Marcus aurait aimé, en quelque sorte, ne jamais remettre les pieds dans la bulle royale des gargouilles. Le prince s'était attendu à un triste spectacle. Il ne pouvait en être autrement puisque la cité avait été laissée à l'abandon à la suite de l'attentat. Personne n'avait pris la peine de rétablir la bulle dimensionnelle.

Oui, la bulle dans son ensemble parce que dans l'année qui avait suivi la désactivation des protections, la bulle dimensionnelle avait cessé d'exister. Ils avaient, d'ailleurs, de la chance de retrouver quoi que ce soit. La plupart du temps, lorsqu'une bulle dimensionnelle s'effondrait, cela signifiait purement et simplement la disparition et la destruction de tout ce qu'elle renfermait. De nos jours, les bulles dimensionnelles se superposaient souvent à un autre espace où des constructions humaines avaient été établies au fil du temps. Aussi, dans la cas où une dimension de poche venait à défaillir, c'était bien sûr les constructions humaines, dans la "réalité", qui avait la priorité ; aussi, comme deux espaces ne pouvaient pas coexister sur le même plan, la petite dimension disparaissait simplement de l'existence. Cette tragédie était rarement arrivée dans le passé mais c'était arrivé, entraînant des centaines de morts parmi les surnaturels. Heureusement, ce n'était pas arrivé à la dimension royale des gargouilles. La raison était simple : Il n'y avait pas de construction humaine à des kilomètres à la ronde. Tout ce qu'elle renfermait avait pu apparaître, sans trop de dommages, dans la réalité. Ils avaient évité une plus grande tragédie sur ce coup-là !

Cela ne signifiait pas que les constructions de la dimension de poche n'étaient pas apparues sans dommage, effectivement. Ajoutez à cela les dommages du temps et des intempéries et ce qui restait de l'ancienne bulle était méconnaissable. C'était le coeur gros que Marcus guidait Eléonore à travers ce qui aurait dû être des rues pavées mais qui n'était plus que des chemins de terres et de végétations. Les habitations n'avaient certainement pas été épargnées. Les points les plus vulnérables avaient été détruits et la flore (et même la faune, d'ailleurs) avaient commencé à envahir l'ensemble de ces constructions. Vraiment, la cité était à peine reconnaissable à présent. Marcus aurait préféré vivre dans l'ignorance de ce qu'elle était devenue. Il n'y avait aucun moyen que leur dimension puisse être rétablie et habitée. Bientôt, elle n'existerait simplement plus que dans leur souvenir. Son foyer allait lui manquer.

Eléonore lui avait jeté un bref regard, comme si elle devinait où s'égaraient ses pensées et ses émotions. Malgré tout, un regard sur le stoïcisme que le prince affichait l'avait incitée à ne rien commenter. Ce fut, donc, dans un parfait silence qu'ils s'avancèrent en direction du palais. Sans rencontrer âme qui vive ! C'était un point qui déplaisait tout autant à Marcus qu'à la protectrice. Selon leur point de vue, à tous les deux, c'était loin d'être une bonne chose ! Des comploteurs étaient censés être déjà présents... Étaient-ils déjà arrivés jusqu'aux deux femelles royales ?

Personne n'avait dû remettre les pieds ici en dix ans. Il n'y avait pas d'intérêt à le faire jusqu'à ce que le délai du Figement se soit écoulé. La reine et son héritière n'avaient pas échappé au changement en pierre mais elles étaient hors d'atteinte. Tous les acteurs dans cette tragédie en étaient conscients, spécialement les comploteurs et les protecteurs. Ceux-ci savaient qu'à la disparition des protections principales de la bulle dimensionnelle, d'autres plus minimes s'étaient déployées pour protéger les deux femelles les plus importantes de la race. Les lieux où elles se trouvaient (les appartements royaux), avaient été verrouillés et occultés. Bien que pas assez vite pour leur épargner dix ans d'immobilisation. Lorsqu'elles s'étaient réveillées, les deux femelles avaient dû lever manuellement une première série de sécurité. C'était le protocole dans ce type de situation. Tout comme le fait d'attendre jusqu'à quinze jours les secours appropriés et approuvés avant de forcer les dernières sécurités. Et bien sûr, ils devaient tous prendre en compte cette histoire de lune et la sécurité qui reposait sur elle.

Les protecteurs de Ariman, tome 5 : Damnés dans l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant