11.2 - Le banquet

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 Orika m'expliqua que je me changerai au dernier moment, car les vêtements de cérémonies servaient à sublimer le corps, pas à l'habiller. Kyro ajouta qu'elle avait choisi des teintes foncées afin d'exposer le ton pâle de ma peau le plus possible. Toutes les trois sortirent de la caravane en promettant de revenir parce que « Kyro a ce qu'il faut ».

Je me retrouvai seul avec Lorluine, dans un silence qui ne s'éternisa pas.

— Je n'ai pas très bien saisi tout à l'heure ; cette Lya est ton épouse humaine, mais tu es tout de même marié à Bhalzora ?

Je m'adossai à l'assise du canapé en soupirant.

— Pour te dire la vérité, je n'en sais pas plus que toi. Avec Lya, j'ai obtenu des tatouages, mais je n'avais jamais entendu parler d'une seconde union qui en aurait créé sans effacer les premiers. En plus, la couleur des marques de Zora reste inhabituelle, je n'en comprends pas la signification.

Il y eut un silence durant lequel je réfléchis une fois de plus à la situation, sans m'approcher de l'ombre d'une réponse.

— Est-ce que ça fait mal ?

— Quoi ? Non ! Bien sûr que non. La création des tatouages chauffe un peu la peau, mais il n'y a aucune douleur. En fait, c'est assez agréable, tout s'effectue en douceur. C'est un moment très solennel.

— C'est quand même bizarre les envies d'Elysia et de Qilbi, de marquer leurs fidèles, marmonna-t-il. Ça leur fait un point commun assez malsain, je trouve.

Il soulevait un sujet intéressant, mais il se trompait.

— Pour ma déesse, ils sont une indication de notre foi. Suivant l'endroit où ils apparaissent, ils n'ont pas la même signification et ils peuvent évoluer conjointement avec leur porteur, voire disparaître si la croyance fait de même. Pour ceux qui prient Qilbi, ils sont fabriqués de toute pièce par les religieux, causant des douleurs à la limite de la torture lorsque c'est pratiqué sur le visage. Ça n'a rien à voir.

— Je ne voulais pas t'énerver, rit-il.

— Ce n'est pas le cas. Mais Qilbi... Il est tellement différent de ma déesse. Je ne comprends pas comment il peut posséder tant adeptes à notre époque.

— Il en faut pour tous les goûts, conclut-il en haussant les épaules. On ne peut pas tous être qu'amour et bonté.

Nous rîmes et avant que nous puissions reprendre, les filles revinrent, les bras chargés. Une minute plus tard, j'étais envoyé sous la douche par une Vali furieuse que je n'y sois pas déjà. Elle m'indiqua la porte sous le lit et en l'ouvrant, j'eus la surprise de trouver une petite salle de bain contenant des WC. Je me lavai vite et retournai dans le salon où on me fit asseoir sur un pouf.

Durant les minutes qui suivirent, Orika peint mes ongles en noir, Vali appliqua du rouge sur mes lèvres puis m'accrocha des boucles d'oreilles tandis que Kyro enfilait des bracelets d'or à mes poignets et mes chevilles. Ce fut Lorluine qui me coiffa, s'occupant simplement de passer un coup de peigne dans ma tignasse un peu trop longue. Shenzi observait le tout, l'air perplexe trahit par sa tête penchée sur le côté.

— Bien, maintenant que le vernis est sec, tu peux aller t'habiller, m'indiqua Orika après une attente interminable.

— Cape pour Syriel, ajouta Kyro. Pour pas tout le monde voir humain Bhalzora tout nu ! Hu hu !

Elle me tendit la tenue foncée ainsi que mon sac et je retournai vite dans la salle de bain pour me changer. En extirpant les vêtements de la besace, je compris que Vali n'avait pas exagéré ; ces vêtements ne couvraient rien du tout. Ils se composaient d'une sorte de robe qui n'en avait que le nom.

Le haut se découpait en deux bandes de tissu noir, rattachées à mon cou par une troisième, et qui se rejoignaient sous mes reins, laissant donc tout mon torse et mon ventre apparents. Le bas se révéla pire. Il s'agissait d'une jupe fendue sur les deux jambes jusqu'à une ceinture, elle-même si échancrée que je me demandais à quoi elle servait. Le coton, bien que foncé, était si fin qu'il ne laissait aucune place à l'imagination et sa limite avait beau frôler mes chevilles, il ne dissimulait rien. En la revêtant, je me sentis encore plus nu qu'à la boutique de Kyro et en jetant un coup d'œil dans le miroir face à moi, je pinçai les lèvres.

Les broderies d'or qui couraient sur les extrémités de la jupe étaient magnifiques et sa teinte passant du pourpre au noir mettait ma peau en valeur. Encore une fois, ce reflet me plut. J'enfilai la cape et la boutonnai de l'intérieur avant de glisser mes avant-bras par les ouvertures prévues à cet effet.

En sortant de la salle de bain, Vali retoucha un peu mon rouge à lèvres et Kyro déposa un diadème sur mon crâne. Un bijou pendait sur mon front, chatouillant ma peau. Orika m'aida à chausser des sandales plus apprêtées et elles me déclarèrent somptueux.

— Je crois qu'on va faire un heureux, plaisanta Vali.

— Deux, si on a bien travaillé, ajouta Orika.

Ils se jetèrent des fleurs, puis Kyro plaça la capuche pour camoufler ma tête. Elle enfila un voile sur mes oreilles. De couleur noire, il me couvrait du nez au cou, ne laissant, en fin de compte, que mes yeux de visibles.

— Syriel prêt ! Hu hu, valida-t-elle.

Alors que nous sortions de la caravane, Kyro mit le doigt sur quelque chose d'important.

— Shenzi rester avec nous ! Pas possible avec Bhalzora et Syriel. Fennec choquée demain. Choquée ! Choquée !

Un fin rire parcourut le petit groupe et je m'exclamai, rouge comme une pivoine.

— Kyro a raison, surenchérit Lorluine. Il vaut peut-être mieux qu'elle loge avec la personne qu'elle connaît le plus ici.

Je baissai les yeux vers Shenzi.

— Avec qui tu veux rester cette nuit ?

La fennec se retourna, scruta les créatures devant elle puis se coucha face à Kyro.

— Oh ! Jolie, jolie ! Kyro mère pour toi jusque demain ! Syriel pas s'inquiéter, Kyro déjà aimer Shenzi. Jolie, jolie, hu hu !

Je comprenais Shenzi, moi aussi j'aurais passé la soirée avec la petite démone. Il fut décidé que Vali m'accompagnerait à la roulotte de Zora et je dus donc dire au revoir aux autres. Je restai un instant avec Shenzi, lui promettant de la récupérer demain matin et après quelques salutations, nous nous écartâmes du groupe.

Dans les recoins sombres entre les caravanes, elle prit la parole d'un ton doux.

— Zora m'a dit que ce soir, c'était votre dernier moment ensemble. Je suis... Je suis vraiment désolée, Syriel. Tu sais, il l'a annoncé au clan, que si tu voulais nous rejoindre, il était prêt à se battre pour toi. C'est la raison de ta présence aujourd'hui. À moitié pour te convaincre de lutter et l'autre pour que nous t'acceptions officiellement et je dois dire que tu as fait forte impression.

Je fus touché que Zora ait tout tenté afin que nous puissions rester ensemble. Le savoir me rendait fou de joie, mais... Lya subsistait dans mon esprit. Je ne pouvais pas l'abandonner ici.

— C'est pas normal que toutes ces règles soient encore en vigueur, je veux dire... Vous êtes les seuls à subir ça !

— Oui, c'est le lot des humains. Ne t'inquiète pas, Zora s'en remettra.

Elle sembla vouloir ajouter quelque chose, mais ne dit rien. Nous marchâmes en silence sur une vingtaine de mètres puis elle se stoppa à côté d'une roulotte.

— C'est là. Bon... J'espère qu'on te recroisera quand même sur le marché avant notre départ. Tu vas me manquer.

Elle me prit dans ses bras et déposa un gros bisou sur ma joue.

— On se reverra, Syriel. J'te le promets !

Sur ces mots, elle s'éloigna, tournant rapidement derrière l'habitation jouxtant celle de Zora. Mon cœur se serra à la pensée que demain, je n'abandonnerai pas que Zora mais bel et bien tout le clan.

Mirage [MxM] [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant