Chapitre 31 : Car rien ne peut nous arrêter

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Assise à l'une des tables de la salle de restauration du Café, Faye Chaney était penchée sur quelques feuilles légèrement froissées. Elle tenait un crayon dans sa main gauche et une règle dans sa main droite. Ses lèvres étaient pincées et elle semblait concentrée sur les papiers qui captivaient toute son attention.

Cela faisait maintenant deux jours que Faye s'installait à la même place, avec les mêmes documents, le même crayon et la même règle. Elle restait là, attablée, pendant des heures à remplir des dizaines de feuilles qu'elle finissait par chiffonner. Rien n'était jamais assez bien pour Faye - jamais à la hauteur de ses attentes. Elle n'avait pas réellement anticipé les difficultés que ces plans pour l'école engendraient, ni les regards méprisants que lui lanceraient les fervents opposants de son projet. Pendant de longues heures, Faye se retirait  dans sa bulle, oubliant le monde qui s'agitait autour d'elle et se concentrait sur la mine du crayon qui caressait chaque grain de papier avec délicatesse. Dans sa tête, elle ne cessait de calculer : les longueurs, les proportions, les dimensions. Tout était passé au crible, Faye ne voulait rien laisser au hasard.

Par moments, elle remarquait les regards indiscrets des clients attablés à proximité du Café. Certains semblaient même se moquer de ses dessins, ce qui ne faisait qu'attiser sa colère. Elle n'était peut-être pas une architecte dans l'âme, mais elle allait leur prouver qu'avec persévérance et résilience, tout était possible. Elle recommença son croquis pour la trentième fois, calmement, faisant glisser la mine de son crayon sur le papier épais que Gordon lui avait fourni. Elle calcula la longueur de l'école : Vingt mètres, cela devrait être amplement suffisant. Puis elle détermina la largeur : Dix mètres. Elle reporta ces dimensions sur le papier, inscrivant ensuite l'emplacement des portes et des fenêtres. Son dessin n'était pas d'une grande netteté, mais cela n'avait pas d'importance.

Son amie Nettie passait devant elle de temps en temps lorsqu'elle servait les clients, s'arrêtant systématiquement à ses côtés pour observer l'avancée des plans. Cette fois-ci, la jeune serveuse jeta un coup d'œil par-dessus l'épaule de Faye pour voir où elle en était, et Faye soupira :

- C'est vraiment mauvais !

- Je ne suis pas d'accord ! Ce n'est peut-être pas parfait, mais c'est tout à fait lisible. Répondit Nettie avec son ton amusé habituel.

- Oui, mais ce n'est pas parfait. Et cela me préoccupe.

- Ne soyez pas trop dure envers vous-même, Faye. Personne ne peut exceller dans tous les domaines... Vous avez également le droit d'avoir des points faibles.

L'institutrice fit la moue pour répondre à Nettie. Elle détestait se sentir ignorante face à un sujet - et c'était précisément ce sentiment désagréable qui la parcourait.

- Ce n'est pas dans mes habitudes de renoncer. Même si je dois y passer toute la nuit, je finirai par concevoir les plans les plus brillants qui soient. Déclara-t-elle avec détermination.

- Très bien... Soupira Nettie en levant ses yeux au ciel, exaspérée. Voulez-vous que je vous rapporte quelque chose à manger ? Vous n'avez rien avalé de toute la journée !

- Je ne peux pas résister au délicieux chili con carne de Gordon ! S'exclama Faye en riant.

- Avec une part de tarte aux pommes ?

- Le chili sera amplement suffisant, Nettie.

La serveuse acquiesça et se faufila entre les tables pour disparaître derrière l'épais rideau rouge qui séparait la salle de restauration de la cuisine. Faye souffla et se reconcentra sur les fines lignes qui habillaient la page blanche. Elle s'appliqua à améliorer le dessin, à affiner les contours et à recalculer chaque dimension.

Le blizzard a cédé sa place au printemps (TOME 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant