22 - Le départ

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 Mon attention retomba sur le démon qui me fixait. C'était difficile de l'abandonner, mais... même si j'avais encore des sentiments puissants pour lui, j'avais besoin de m'éloigner. Depuis que j'étais sorti de réappropriation, une peur s'était insinuée en moi. Elle s'éveillait lorsque l'un d'eux était près de moi. Dès qu'une créature m'approchait, je sentais mon corps se tendre. Je savais que le clan ne me ferait pas de mal, mais je restai méfiant.

Alors, si je ne voulais pas blesser Zora ou quelqu'un d'autre par une réaction spontanée, je devais réapprendre à leur faire confiance. Après tout, ils s'étaient battus pour moi, pour ma liberté, donc je ne pouvais pas risquer de les rejeter à cause du fait que d'autres m'avaient porté atteinte.

Les gargouillements de la mort de Kuji me revinrent en mémoire et je frissonnai. Zora avait tué des gens... Que ce soit par accident ou par volonté, il avait ôté la vie à plusieurs démons. Je m'écartai de lui, troublé par la dualité qui me déchirait en deux. Je n'étais pas satisfait de notre relation. Je désirais qu'elle soit égale à notre dernière soirée ensemble, à ce partage qui nous avait lié, mais ce n'était plus ce que je ressentais.

S'il me voulait, il devrait être honnête et m'accepter comme j'étais prêt à le faire : tout entier.

Et puis, il n'y avait pas que ça. Tout au fond de moi, même si mon rêve de quitter l'oasis se réalisait, ce n'était pas la finalité que j'attendais. J'allais fuir sans dire au revoir à Siora, sans posséder la chance de parler une dernière fois à Tekka ou à mes collègues de la pépinière. Je n'avais pas pu faire de bagage, je partais sans rien qui m'aurait offert un souvenir de ma vie ici. Il ne me restait que mes réminiscences, entachées de violence ainsi que de toutes mes mauvaises actions.

Plus qu'une envie, j'avais besoin d'apprendre qui j'étais. Tout comme Lya avait dû prendre une décision quant à sa destination, mon futur demandait une attention particulière que je désirais lui accorder. C'était un sentiment égoïste, j'en avais conscience, mais je pensais le mériter.

Zora saisit ma main et y déposa un baiser.

— Nous aurons au moins deux mois de voyage avant d'atteindre les plaines qui nous mèneront aux forêts de l'est. Lorsque j'aurai mis un point final à mes affaires dans cette région, je pourrai t'expliquer. Tu pourras attendre jusque-là ?

Il souriait, mais le cœur n'y était pas, ça se voyait comme le nez au milieu de la figure. J'acquiesçai avec un air encourageant et il déposa un dernier baiser sur ma joue.

Lorsque nous rejoignîmes la table, d'autres s'y étaient installés. Je retrouvai ma place entre mes anciens époux et Shenzi, la sienne sur mes genoux. Zora but un verre d'alcool et je remarquai sa bague, semblable à la mienne. En baissant le regard sur ma main, je pris conscience que mes alliances étaient restées en réappropriation et en la portant à mon cou, je compris que mon collier aussi.

Tout en picorant plus que je mangeais, je discutais avec Lya. Nous parlâmes de la famille qu'elle retrouverait dans le nord ; sa tante et ses deux enfants. Ils habitaient dans une région boisée, zébrée de lacs et de rivières à l'eau turquoise.

— Une de mes cousines m'avait envoyé une peinture d'une prairie proche de chez elle quand j'étais plus jeune, m'expliquait-elle, les yeux brillants. C'est dans un endroit où je veux résider, verdoyant, plein de vie, de fleurs, d'animaux ! Loin de la chaleur étouffante de l'oasis.

— Oui, au moins, notre exil à du bon pour ça. Tu crois que tu vas pouvoir porter des manches longues ?

Elle rit à ma blague et je l'accompagnai. Ce soir, je découvrais une nouvelle Lya. Elle n'était plus ma femme, pouvait se comporter de manière naturelle et j'adorais ça. Pour la première fois, j'eus l'impression de la voir heureuse et ce sentiment était merveilleux.

Mirage [MxM] [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant