Eléonore fut soulagée d'entendre la porte claquée derrière elle. C'était un soulagement d'avoir la confirmation que Marcus lui faisait assez confiance pour suivre ses instructions. Malgré tout, elle ne se relâcha pas. Elle garda sagement sa position défensive, prête à passer à l'attaque à tout moment. Les plus inconscients auraient pu penser que ces nobles face à elle n'étaient pas une menace. La fée noire ne ferait pas preuve de cette idiotie ! Les créatures les plus puissantes en termes de magie étaient souvent les plus riches. Au cœur de Ariman, les deux allaient souvent de pair. Si un être était riche, cela signifie qu'il s'était hissé à un rang élevé par sa seule force magique ou physique... si ce n'est que les deux. Ce n'était que dans ce cas que l'on devenait quelqu'un à Ariman. Même les protecteurs, le clan aussi réduit fût-il, ne faisait pas exception. Ils n'avaient pas grand-chose en commun avec la plupart des nobles des autres clans, certes. Ils étaient restés des êtres humbles et des guerriers. Pourtant... Ils avaient une puissance égale sinon supérieure à tous ces nobles que la plupart des surnaturels apprenaient à craindre, sinon à se méfier.

Eléonore, donc, savait en partie à quoi s'en tenir vis-à-vis de Hassin et ses alliés. La protectrice savait mieux que sous-estimer ses adversaires. La fée noire veilla à ne pas les quitter des yeux, attentive à outrance. Elle ne voulait manquer aucun détail de leur mouvement. Dans un combat, le plus petit détail pourrait déterminer l'issue de tout le combat.

Eléonore ne bougea pas pour attaquer, cependant. Elle ne savait rien de la véritable puissance de ses ennemis. Dans ce cas de figure, il valait mieux laisser les premiers mouvements à ses adversaires. Pour les jauger, pour analyser leurs forces et leurs faiblesses. Lorsque des combattants s'affrontaient pour la première fois, ce n'était jamais celui qui portait le premier coup qui avait l'avantage. Le prochain combat de Eléonore ne ferait pas exception : ce serait le plus nerveux et impatient qui perdrait l'avantage. Heureusement, elle était une protectrice depuis de nombreuses années déjà. Loin d'être novice, elle savait prendre son temps et régner sur ses sentiments.

En vérité, elle était assez confiante malgré toute prudence. Il était évident au premier regard que ces gargouilles ne fonctionnaient pas bien en groupe. Ces êtres ne sauraient combattre en équipe. Il était inévitable que cela leur fasse défaut. Ils allaient se gêner pendant le combat. D'autant plus, qu'il n'existait aucune confiance entre eux. C'était un autre avantage non-négligeable pour la protectrice. Ces gargouilles étaient individualistes. Chacune d'elles ne penserait qu'à sauver sa propre peau et penserait à peine à leurs alliés, si ce n'est pas du tout.

C'est pourquoi Eléonore ne fut pas prise au dépourvu lorsque la seule autre femelle de la pièce souffla un jet de flamme dans sa direction. Eléonore bougea pour s'écarter avec adresse de l'attaque. Bien que cela n'aurait pas été utile... L'attaque ne l'aurait pas touchée : elle s'épuisa avant d'atteindre son ancienne position. La femelle ne serait donc pas particulièrement dangereuse pour la fée noire. Elle était trop impatiente et manquait de puissance... Et d'imagination puisque les sortilèges d'incendies étaient la prédilection des gargouilles. Ils aimaient les utiliser. Beaucoup trop.

Eléonore vit clairement le regard d'acier que le conseiller dédia à la femelle pour leur avoir fait perdre l'avantage. La femelle tressaillit mais ne se lança pas moins dans un combat physique contre la protectrice. Une pure folie ! Il aurait déjà été fou, pour elle, de défier la fée noire via la magie mais s'engager dans un combat physique impliquait une inconscience quasi suicidaire. Une gargouille, quelle que soit sa puissance magique, ne faisait pas le poids contre une fée noire dans un combat au corps-à-corps, même sous sa forme bestiale comme l'était actuellement la femelle gargouille.

Les yeux vifs de Eléonore suivirent, sans difficulté, le déplacement, pourtant instantané, de la femelle. La protectrice se décala simplement d'un demi-pas et intercepta son agresseuse d'une main autour de la gorge. Elle la plaqua ensuite au sol dans un mouvement continu. La force du coup lorsque la protectrice plaqua son ennemie contre le carrelage acheva de voler le peu de souffle que la poigne de Eléonore lui accordait. La combattante imprudente tomba inconsciente dans la seconde.

Les protecteurs de Ariman, tome 5 : Damnés dans l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant