6 - Le temple d'Elysia

748 110 26
                                    

 En fin d'après-midi, et en tant qu'humain, on pouvait déjà se rendre compte du déclin de la chaleur. Je respirais mieux, me sentais moins accablé et j'atteignis donc le marché en un éclair, là où j'avais l'impression que le monde entier s'était donné rendez-vous.

Shenzi, habituée à nos sorties, mais gênée dans les lieux bondés, prit rapidement place dans mes bras et je fendis la foule papillonnante avec aisance. J'eus besoin de moins de vingt minutes pour arriver à l'étal de Zora, mais je déchantai à une vitesse folle en ne l'apercevant pas derrière la large table. Il m'avait pourtant dit qu'il m'y attendrait tous les jours.

Mon cœur se serra de nouveau. Est-ce qu'il se désintéressait de moi ? Le moment d'euphorie était passé ? Déjà ? Shenzi se redressa, frottant sa truffe fraîche à mon menton. Elle me comprenait très bien, contrairement à moi.

— Syriel ?

Je relevai les yeux vers Vali, content de trouver une tête connue, mais avant que je ne puisse prononcer le moindre mot, deux autres créatures s'approchèrent.

— C'est lui l'humain de Bhalzora ?

La question venait de l'un d'eux, dont les traits me rappelaient ceux de Tekka. Je retrouvais un faciès semblable, dur, presque animal, surmonté de deux cornes larges et courbées, une peau presque identique, sombre, texturée et des iris d'un orange perçants.

Le second rit, mauvais, dévoilant une rangée de dents pointues absolument terrifiantes. Lui me faisait peur, il ne semblait ni sympathique ni avenant.

Son apparence ressemblait à celle d'un cauchemar qui aurait pris vie. Même en plein jour et sous la lumière puissante du soleil, j'avais du mal à distinguer ses traits de son épiderme obscur et vaporeux. Seuls deux grands yeux blancs et ronds sans pupilles ni iris, ainsi qu'une bouche disproportionnée, fendant sa face en deux, ressortaient de la noirceur de son visage. À cause de cette curieuse matière impalpable et brumeuse qui recouvrait son corps, il paraissait flou, intangible et terriblement dangereux. J'eus l'impression qu'il n'existait que pour terrifier le reste de la planète.

— C'est un gamin. T'as quel âge, bonhomme ? m'apostropha-t-il de la manière dont on s'adresse aux enfants.

Sa parole elle-même mélangeait des hurlements bas et des grognements, comme s'il utilisait plusieurs voix pour converser. Je détournai les yeux afin de ne pas lui dévoiler ma méfiance et consultai Vali.

— Est-ce que tu peux me dire où se trouve Zora ?

— Hey, l'humain ! gronda le cauchemar sur pattes. Pour qui tu te prends à m'ignorer ? Tu crois que ton statut d'espèce protégée va m'empêcher de te casser quelques os ?

Dans l'instant, Shenzi montra les crocs, grognant d'une manière agressive.

— Tais-toi, Arath ! feula presque Vali. Tu sais ce que tu risques si Zora entend ça ? Va voir ailleurs si on y est !

L'intéressé siffla entre ses dents, mais se détourna de nous. Je déposai un baiser sur la tête de la fennec et la remis au sol.

— Il est parti chez Nélie, m'apprit enfin Vali. Il ne devrait pas tarder, tu veux l'attendre ici ?

— Avec plaisir.

Elle m'invita alors à m'installer derrière, avec eux. Elle m'apporta une chaise sur laquelle Shenzi se coucha tandis que je m'appuyais au mur dans mon dos, rafraîchi par l'ombre de la tonnelle. Le démon qui ressemblait à Tekka vint vers moi, il me tendit un verre et me somma de boire. Je m'exécutai après que Vali ait acquiescé et ma bouche fut emplie de saveurs fruitées absolument délicieuses.

— Tu aimes ? me demanda-t-il.

Je hochai la tête.

— C'est très bon !

Mirage [MxM] [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant