13 : Tape dans le ballon, joli garçon

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23 septembre

Je suis arrivée au lycée et j'ai attendu devant la salle de Monsieur Morana. Je serrais dans ma main la sangle de mon sac à dos dans lequel j'avais soigneusement plié le pull de Victor.

Il est arrivé avec ses potes, je n'ai pas trop osé lui parler. On est entré dans la salle et je suis partie m'asseoir à côté de Darell vu qu'Amandine était à côté de Barbara.

— Tout va comme tu veux ? m'a demandé Darell.

— Oui, pourquoi ?

— Tu sembles distraite.

Monsieur Morana a commencé son cours, j'étais curieuse de voir de quoi il allait nous parler aujourd'hui. De tueurs en série ? D'un triangle amoureux qui fini dans un bain de sang ? D'un règlement de compte ? En-tout-cas, j'allais bientôt découvrir un nouveau livre à mettre dans ma bibliothèque.

J'ai jeté quelques coups d'œil furtifs vers Victor, il ne semblait pas le moins du monde regarder dans ma direction, il m'avait à peine remarqué dans la salle.

Je n'ai pas vu le temps passer, la cloche a sonné et tout le monde s'est rué à l'extérieur de la salle. Je suis sortie à mon tour et j'ai tenté d'interpeller Victor. Je lui ai attrapé le bras, il s'est tourné et m'a souri. Quand il était avec ses potes, il semblait bien plus impressionnant, alors qu'en réalité, c'était toujours la même personne. C'était l'effet de groupe, je suppose.

— Il fallait que je te rende ça, ai-je dit en plongeant ma main dans mon sac.

J'ai tendu le pull à Victor, il l'a pris en souriant pendant que ses potes commençaient à le charrier. Il m'a remercié puis il a rejoint ses amis. Il s'est tourné vers moi une dernière fois pour me sourire avant de tourner dans le couloir.

— Qu'est-ce que je viens de voir ? m'a demandé une voix derrière moi.

Je me suis retournée, Amandine était derrière moi accompagnée de Barbara qui redressait ses lunettes toutes les cinq secondes. C'était un toc qu'elle tentait désespérément de combattre depuis l'enfance.

— T'as vu quoi ? ai-je répondu.

— Tu as rendu un pull à Victor, a-t-elle dit en balayant son regard sur moi.

— Tu sors avec Victor ? a demandé Barbara. J'ai loupé un épisode !

— Non. Je ne sors pas avec lui.

— Mais tu faisais quoi avec son pull ? a questionné Amandine.

Darell est sorti à ce moment-là de la salle et nous a regardé étrangement.

— Réunion entre filles, Darell, tu peux disposer, a dit Amandine en lui faisant signe de partir.

— Je n'avais pas l'intention de rester ! a répondu Darell en passant son chemin. Mais, j'ai déjà entendu le début de la conversation...

Darell m'a regardé, il avait l'air ni ravie, ni content. Il s'en foutait, je pense. J'ai posé mon regard sur Amandine qui exigeait une réponse.

— Les mecs d'hier... Ils m'ont suivi en fait... J'ai sonné chez quelqu'un pour me tirer d'affaire et c'est tombé sur la maison de Victor...

— Bien sûr ! s'est exclamée Amandine avec ironie.

— Crois-le ou non, c'était un hasard, je ne savais pas où il habitait ! J'étais bien trop flippée pour faire attention.

— T'es allée chez lui, donc ?

— Il m'a accueilli parce que j'avais froid et qu'il n'allait pas me laisser dehors alors que des fous traînaient... Ensuite, on a regardé « Shaun of the Dead » et il m'a raccompagné.

— Et c'est tout ?

— C'est déjà suffisant, et le pull, il me l'a prêté parce qu'il flottait et que je mourrais de froid.

— Mais tu faisais quoi dehors le soir ? m'a demandé Barbara.

— Je rentrais du centre commercial, j'étais avec Amandine. Elle m'a dit que tu ne pouvais pas nous accompagner.

— Ah bon ? a questionné Barbara en redressant ses lunettes et en toisant Amandine. Je n'ai pas le souvenir d'avoir reçu l'ombre d'une invitation.

J'avais envie de m'enterrer sous terre, Amandine avait mis délibérément Barbara de côté et c'est un comportement que je ne cautionne pas. Barbara n'a rien dit de plus, mais j'ai vu dans ses yeux qu'Amandine venait de lui décocher une flèche en plein cœur. Elle était blessée et je le comprenais.

Amandine a baissé la tête, j'ai enchaîné sur un autre sujet pour ne pas prolonger le malaise dans lequel je venais de nous enfoncer.

— De toute façon, je dois y aller, a dit Barbara en me bousculant l'épaule sur son passage.

J'ai attendu que Barbara s'en aille pour commencer à sermonner Amandine.

Bravo ! lui ai-je dit ironiquement.

— Elle ne nous en voudra pas, a répondu Amandine en levant les épaules. On a bien le droit d'aller au centre commercial toutes les deux.

— Oui, mais pas de mentir comme t'as fait ! Je ne te comprends pas Amandine ! Parfois, tu agis comme une garce. Et à cause de ça, tu finiras seule, toute seule.

Et je suis partie en laissant Amandine derrière moi. J'ai rejoint Darell qui mangeait un sandwich sur un banc du lycée. Je me suis assise à côté de lui.

— Alors, comme ça tu es en mission pour conquérir Victor, un des sportifs, m'a dit Darell en croquant dans son sandwich.

— Je l'aime bien, ai-je répondu en levant les yeux.

— Tu veux un écouteur ? m'a-t-il proposé.

J'ai pris l'écouteur dans mes mains et je l'ai mis à mon oreille. Les Shards of Heart résonnaient dans tout mon corps, faisaient vibrer ma cage thoracique et battre mon cœur à un rythme effréné. J'ai regardé en face de moi, le stade de foot s'étendait devant mes yeux et derrière celui-ci, il y avait le grand terrain d'herbes sur lequel des dizaines de filles bien foutues étaient allongées et se racontaient des potins en regardant les sportifs. J'ai regardé les garçons s'entraîner et parmi eux, il y avait Victor. Il courait après le ballon de foot, tout le monde l'acclamait. Il a tiré et marqué. J'ai souri.

Je bougeais la tête au rythme de la musique en fixant Victor qui se déplaçait gracieusement sur le terrain. Il a regardé dans ma direction, il a souri. Il a passé une main dans ses cheveux puis s'est concentré sur le match de foot. Je détestais le foot, je m'en foutais du match, ce que je regardais c'était lui, c'était Victor, et je ne pouvais pas détourner mon regard de lui. Les Shards of Heart étaient la bande originale de ce moment, de notre histoire naissante, et j'ai savouré chaque seconde.

Mais il faut que je reprenne mes esprits, je ne peux pas me laisser attendrir par un regard aux attentions polissonnes.

***

Dead Girl's DiaryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant