Chapitre 40 : De la condition de la femme

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Spring Valley sombrait lentement sous les vents et la fraîcheur des derniers jours de novembre. Les habitants troquaient leurs vieilles guenilles contre des paires de chaussettes épaisses, et les enfants commençaient à porter leurs premières moufles. Le temps était à la mélancolie, à l'introspection, et parfois même à la tristesse. Pourtant, Faye n'avait pas eu le loisir de se pencher sur ces émotions. Elle n'avait pas ressenti de mélancolie depuis plusieurs semaines, ni même de tristesse. Elle avait d'autres priorités et concentrait ses dernières forces dans les ultimes finitions de l'école. L'institutrice ne voulait rien lâcher, quitte à mettre sa vie de côté pour atteindre ses objectifs.

Ce jour-là, le ciel était nuageux, et les grands nuages blancs semblaient sur le point de se déverser. Faye leva la tête vers le ciel menaçant, et grimaça en réalisant que les dernières finitions allaient certainement être compliquées.

Nettie s'affairait à peindre les planches de bois d'un beau vert soigneusement choisi par Faye. Sophia, quant à elle, fixait la rampe de l'escalier menant à la porte d'entrée. Daisy était en charge de l'aménagement intérieur de l'école.

Faye se tenait à l'extérieur, observant fièrement l'établissement qu'elles avaient construit de leurs propres mains. Un sourire soulagé s'afficha sur ses lèvres. L'école était presque terminée, et tout cela n'aurait jamais été possible sans l'aide de ces femmes si courageuses.

Elle saisit soigneusement un pinceau, le trempa dans la peinture verte, et alla se positionner aux côtés de Nettie pour accélérer le processus.

- Avec un peu de chance, nous aurons fini avant que l'orage n'éclate. Dit Faye en donnant de grands coups de pinceau sur les planches de bois.

- Je n'en suis pas si sûre... Répondit Nettie alors que le tonnerre commença à gronder.

Dans un élan complice, les jeunes femmes accélérèrent leurs mouvements. Elles ne pouvaient pas se permettre de voir les intempéries retarder les travaux, et Faye n'était pas prête à l'accepter.

- Au moins, nous avons un toit pour nous abriter ! S'exclama Sophia au loin, essayant de fixer la satanée rampe qui lui donnait du fil à retordre.

- Ce ne sont pas quelques gouttes de pluie qui vont me faire peur ! J'ai tellement rêvé de ce moment ! Ajouta Faye.

Les quatre femmes se hâtèrent, chacune sur sa tâche respective. Elles pestèrent lorsque l'orage éclata, et que de fines gouttes de pluie commencèrent à marteler le sol de la prairie.

- Nous allons être trempées si nous continuons, Faye. Nous risquons d'attraper la mort ! Il est préférable que nous nous abritions jusqu'à ce que l'orage passe. Déclara Sophia en haussant la voix pour se faire entendre à travers la cacophonie des grondements.

Faye n'était pas d'accord. Elle refusait de se laisser déstabiliser par les intempéries. Sous la pluie, la neige ou le vent, cette école verrait le jour, coûte que coûte. D'un geste de la main, Faye s'essuya le visage dégoulinant d'eau, et secoua la tête :

- Allez-y sans moi. Je veux finir cette école.

Elle reporta son attention sur la peinture verte qui menaçait dangereusement de couler. Ses amies firent des moues contrites. Elles savaient bien que Faye ne les écouterait pas, mais elles devaient au moins essayer. Il était difficile de faire entendre raison à Faye Chaney, d'autant plus lorsque cela touchait à quelque chose qui lui tenait à coeur. Au même moment, Daisy sortit en furie de l'intérieur de l'école, tout en s'exclamant :

- Vous n'avez pas entendu le tonnerre ? Rentrez, vous êtes déjà trempées !

- Je ne rentrerais pas. Cette école est mon seul et unique but dans la vie. Je veux aller au bout de ce projet... aujourd'hui, comme il était prévu. Répondit Faye.

Le blizzard a cédé sa place au printemps (TOME 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant