18 - La solitude

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 Après l'explosion, un silence de mort engloba le bâtiment. Il ne dura qu'un court moment et fut rompu par des coups désordonnés qui résonnèrent sur les murs vides des étages. Au loin, les portes des escaliers claquèrent, balancées contre les parois de pierre, puis les voix de nos geôliers se rapprochèrent.

— Dépêchez-vous ! Récupérez les humains dont vous avez la charge et partez vers le sud ! beugla l'un deux.

Le couloir s'anima, entre grincement et cris. J'entendis qu'on pressait mes camarades à se lever et refermai les yeux, épuisé. Soudain, un grand coup cogna contre ma grille. Elle frappa le mur à son tour et je fus secoué.

— Debout, 27 ! gronda Kuji.

Je n'ouvris même pas les paupières. Un mal de tête affreux enflait dans mon crâne en même temps que sa voix forte. Mon corps était lourd, douloureux, mais étourdi, me piégeant dans un état proche de la transe d'agonie. Oui, c'était ça, j'étais à bout de force, de vie.

— Grouille-toi ! hurla-t-il en me secouant.

Il était terrifié, je le sentais, et lorsque je tournai mon regard vers lui, l'effroi que je lus me surprit. Ses yeux exorbités oscillaient entre la porte et moi, tandis que les spasmes qui actionnaient ses épaules m'arrachaient un rire faible.

Je n'avais pas peur de mourir ici, tué ou écrasé par les pierres de la bâtisse, mais lui, il était horrifié. Mon visage bascula de nouveau vers le mur et je clos mes paupières dans l'espoir d'endiguer la douleur qui serrait mes tempes dans un étau.

— Putain ! jura-t-il avant de m'empoigner.

Il me releva avec toutes les peines du monde tant mes jambes refusaient de supporter mon poids. Un bras autour de sa nuque afin que je tienne plus ou moins debout, il me maintenait la main avec force, à deux doigts de me déboîter l'épaule et il me tira en dehors de la cellule plus qu'il ne me guida. Son second bras, enroulé contre mon dos, me portait pratiquement. De toute façon, je n'étais pas capable de marcher et s'il me lâchait, là, tout de suite, je m'effondrerai.

À peine avions-nous fait quelques pas que des hurlements nous parvinrent. Des cris déchirants qui s'arrêtaient rapidement, compte tenu de leur puissance, et Kuji se tendit.

— Merde, merde, merde..., répétait-il en boucle. Faut qu'on dégage, 27. Ils vont tous nous massacrer !

Il scruta le long couloir et nous reprîmes notre route. Au silence qui régnait autour de nous, je me rendis compte que nous étions les derniers. La respiration du démon, erratique, sifflait presque autant que la mienne. Une quinte de toux violente nous obligea à nous stopper, au grand dam de Kuji. Mes épaules tressautaient sous les à-coups de la toux. J'avais mal à la gorge, aux poumons et pour la première fois, j'expectorai du sang. Ce ne fut pas une belle giclée d'hémoglobine, épaisse et étouffante, qui aurait signé la fin de ma vie. Seulement un amas de grosses gouttes grasses. Je gémis de douleur en posant ma paume contre ma bouche, mais n'eus pas le temps de m'apitoyer sur mon sort, car il se remit en route.

Nous approchions de la porte des escaliers, celle qui lui offrirait l'accès à la délivrance, mais bien avant que nous ne puissions l'atteindre, elle s'ouvrit avec fracas. Pétrifié par la peur, Kuji trembla de la tête au pied, et lorsque des pas se firent entendre, il me lâcha.

Je tombai de façon abrupte contre les pierres, me blessant davantage. Ma vision se flouta, m'empêchant de percevoir quoi que ce soit avec précision, mais j'entrevis que plusieurs personnes venaient d'arriver.

Lorsqu'ils entrèrent dans le corridor, Kuji recula et la tension monta d'un cran. Je le sentis dans les souffles des nouveaux, amusés, dans le tintement des armes que je devinais autour d'eux et au son strident que produisait Kuji.

Mirage [MxM] [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant