Mirage [MxM] [Terminé]

0 - Prologue

 — Tu rentreras tard ?

Prêt à passer la porte, je jetai un regard lassé à mon épouse esseulée.

— Sûrement.

Cette simple réponse lui fit détourner le sien. Ses yeux bruns s'affaissèrent d'une mélancolie devenue habituelle. Depuis quelque temps, elle n'était même plus déçue, à peine désappointée de mes absences répétées. Elle s'y accoutumait et je m'en accommodais. « Ce n'est pas triste », pensai-je une fois le battant fermé, c'était logique. Après tout, nous ne nous étions jamais aimés.

Je désertai mon quartier, ses maisons simples et ses rues inanimées, d'un pas tranquille. Le soleil, encore jeune, qui se frayait un chemin entre les bâtisses, apportait une chaleur déjà accablante pour l'heure. Je rabattis ma fine capuche claire sur mes cheveux châtains afin de protéger mon crâne des assauts de l'astre et pris la route des fortifications de la cité.

Ces derniers jours, l'oasis entrait dans une effervescence qui ne cessait de croître. Les habitants décoraient leurs maisons de fanions colorés, de bougies sculptées et autres banderoles de tissus entremêlés aux rares fleurs qui poussaient dans désert. En plus d'être une superbe parure pour la ville, ils embaumaient les rues d'un parfum délicat qui m'enchantait, me sortant un tantinet de ma routine.

Partout, les commerçants bradaient les prix avant l'arrivée des touristes qui envahiraient tout. Les écoles répétaient leurs spectacles de fin d'année qui seraient joués dans les divers amphithéâtres à ciel ouvert. Et je prenais plaisir à flâner dans cette fourmilière de plus en plus grouillante.

Dans quelques semaines, les diverses célébrations des nuits pourpres auraient lieu. Et d'ici là, notre oasis deviendrait l'hôte de festivités qui lui étaient enviées dans le monde entier ; un immense marché qui s'étendait du centre-ville jusqu'aux murailles extérieures. Des marchands venaient de tous les coins du monde, uniquement pour participer au plus grand festival du genre. Au point culminant de ces festivités, il y aurait trois jours pendant lesquels l'astre de la nuit disparaîtrait, laissant le ciel nocturne vide de sa source lumineuse diffuse. Seule une aura rougeoyante, reste du soleil, nous inonderait, comme lors du sacrifice d'Elysia.

Mais plus que ces phénomènes divins, ce que j'attendais le plus était les rencontres que m'offriraient ces événements. Pour moi qui n'avais jamais eu l'occasion de sortir de l'oasis, voir tant de gens venant de différents endroits serait un émerveillement.

Ici, bien sûr, la population était hétéroclite. Nous comptions de nombreuses couleurs et textures de peau, des faciès plus ou moins rassurants et des capacités parfois spectaculaires pour le simple humain que j'étais. Mais l'arrivée des marchands m'excitait bien plus que toutes ces personnes habitant déjà la cité. Eux, avaient combattu les déserts qui entouraient notre ville, vu les confins du monde et je piétinais déjà d'impatience à l'idée de leur poser toutes les questions qui tourbillonnaient dans ma tête.

Lors des dernières nuits pourpres, il y a vingt ans, j'en avais quatre. Je n'en possédais donc aucun souvenir. Lorsque mes parents m'en parlaient, je voyais des étoiles dans leurs yeux de cinquantenaires fatigués. Mais cette année, je pourrai enfin découvrir ce qu'on me vantait comme l'événement qu'il ne fallait pas rater. En plus de pouvoir affirmer ma croyance en ma déesse, j'étais décidé à savourer tout ce que la vie me proposerait.