11.1 - Le Banquet

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 Autour de nous, l'assemblée s'était tue. La plupart me fixaient, l'air grave, alors que Garoth et Zora se scrutaient, semblant converser sans avoir besoin d'échanger le moindre mot. Cette nouvelle me terrifiait en même temps qu'elle me comblait de joie.

Je devais transmettre cette information à la pythie dès demain ! C'était une situation incroyable ! J'allais peut-être enfin comprendre le problème avec mon tatouage et donc, avec ma déesse. Et pourquoi pas, si j'osais en rêver, résoudre mon plus gros souci.

— Bhalzora, gronda Garoth, il va falloir que tu prennes une décision éclairée. Le temps n'est plus aux amusements. Tu n'aurais pas dû me cacher ça. Nous devons parler. Dans l'instant.

L'intéressé baissa la tête, pris en faute. Le vieux démon se leva, tapota mon crâne en soupirant et s'éloigna en compagnie de Zora. À peine tournaient-ils pour se diriger vers le désert en contournant la tenture que Vali s'écroula à côté de moi. Je sursautai et pivotai vers elle, perdu.

Garoth semblait furieux et j'avais peur de la signification de cet énervement soudain. À vrai dire, tout demeurait possible. Je pouvais autant être exclu du clan, qu'enlevé. Les itinérants n'avaient pas tous une bonne réputation. Certaines coalitions étaient même refusées dans plusieurs villes et elles avaient commis bien pire qu'un kidnapping d'humain.

— Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ? lui demandai-je.

Son visage afficha une certaine tristesse.

— Tu n'y es pour rien, mais... Ce n'est pas de ta faute.

Le fin sourire qu'elle m'envoya ne me rassura pas le moins du monde. J'arrondis le dos, me pliant sur Shenzi, toujours couchée sur mes genoux, avec la ferme intention de disparaître. Je me sentais mal de comprendre que je n'étais pas le bienvenu ici non plus. Parce que c'était sûrement les mots de Garoth pour Zora en ce moment même.

Shenzi couina avec douceur. Elle cherchait peut-être à me réconforter, si c'était le cas, ça fonctionnait. J'enfonçai mon nez dans sa fourrure, le cœur serré par l'appréhension. Je pris le temps de respirer avec une lenteur calculée et une fois calmé, je me redressai.

— Ils vont en avoir pour un moment, viens manger, m'invita Vali.

Elle tapota sur la table devant moi, où une assiette bien garnie et fumante m'attendait. J'avalai une bouchée de viande juteuse, délicieuse, qui me remonta un brin le moral. Un démon s'assit à côté de moi. Il me rappelait à Derken, bien que ses yeux, au lieu d'être orange, se paraient d'un joli vert clair. Ses traits paraissaient un peu plus fins aussi, mais la similitude demeurait saisissante.

— Salut, Syriel, je suis Lorluine. Tu connais mon grand frère, Derken.

— Il me semblait bien que tu lui ressemblais, ris-je.

Durant l'heure qui suivit, je rencontrai plusieurs personnes du clan. Je dus donc leur parler, interagir avec eux en étant amical, alors que tout ce qui m'importait, c'était l'indisponibilité actuelle de Zora et ce qu'il se passerait lorsqu'il reviendrait. Donner le change se révéla d'une simplicité enfantine en surface. J'avais l'habitude. Dans ces conditions, je souriais, répondais aux questions sans trop m'épancher en explications. Pourtant, au fond, j'étais ravi de pouvoir tous les connaître, et le sentiment paraissait partagé. Certains me racontèrent des histoires fabuleuses, d'autres vinrent seulement nous saluer Shenzi et moi, mais j'eus bien vite la tête pleine de visages, de voix et de gaieté.

On me prévint de l'absence de la femme de Garoth, partie dîner avec des amis de son ancien clan ainsi que de celles de plusieurs autres, mais l'essentiel des créatures se montrait présent. Je pouvais me voiler la face, riant et parlant de manière amicale avec tous, mais mon cœur restait serré. Je ne savais pas ce qui se tramait derrière cette tenture, mais j'avais peur que toute cette histoire finisse mal. Tandis que je mangeais un peu, sous l'ordre de Vali, j'entendis un son que je connaissais.

Mirage [MxM] [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant