdu au milieu des arbres. Cependant, comme toutes les gargouilles, il aurait pu le décrire de mémoire. Ce palais avec ses colonnes blanches et ses portes d'or était visité par tous les membres de l'espèce une fois l'an. Il était une source d'émerveillement pour toutes les gargouilles avec ses mosaïques bleues et blanches et son bassin d'eau turquoise. Drael n'avait pas fait exception jusqu'à ce qu'il atteigne sa maturité.

Les protecteurs de Ariman, tome 5 : Damnés dans l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant