Le mouvement le plus prudent à faire avant même l'arrivée de ce groupe avait été de battre en retraite, de fuir. Cet elfe noir, qui qu'il soit, était bien trop puissant pour eux. Ce court combat avait mis en évidence que ce mâle ne mettrait pas longtemps à s'échapper du sortilège de Eléonore. Ça avait été une certitude pour le couple avant même que leur adversaire soit rejoint par ses alliés. Eléonore et Marcus avaient été en mauvaise posture sans ajouter cinq autres ennemis au mélange. Eléonore plissa les yeux, curieuse, alors que les nouveaux venus se positionnaient en demi-cercle devant l'elfe noir que Eléonore avait momentanément battu. Ils le protégeaient ! Ce n'était donc pas n'importe quel chef... Cet elfe noir n'était pas un membre facilement remplacable de l'Ordre, de toute évidence. Il s'agissait de quelqu'un d'importance, un mâle dont Eléonore devait graver les traits dans son esprit.

Ce ne fût que Marcus la tirant par le poignet qui la tira de sa contemplation. Elle suivit simplement le mouvement et rejeta ces Aramashiens en arrière-plan au profit de fuir. C'était le plus important pour le moment. Le clan des protecteurs était fort et puissant pour une raison. Ils savaient choisir leurs batailles. Aujourd'hui, c'était une bataille qu'il fallait fuir ! Elle entendit des mouvements derrière eux, comme si leurs ennemis s'apprêtaient à les prendre en chasse. Ce qui était attendu de ce groupe. Ce qui l'était moins, c'était le rappel de l'elfe noir. Il rappela ses subordonnés d'une voix forte et autoritaire et confirma, ainsi, qu'il était bien leur chef.

-Mais monsieur, c'est une... Entendit-elle.

-Je sais ce qu'elle est ! Elle n'a pas d'importance à l'heure actuelle. Notre mission prime sur une petite protectrice.

Eléonore serra les dents à l'idée d'être considérée comme faible. Pourtant, elle continua à courir. Elle remettait à plus tard sa vengeance. Elle était bien déterminée à se confronter, une nouvelle fois, à ce mâle et à lui prouver sa force. C'était du pur orgueil, elle le savait, mais elle connaissait son défaut et se contrefichait. Elle se vengerait de cet affront.

Après quelques minutes, elle se dégagea de l'étreinte de Marcus pour prendre les devants. Elle ne prit pas le chemin direct au cas où ils seraient suivis malgré tout. Elle fonça vers le refuge des protecteurs. Ils devaient se mettre hors de portée de tout ennemi potentiel. Maintenant ! Ils devaient reprendre leur souffle.

Ils ne ralentirent à aucun moment. La pluie fine mais continue ne les dévia pas de leur objectif. C'était dur. Eléonore glissa un regard sur sa gauche. Capitaine de la garde ou pas, Marcus restait un prince ! Il était un bon guerrier, plus expérimenté que les simples civils, mais son expérience restait simple. Il n'avait pas la même endurance que Eléonore... Il n'arriverait peut-être pas à continuer bien longtemps. Pourtant, il cacherait ses difficultés, elle en était certaine. Marcus continuerait jusqu'à tomber à genoux. Ce fût cette connaissance qui incita Eléonore à, enfin, se diriger vers le refuge.

Ce refuge ressemblait davantage à un cabanon qu'à un abri mais c'était là le but. Cette bicoque n'attirait pas l'attention. Personne ne voulait s'aventurer dans un pareil endroit ! C'était d'autant plus vrai aujourd'hui, après des années d'abandon. La mousse et les lianes de la jungle avaient parasité les murs. Cela ne rendait pas la bâtisse pittoresque. Au contraire, le temps l'avait rendue lugubre et presque effrayante. Pourtant, de l'avis de Eléonore, cela leur servait bien.

Finalement, ce fut une heure après cette rencontre que Marcus claqua la porte du refuge derrière eux. Enfin, ils étaient en sécurité ! Marcus, haletant, déplaça rapidement son regard à travers l'unique pièce du refuge inutilisé des protecteurs. L'épaisse poussière gêna son nez sensible, Marcus se retint difficilement d'éternuer. Étant donné l'équipement et le mobilier des lieux, ils ne pourraient se reposer que sommairement. Il n'y aurait rien d'autre à faire autre que se reposer.

Marcus posa les yeux sur la femelle qui se tenait maintenant immobile au milieu de la pièce. La fée noire avait les poings serrés, de toute évidence furieuse. Sa véritable forme se dévoila alors que ses ailes de papillon se révélaient dans toute leur gloire. Déployées de toute leur longueur, ces ailes marquaient toute la puissance de la fée noire.

Marcus soupira et, dans un premier temps, ne tenta pas de s'approcher de sa compagne. Il commença plutôt à déballer le ravitaillement de son sac.

-Ne rabâche pas ce combat. Viens plutôt manger, Eléonore.

La femelle glissa un regard de biais vers le prince avant de rejeter la tête en arrière et de respirer profondément pour se calmer. Ce n'était pas la première fois que Marcus se disait qu'elle était magnifique lorsqu'elle était en colère.

Une fois qu'elle eût contrôlé son tempérament, la jeune femme vint s'installer face à Marcus, en tailleur sur le sol. C'était la position la plus confortable qu'ils puissent choisir. En effet, il n'y avait ni table, ni lit. Un comptoir marquait le coin cuisine qui ne se démarquait qu'à cause du simple évier. Il y avait bien deux chaises contre le mur qui semblaient en trop piètre état pour s'y installer. Donc, oui, s'installer sur le sol poussiéreux était la meilleure alternative. Eléonore s'empara, sans un mot, de la ration que lui tendait Marcus. Les rations étaient des biscuits de riz et de miel, sous la forme d'une petite brique. C'était, en réalité, plus insipide que ne le sous-entendait les ingrédients. Cependant, c'était nourrissant et cela remplissait l'estomac ; c'était tout ce qu'on demandait aux rations.

Le silence perdura sans que l'un d'eux ne le brise. L'amour, c'est aussi respecter les limites de l'autre. Or, Marcus avait bien compris que Eléonore avait besoin de ce moment de calme. Qu'elle rumine ou non encore ce qui s'était passé plus tôt avec cet elfe noir était hors de propos. Il lui laisserait ce moment et, au moment de partir, son esprit serait de nouveau pleinement concentré sur leur mission. Marcus dirigea son attention vers la seule fenêtre de la bicoque en se disant qu'ils auraient certainement besoin de toute leurs forces et concentrations lorsqu'ils arriveraient à destination. Un autre ennemi les y attendait certainement déjà.

Lorsque son attention revint vers sa destinée, ce fût pour la trouver en train de le fixer, les yeux presque brillants.

Les protecteurs de Ariman, tome 5 : Damnés dans l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant