1.2 - Le marché

901 114 12
                                    

 Lorsque le soleil fut à son zénith et que la pause du midi s'entamait, je quittai l'entreprise et retournai chez moi.

Sauver les apparences était primordial. Passer des moments avec elle, prouver à tous que nous étions heureux l'empêcherait de terminer là où je désirais aller. On nous questionnait de plus en plus souvent sur l'arrivée prochaine d'un bébé, mais vu « les efforts » que nous y mettions, cet enfant ne verrait jamais le jour. Nous allions devoir en parler sous peu.

Au moment où j'ouvris la porte de la maison, je pus apercevoir le sursaut de Lya, attablée sur ses créations. Elle me fixa, les yeux grands ouverts de surprise. Je ne rentrais, pour ainsi dire, jamais avant la nuit tombée, il était normal qu'elle soit interloquée par ma présence.

— Syriel, tu rentres tôt ! s'enthousiasma-t-elle.

— Tu veux aller au marché avec moi ?

Ma requête fit naître un joli et large sourire sur son visage.

— Avec plaisir !

J'allai prendre une douche rapide, m'habiller de manière à faire honneur à mon épouse, puis je l'attendis dans le salon. Tout en réfléchissant, j'arrangeai un peu les offrandes à Elysia. Les fleurs devaient être changées et la bougie, presque terminée, devait être remplacée. Je plongeai mon index dans l'eau de lune et dessinai un bref croissant de l'astre sur mon front, priant la déesse de m'accorder ses grâces une nouvelle fois.

Lorsque Lya apparut, je ne pus m'empêcher de réagir. Avec sa robe longue et vaporeuse d'un jaune solaire, ses bijoux discrets, mais étincelants et son parfum préféré qui embaumait l'air d'une délicatesse sucrée, elle était vraiment magnifique. Je lui tendis le chapeau que je trouvais le plus adapté à sa tenue et nous sortîmes.

À la vérité, Lya était de bonne compagnie. Elle avait de l'esprit, de la répartie, elle m'étonnait souvent par ses connaissances et elle était d'une douceur rare. Si elle n'avait pas été ma femme, nous aurions pu être amis, mais cet arrangement créait un mur entre nous.

Comme elle avait besoin de passer par une boutique, nous fîmes un détour, mentant sans vergogne sur notre bonheur et nos essais de procréer. Parce que même si certaines créatures de la cité avaient de la retenue, à l'image de Tekka, la grande majorité de ces peuples parlaient sans faire preuve du moindre tact. Ils s'employaient alors à nous interroger durant de longues minutes sur les positions pendant l'acte, la quantité de semence déversée, la fréquence de nos rapports... Un vrai plaisir au quotidien...

Cependant, ces derniers temps, je remarquais plus de regard en biais, de chuchotements sur notre passage. Tous, ils savaient tous que nous ne respections pas les règles et cette mise à l'écart de plus en plus présente éveillait ma culpabilité.

Nous nous rapprochâmes du centre-ville, là où une poignée de marchands déjà arrivés montaient leurs boutiques temporaires. Bien que rien ne soit vraiment prêt, ils accueillaient bien volontiers leurs premiers clients, échangeant or contre sourires. Les parfums des épices, des viandes et des différents articles exposés nous transportaient loin dans les confins du monde, tandis que les couleurs chatoyantes des étoffes captaient mon regard émerveillé. Alors que nous déambulions, et que je me gorgeais d'expériences sensitives, Lya s'accrocha à mon bras et je l'entendis inspirer avec force.

— C'est tellement agréable de sortir ! me confia-t-elle.

— Tu peux le faire quand tu veux, tu sais ?

— Oui, mais toute seule, c'est moins drôle. Mes amies n'ont pas le temps de se divertir. Entre Camys, ses cinq enfants et Nouvia qui est enceinte du quatrième... Je ne les ai pas vues depuis des semaines...

Mirage [MxM] [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant