Dead Girl's Diary

24 : Repos éternel

Au beau milieu de la nuit, le téléphone de Victor a sonné. Celui-ci s'est réveillé en sursaut. Il a regardé autour de lui, son regard s'habituant à l'obscurité du crépuscule.

« I Wanna Be Yours » résonne dans la chambre, Victor ouvre brutalement les yeux comme s'il venait d'être violemment percuté par un souvenir. Ce n'est pas possible que ce soit elle. Quelqu'un a trafiqué le téléphone. Victor a peur de regarder l'écran qui crée un halo de luminosité sur le plafond de la chambre. Il tourne les yeux vers l'appareil, une goutte de sueur froide coule sur sa tempe, et le prénom Billie s'affiche sur l'écran du cellulaire.

D'une main tremblante, Victor attrape son téléphone et décroche. D'une voix fébrile, il prononce : « Allo ? »

Sa surprise s'intensifie quand il entend quelqu'un répondre. Tout d'abord, il y a un grésillement, puis petit à petit, une voix se fait entendre. Comme si elle sortait tout droit des ténèbres, comme si la personne de l'autre côté du fil était complètement perdue dans le néant, comme si elle vivait le plus terrible des cauchemars.

— Il fait noir, je ne vois plus rien. Suis-je devenue aveugle ? Je ne sais pas où je suis, j'ai froid, j'ai si froid.

— Billie ? questionne fébrilement Victor.

— Victor ?

Le jeune homme écarte le combiné de son oreille, la voix fluette de Billie le paralyse, il ne sait pas s'il a envie de l'entendre ou non. Il pense devenir fou.

— Tu es morte, Billie. Endors-toi. Je fais ce qu'il faut.

— Victor ! J'ai peur ! J'entends la voix de l'autre au loin ! Il va m'attraper ! s'écrie Billie. Victor ! Il fait sombre. J'ai froid. J'ai mal. J'ai si mal.

Victor ferme les yeux avec force, crispe sa mâchoire et tente de garder son sang-froid. Il réitère ses propos, il explique qu'il compte se charger de tout et qu'elle n'a pas à s'inquiéter. Le jeune homme ne sait pas s'il devient fou ou si cet événement est bien en train de se produire. Il est seul dans sa chambre en pleine nuit, il est à deux doigts d'aller visiter la morgue, pour vérifier si Billie est bien morte. Mais il se rend à l'évidence, car il l'a vu allongé par terre, le visage blafard.

— Billie, il faut que je raccroche maintenant. Je t'aime.

L'appel se coupe, Victor entend une tonalité sourde de l'autre côté du fil. Visiblement, Billie a raccroché la première. Difficile pour le jeune homme de se rendormir, les bras de Morphée semblent tellement loin, il n'a pas la force de les rattraper. Il attend désespérément le prochain nuage pour l'emmener au pays des rêves, avec l'espoir de revoir Billie, même si elle n'est qu'illusion.

Victor reste éveillé une bonne heure avant de s'endormir, et de se réveiller à nouveau au petit matin, comme un nourrisson qui émerge d'un sommeil de fer.

La première chose qu'il fait, c'est allumer son téléphone pour vérifier le dernier appel dans sa liste, c'est Billie, évidemment. Avec un peu plus de lucidité, Victor pense à un canular de très mauvais goût. Mais certaines choses, il n'y avait que Billie qui les connaissait, et pourtant, la personne qui parlait semblait les connaître aussi.

Le père de Billie, l'autre, a été jugé innocent car il a un alibi, et un alibi en béton, couvert par sa nouvelle petite amie, beaucoup trop jeune pour lui. Victor le savait, il savait que malgré sa folie, cet homme n'avait pas tué sa fille. S'il l'avait fait, le meurtre aurait été encore plus sordide. Il ne se serait pas contenté seulement de Billie, il aurait éliminé toute la famille Mars. Et rongé par la culpabilité, il se serait donné la mort ensuite.

Victor se regarde dans le miroir de sa chambre après avoir enfilé son costume noir. Il a reçu ce costume à un de ses anniversaires, il était trop grand pour lui à l'époque. Aujourd'hui, il lui va bien. Il ne l'a jamais mis pour aucun événement, et il était loin de penser l'enfiler pour l'enterrement de sa copine.