5 : Un cœur qui chante

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Victor sort du journal de Billie. Il était comme aspiré à l'intérieur, pris dans les filets d'un roman. Il regarde autour de lui puis repose ses yeux sur les pages qu'il vient de lire, il referme le journal et le glisse dans son sac à dos.

Il sort de la chambre de Billie en jetant un dernier coup d'œil à l'intérieur. Il croit entendre la voix de Billie qui chuchote. Il balaye la pièce des yeux, une brise accompagne ces chuchotements, elle est là, elle est proche.

Victor passe devant la chambre d'Emma. Elle est assise par terre contre son lit, les genoux contre sa poitrine. Victor passe son chemin, il a un pincement au cœur. « Ta sœur est toujours là » se dit-il.

Il descend les escaliers et voit Lorraine en train de récurer l'évier, même s'il est déjà propre. Victor décide de mettre les voiles, c'est pénible de rester ici. Lorraine le regarde en s'essuyant le front avec le dos de sa main.

— Tu ne veux pas rester manger ? lui demande-t-elle.

Quelques mèches de cheveux tombent sur le front transpirant de Lorraine. Elle frotte à nouveau frénétiquement le fond de l'évier.

— Non, il faut que je rentre. Une prochaine fois.

Victor remonte la rue, traverse un axe et se fait klaxonner car il est distrait et ne regarde pas autour de lui. Il est complètement perdu, il a égaré certains de ses repères. Il jette un œil au cadran de sa montre et regarde l'heure, sa classe doit être en cours depuis un certain temps déjà. Ils ont dû apprendre la nouvelle, quelle horreur, Victor ne préfère pas y penser. La classe a dû penser à cette légende complètement fausse et ignoble : « Si quelqu'un meurt dans la classe, tout le monde a son bac. »

Victor n'a aucune envie de retourner au lycée, pas dans l'immédiat en tout cas. Le jeune homme s'arrête dans un coin discret de la ville, il a le cœur lourd, trop lourd. Il essaye de combattre ses émotions, en vain. Un trou béant a été creusé dans sa poitrine. Elle ne reviendra pas, jamais, et il doit l'accepter.

Il part s'appuyer contre un mur de pierres face à un terrain d'herbes. L'église n'est pas très loin, il peut en apercevoir le clocher et même le toit. Il jette son sac à dos par terre, celui-ci ne risque pas d'être plus abîmé, il est couvert d'inscriptions faites au Tipp-Ex, d'écussons de groupes de musique et de pins. Victor regarde le mur et pose ses poings contre celui-ci, il appuie ses phalanges contre la pierre, il cogne le mur jusqu'à se faire saigner.

Il colle son dos aux briques puis se laisse glisser contre celui-ci. Il se retrouve assis par terre, à bout de force. Il tente de se réveiller de son cauchemar de toutes les manières possibles, mais la souffrance et le sang chaud qui coule entre ses doigts le ramènent à la réalité.

Il est coincé et pris au piège.

Il plaque ses paumes sur son visage, recouvrant sa peau de sang rouge. Les plaies sur ses phalanges le brûlent, il les regarde en grimaçant et en soupirant. Des larmes de tristesse et de colère s'échappent de ses yeux et viennent se mélanger au sang frais sur son visage.

Il se relève péniblement puis prend son sac en le jetant sur son épaule. Comme un vagabond, il regagne doucement sa maison.

Il ouvre sa porte d'entrée, celle-ci est projetée contre le mur. Madame Hauran se précipite dans le couloir. Elle semble soulagée de voir son fils réapparaître. Elvis suit Madame Hauran en aboyant. La mère de Victor s'apprête à prendre son fils dans ses bras, mais celui-ci la repousse dans un accès de colère. Il jette son sac à dos en travers des escaliers, retire ses chaussures et les balance dans le couloir avant de se mettre à pleurer. Sa mère insiste pour le prendre dans ses bras et il finit par s'écrouler sur elle. Il serre sa mère dans ses bras, tellement fort que celle-ci manque d'être étouffée.

Dead Girl's DiaryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant